Cet obscur objet du désir

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Cet obscur objet du désir est le 32e et dernier film du réalisateur Luis Buñuel. Film franco-espagnol sorti en 1977. Coécrit avec son partenaire (depuis les années 1960) Jean-Claude Carrière, le scénario est inspiré du roman de Pierre Louÿs, La Femme et le pantin. Le titre est tiré d'une expression du roman « ce pâle objet du désir » que Carrière et Buñuel ont adaptée en changeant l'adjectif et en ajoutant un démonstratif pour donner Cet obscur objet du désir

Sommaire

[modifier] Scénario

Cet obscur objet du désir est une adaptation du livre de Pierre Louÿs La Femme et le pantin. Le scénario a été rédigé par Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière lors d'un séjour au mexique (lieu d'écriture de Buñuel). Déjà, dans les années 1950, Buñuel avait écrit une adaptation du roman avec Vittorio De Sica et Mylène Demongeot dans les rôles principaux, mais le projet a avorté. Mylène Demongeot le relate dans ses mémoires :
« Je rencontre Juan Luis Buñuel, le fils de Luis.
— Sais-tu que mon père avait envie de travailler avec toi ? Me dit-il. Il avait été contacté pour mettre en scène La Femme et le pantin. Le sujet l'intéressait beaucoup. Il avait donné son accord à une condition. Qu'il puisse avoir Mylène Demongeot comme interprète. Le producteur a refusé. Le film était pour Bardot, qu'il avait sous contrat.
Et Buñuel, remplacé par Duvivier, s'est retiré du projet ! À cause de moi ! »
[1]

[modifier] Synopsis

Lors d'un voyage en train, Mathieu Faber raconte aux passagers de son compartiment ses amours avec Conchita, femme séduisante qu'il tente de posséder. Mais elle se dérobe toujours à ses avances après lui avoir fait espérer le bonheur.

[modifier] Un mise en scène théatrale

Les décors et les couleurs du film sont volontairements artificielles, les acteurs sont doublés et le film est narré par son principal acteur. Don Matteo est comme seul sur scene dans une fiction dirigée par Conchita. Les techniques utilisées par Bunuel sont celles du charme discret de la bourgeoisie (scène du theatre). Matteo est vieillit , il quitte le monde qui l'entoure.

[modifier] Fiche technique

[modifier] Distribution

[modifier] Sujet

Le film traite du désir, Buñuel y décrit la mécanique d'un désir sans fin, à la limite de la mort ainsi que les frustrations de l'amour non consommé. Le summum de cette frustration est symbolisé par le sous-vêtement qu'enfile Conchita et qui, d'objet érotique, se transforme en ceinture de chasteté, impossible à dénouer.

Le titre de l'œuvre explique clairement l'ambigüité du désir que Buñuel essaye de mettre à jour dans son œuvre. Carrère dira : "Certaine fois [...] c'est du désir dont nous sommes désireux, nous aimons être à un état de désir, un état qui nous élève au dessus de la platitude coutumière de la vie, le titre nous paraissait être totalement approprié à cette histoire sans fin."

Cet obscur objet du désir est aussi un film politique avec des sujets comme l'éducation chrétienne (le film a des protagonistes espagnols et la croix règne dans l'univers familiale de Conchita), la société bourgeoise et les attentats.

[modifier] La figure du désir : le personnage de Conchita

La grande originalité de Buñuel dans ce film est de faire interpréter le rôle de Conchita par deux actrices très différentes.

Buñuel, qui n'avait pas l'habitude de travailler le caractère psychologique d'un personnage au cours d'une œuvre, s'est demandé lors de l'écriture du scénario si le personnage de Conchita n'était pas trop invraisemblable. De là est venue l’idée d'utiliser deux actrices pour jouer le rôle de Conchita. Un découpage du scénario a été réalisé avec ces deux femmes dont l'une était « élégante, distante et même distinguée, un peu froide » et l'autre « populaire, ouverte, accessible, souriante et même un peu aguichante ». Mais Buñuel ne fut pas satisfait de cette idée qu'il décrivit comme un caprice d'un jour pluvieux.

Cependant, après 4 jours de tournage, avec une seule comédienne, lors du tournage de la « scène de la grille », Buñuel se rendit compte qu'il ne pouvait pas procéder ainsi. Il décida donc d'arrêter. Son producteur (Serge Zimmerman) se rendit à Barcelone pour prendre un verre avec lui et essayer de sauver son investissement. Buñuel lui demanda : « Serge, est-ce que vous connaissez une femme qui pourrait être toutes les femmes ? Serge Zimmerman lui répondit instinctivement : vous voulez faire le film avec deux… ou trois comédiennes ? »[2]. Serge Zimmerman y vit une manière de sauver son film et une idée extrêmement intéressante. De nouveaux essais furent alors faits pour le rôle de Conchita ; Carole Bouquet et Angela Molina furent choisies et le film relancé 2 à 3 mois plus tard à Paris.

Cette non-attribution d'un personnage à un seul comédien (non-identification) n'avait jamais été faite au cinéma alors que c'était une pratique courante au théâtre. Cet artifice renforce l'idée que Conchita est un objet du désir obscur permettant d'embrasser la complexité d'un regard altéré par le désir. Grâce à cette duplicité, Conchita peut « être toutes les femmes » et Buñuel peut la conduire là où il le souhaite. Une des grandes originalités du film de Buñuel est donc simplement une contingence de l'ambition de cette œuvre.

[modifier] Le terrorisme

Le terrorisme joue un rôle important dans le film, plusieurs scènes parle du sujet. Le GAREJ (groupe armée révolutionnaire de l'enfant Jésus) est évoqué dans la scène avec Édouard le cousin préfet, Conchita se refuse aussi à Don Matteo un soir après avoir assisté à un attentat dans la rue adjacente à leur chambre et, bien sûr, dans la scène finale. Buñuel pensait que le terrorisme était un langage des sociétés d'aujourd'hui, un nouveau langage. Ainsi Buñuel l'utilise-t-il au long du film comme une métaphore des rapports entre les protagonistes amoureux.

[modifier] Autour du film

Une œuvre à repriser (24'00) [3] de Luc Lagier est un documentaire-interview de Jean-Claude Carrière qui constitue un document unique quant à l'analyse du film. Jean-Claude Carrière y raconte la construction du film et propose son analyse de ce dernier opus (testament ?) de Buñuel. Le documentaire se décompose en 3 parties qui analysent différents axes du film :

  1. Une adaptation de Pierre Louÿs
  2. Le Caprice d'un jour pluvieux
  3. Un monde d'artifices
  4. Scène finale

La Femme et le pantin avait déjà fait l'objet de trois adaptations majeures :

[modifier] Lien externe

[modifier] Notes et références

  1. Tiroirs secrets par Mylène Demongeot, Éditions Le Pré aux Clercs, 2001, ISBN 2-84228-131-4.
  2. Propos de Jean-Claude Carrière tirés du documentaire Une œuvre à repriser de Luc Lagier -Partie 2-
  3. Une grande partie de l'analyse ci-dessus est tirée de ce documentaire qui est présent sur le DVD de Studio Canal