Camp de Conlie

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Le Camp de Conlie est un des onze camps établis par le gouvernement républicain de Gambetta lors de la guerre de 1870

Après la défaite de Sedan, Gambetta décide de former de nouvelles armées et de poursuivre la guerre à outrance. Le général de Kératry est chargé d'établir un camp à Conlie, dans la région du Mans et y rassemble les mobilisés et les volontaires de l’ouest de la France pour y former une "armée de Bretagne", au statut avancé, puisqu'il prévoyait même l'élection des chefs par la base[réf. nécessaire]. En fait, le gouvernement spéculait sur ce qu'il appellait "l'esprit de clocher breton" et sur l'ardeur au combat que susciterait pour des combattants peu francisés le fait de monter au feu tous ensemble, groupés derrière leurs propres drapeaux[réf. nécessaire]. Gambetta douta de la fiabilité de ces troupes, et le comte de Kératry fut soupçonné d'intentions séparatistes[réf. nécessaire]. Cette armée est abandonnée par le gouvernement, dans des conditions sanitaires épouvantables : pénurie de tentes, de couvertures, de chaussures, tentes inondées, boue jusqu'à mi-jambe, etc. Des milliers de soldats meurent de faim, de froid et de maladie dans ce que certains surnommaient "Kerfank", la ville de boue en breton.

Sommaire

[modifier] Historique

[modifier] Création du camp

Le général de Keratry est nommé à la tête de l’armée de Bretagne le 22 octobre, pour venir en appui de l’armée de la Loire, à charge pour lui de la créer. Il peut réunir dans son armée les mobilisés des départements de la Bretagne et du Maine, les gardes mobiles encore disponibles dans ces régions, les corps francs de l'Ouest, quelques milliers d'hommes d'infanterie de ligne, quelques escadrons de cavalerie, quelques marins, etc. Le contingent mobilisable des 5 départements bretons était, à lui seul, de 80 000 hommes.

Il fait construire à Conlie, près du Mans, le camp où se fera la formation : ce camp peut accueillir 50 000 hommes. Il y rassemble une armée de 25 000 hommes dès le 10 novembre. Près de 60 000 hommes y passent au total. Il est prévu d'armer ces hommes avec les surplus de la guerre de Sécession américaine, mais ces armes promises par Gambetta n'arrivent pas.

[modifier] Vie au camp

Les baraquements ne sont pas construits à l’arrivée des mobilisés, et les soldats sont hébergés dans des conditions exécrables. Des tentes sont établies en urgence.

Le terrain avait été labouré peu de temps avant la construction du camp. Le passage de milliers d’hommes en fait rapidement un bourbier où il est très difficile de se déplacer.

Le manque d'instructeurs (prisonniers en Allemagne), de matériel, de ravitaillement, provoquent le découragement au sein d'une troupe pourtant largement constituée de volontaires.

[modifier] Opérations de l’armée de Bretagne

Le 23 novembre, a lieu le combat de La Fourche, à proximité du Mans. Gambetta décide l’envoi de 12 000 des hommes du camp de Conlie, armés de seulement 4000 carabines en mauvais état et de munitions d'un calibre inadéquat contre le Ier corps bavarois du duc de Mecklembourg. Le général de Kératry envoie les mieux équipés et les moins fatigués de ses hommes, formant la division de marche de Bretagne (4e division du 21e corps), commandée par le général Gougeard. La division arrive à Yvré-l'Évêque le 26 novembre, lance une reconnaissance jusqu’à Bouloire. Le combat n’a pas lieu, les Prussiens s’étant esquivés.

Devant le refus répété du gouvernement d'armer correctement ses hommes, ainsi que de leur assurer des conditions d'existence décentes, et ulcéré par une dépêche humiliante du délégué à la guerre Freycinet, Kératry démissionne en signe de protestation le 27 novembre, laissant le commandement à son adjoint, le général Le Bouëdec.

À sa prise de commandement, le général Marivault qui lui succède, effaré par la situation, demande, dès le 10 décembre, l'évacuation partielle du camp, refusée par Gambetta, qui visitant le camp, trouve la situation excellente. L'état-major fait évacuer de son propre chef une partie des effectifs. Gambetta ne donne son accord que fin décembre, sur l’insistance du général Freycinet. Le scandale naît à ce moment en Bretagne, devant l’état des hommes qui rentrent chez eux. Les 19 000 hommes restants sont intégrés à la 2e armée de la Loire, et le camp est fermé le 7 janvier 1871.

