Léon Gambetta

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Léon Gambetta par Léon Bonnat
Léon Gambetta par Léon Bonnat
Croquis du tribun Gambetta.
Croquis du tribun Gambetta.

Léon Gambetta, né le 2 avril 1838 à Cahors (Lot) et mort le 31 décembre 1882 à Sèvres (Seine-et-Oise), était un homme politique français républicain. Il a été président du Conseil et ministre des Affaires étrangères du 14 novembre 1881 au 30 janvier 1882[1].

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Origines et formation

Léon Gambetta naît le 2 avril 1838 à Cahors. Il appartient à une famille de commerçants prospères. Son grand-père, Baptiste, originaire de Ligurie, a ouvert un épicerie, le Bazar génois, reprise et développée par son fils, Joseph. Ce dernier épouse une fille de pharmacien, Marie-Magdelaine Massabie. Léon Gambetta est admis comme interne au petit séminaire. En 1849, il est victime d'un accident et perd son oeil droit. Il poursuit ses études au Lycée de Cahors et obtient le baccalauréat ès lettres. Il s'inscrit ensuite à la faculté de droit de Paris, en 1857 et obtient sa licence en 1860. Il fréquente également les milieux républicains qui se réunissent au café Voltaire. Entre-temps, en 1859, il demande et obtient sa naturalisation[2].

[modifier] Un républicain sous le Second Empire

En tant que jeune avocat, il est accepté à la Conférence Molé. Il devient le collaborateur d'Adolphe Crémieux et se lie avec Clément Laurier et Jules Ferry. Il se rapproche également des députés de l'opposition : Jules Favre, Emile Ollivier, Ernest Picard, Alfred Darimon et Louis Hénon. Il participe à la campagne électorale de 1863 et approuve le discours de Thiers sur les "libertés nécessaires". Il devient l'ami d'Eugène Spuller et d'Arthur Ranc, fréquente Allain-Targé et Challemel-Lacour[3].

Le procès Baudin, en 1868, le fait connaître[4]. Chargé de la défense de Charles Delescluze, Gambetta prononce une plaidoirie politique dans laquelle il critique le régime du Second Empire et le coup d'Etat du 2 décembre. Delescluze est condamné à six mois de prison et 2000 francs d'amende, mais l'effet politique du discours fait de Gambetta un espoir du parti républicain[5].

A l'occasion des élections législatives de 1869, Gambetta décide de sa présenter dans la première circonscription de la Seine, dont le centre est le quartier populaire de Belleville, habité par des commerçants, des artisans et des ouvriers de petites entreprises. Le programme électoral, connu sous le nom de "programme de Belleville" est rédigé par le comité républicain de Belleville. De tonalité assez radicale, il réclame l'extension des libertés publiques, la séparation des Eglises et de l'Etat, l'élection des fonctionnaires, la suppression des armées permanentes et des réformes économiques. Il accepte également de se présenter à Marseille. Au même moment, il est initié dans la loge La Réforme, à laquelle appartiennent également Gustave Naquet et Maurice Rouvier. Arrivé en tête au premier tour à Belleville et à Marseille, il choisit cette dernière pour le second tour et en devient le député. A la Chambre, il s'oppose à Emile Ollivier[6].

[modifier] La Défense nationale

A la suite de la défaite de Sedan, la République est proclamée le 4 septembre 1870. Les députés de la Seine forment un gouvernement provisoire, présidé par le général Trochu. Gambetta prend le ministère de l'Intérieur. Il révoque les préfets du Second Empire et nomme à leur place des militants républicains, avocats ou journalistes. La situation militaire continue de se dégrader. Paris et la plupart des membres du gouvernement provisoire sont encerclés le 19 septembre 1870. Certains autres membres, dont Adolphe Crémieux, ont été cependant envoyés à Tours, où ils forment une Délégation. Le 7 octobre, Gambetta, accompagné de Spuller, quitte Paris en ballon. Il arrive à Tours le 9. Gambetta s'approprie alors le fonction de ministre de la Guerre, qu'il cumule avec le ministère de l'Intérieur. Il nomme Charles de Freycinet "délégué du ministre auprès de département de la Guerre", le 11 octobre. Gambetta doit également faire face à l'agitation de républicains radicaux dans certaines villes, comme Lyon, Marseille et Toulouse [7].

Devant l'avancée de l'armée prussienne, la Délégation doit quitter Tours et s'installe à Bordeaux, le 9 décembre 1870. La situation se dégrade lorsque Jules Favre signe, pour le gouvernement provisoire, un armistice de vingt-et-un jours avec Bismarck, le 29 janvier. Le 1er février, un membre du gouvernement provisoire, Jules Simon, est envoyé à Bordeaux. Gambetta démissionne, le 6 février 1871[8].

[modifier] De la guerre au "Grand Ministère"

Après 1871, Gambetta contribue, par ses voyages et ses discours, à faire accepter la République. Il conclut une alliance tacite avec Thiers, qui permet le vote des lois constitutionnelles de 1875. Il devient le principal leader de l'opposition et joue un rôle déterminant après la crise du 16 mai 1877. Au cours de cette période, il met en place un système de conquête du pouvoir. A l'Assemble nationale puis à la Chambre des députés, il siège avec ses amis de l'Union républicaine dans des commissions parlementaires importantes. Il devient président de la Chambre des députés en 1879. Ses deux journaux, La République française et La Petite République française, diffusent les idées républicaines modérées. Il met en place ou fédère un réseau d'associations, de comités et de cercles[9].

Sa popularité provoque l'inquiétude de certains de ses alliés. Les ferrystes, les libéraux républicains et le président de la République Jules Grévy s'inquiètent de ses tendances au pouvoir personnel. Les radicaux (Clemenceau) le trouvent trop modéré. Lorsqu'il parvient à être président de la Chambre, de janvier 1879 à novembre 1881, il s'aliène une partie de la gauche sans arriver à rassurer la droite[10].

La campagne pour les élections législatives de 1881 opposent essentiellement les radicaux aux républicains modérés. Le scrutin est remporté par les proches de Gambetta. Jules Ferry et les responsables de la Gauche républicaine décident de s'entendre avec lui. Gambetta doit entrainer à sa suite les hommes de l'Union républicaine et les détacher de l'extrême gauche[11].

[modifier] Le "Grand Ministère"

Icône de détail Article détaillé : Gouvernement Léon Gambetta.

Gambetta est nommé président du Conseil le 14 novembre 1881. A l'origine, il souhaitait mettre en place un cabinet d'union républicaine, qui aurait rassemblée tous les grands chefs du mouvement, sauf les radicaux. En raison du refus de Léon Say, Freycinet et Ferry, il compose un cabinet Union républicaine, constitué de membres jeunes et relativement peu connus. Gambetta prend aussi le portefeuille des Affaires étrangères. Les autres ministres sont Cazot (Justice), Waldeck-Rousseau (Intérieur), Allain-Targé (Finances), Paul Bert (Instruction publique), Raynal (Travaux publics), Campenon (Guerre), Gougeard (Marine). L'Agriculture (Devès) est séparé du Commerce (Maurice Rouvier). Le secrétariat des Beaux-Arts devient un ministère à part entière ; il est confié à Antonin Proust. Cochery est nommé aux Postes et Télégraphes. Le gouvernement compte enfin neuf sous-secrétaires d'Etat, dont Eugène Spuller (Affaires étrangères) et Félix Faure (Commerce et Colonies)[12].

Le nouveau cabinet marque plusieurs innovations significatives. L'Agriculture devient un ministère à part entière. Les Colonies sont détachées de la Marine et