La veille de la bataille du Mans (10 et 11 janvier 1871), on fournit aux 19 000 hommes restant des fusils Springfield rouillés et des cartouches avariées, et on les place en première ligne. Le général Chanzy, le vaincu du Mans, rejette la responsabilité de la défaite sur les Bretons. En effet, c’est sur leur position de la Tuilerie que les Prussiens font porter leur effort décisif, qui décide de la victoire. Les Bretons, épuisés par deux mois de privations, mal armés, presque pas préparés, sont taillés en pièces dans la nuit du 11 au 12 par la 20e division prussienne du général von Krautz-Koschlau.

« Je crois que nous avons été sacrifiés... J'affirme qu'on n'aurait pas dû nous envoyer là, parce que l'on devait savoir que nous n'étions pas armés pour faire face à des troupes régulières. »
    — Le général Lalande

Le camp de Conlie est atteint le 14 janvier par les Prussiens, qui font sauter les fortifications, et quittent la commune le 6 mars.

[modifier] Bilan

De novembre 1870 à janvier 1871 il y eut 143 morts de maladie dont 88 de variole. 2000 des 60 000 soldats qui y sont passés ont dû être envoyés à l’infirmerie.

Le rapport d’une commission d’enquête rédigé par Arthur de La Borderie est accablant pour l’armée française, qui a fait preuve d’un manque total d’organisation. La Borderie évoque aussi les méfiances de Gambetta envers un éventuel péril chouan.

Un monument est inauguré le 11 mai 1913 sur la colline de la Jaunelière. Une plaque commémorative y est apposée le 14 février 1971 lors du centenaire.

L'affaire du camp de Conlie soulève l’indignation générale en Bretagne. Le camp ne fut pas un camp de concentration (l'expression n’est inventée qu'une vingtaine d'années plus tard et les « détenus » étaient des militaires en instruction, même s'ils n'étaient ni équipés, ni formés, ni armés), mais il est présenté comme tel par les militants nationalistes bretons.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie sur le sujet

  • Les étapes du premier bataillon des mobilisés de Brest, sergent Robert,
  • La bataille du Mans, les mobilisés de Bretagne, Charles Mengin, Etiembre et Pledran, Nantes, 1872,
  • Armée de Bretagne 1870-1871, dépositions, rapport de la Commission d'enquête, Emile de Kératry, A. Lacroix, Paris, 1873
  • L'armée de Bretagne, Aimé Jay, Plon, Paris, 1873
  • L'Armée de Bretagne, par un volontaire aux Editions Le Chevalier, 1874,
  • Le camp de Conlie et l'Armée de Bretagne (rapport fait à l'assemblée nationale), par Arthur de La Borderie aux Editions Plon, Paris, 1874,
  • Armée de Bretagne, Les mobilisés de la Loire-Inférieure, Henri Monnié, Imprimerie Bourgeois, Nantes, 1876,
  • Rudes étapes 1870-71, armée de Bretagne, lysse Chabrol, Victor Havard, Paris, 1893,
  • Autour du Camp de Conlie (Notes et Souvenirs), docteur A. Touchard, Le Mans, Librairie R. Pellechat, 1894
  • Souvenirs de l'Armée de Bretagne (1870-1871), par le docteur Robert Gestin, Editions Le Borgne, 1909,
  • L'histoire du camp de Conlie, 24 octobre 1870 - 25 janvier 1871, Paul Tailliez, Monnoyer, Le Mans, 1913,
  • L'Étrange Aventure de l'Armée de Bretagne, le Drame du Camp de Conlie et du Mans Camille Le Mercier d'Erm, Editions A l'Enseigne de l'hermine,1937, ISBN 2-84722-024-0,
  • L'holocauste breton, Yann Brekilien, Editions du Rocher, 1994, ISBN 2268017095,
  • Les bretons dans la guerre de 1870, Philippe Le Moing-Kerrand, 1999,
  • Le Finistère face à la modernité entre 1850 et 1900, Hervé Martin, Louis Martin, 2004, Apogée, ISBN 2-84398-163-8
  • On peut lire également le conte de Léon BLOY "La Boue" (1893), in "Sueur de Sang" (éd. Folio)
  • "Conlie,Les soldats oubliés de l'armée de Bretagne" par Jean Sibenaler, éditions Cheminements, juillet 2007

[modifier] Discographie

  • Le groupe de musique celtique, Tri Yann à fait une chanson du nom de "Kerfank 1870", le premier couplet de cette chanson fait allusion à la prise de commandement de Marivault lors du remplacement de Kératry, alors qu'il passait en revue les soldats bretonnant criant : "d'ar ger, ma général, d'ar ger !". Marivault loua leur ardeur à vouloir partir à la guerre... ignorant qu'en breton, "d'ar ger" ne veut pas dire "à la guerre", mais "à la maison"... [1]
  • Red Cardell - Conlie ( Album "Rouge" 1993)
  • François Budet - Le camp de Conlie ( Album "Résurgences" septembre 1992)

[modifier] Sources de l’article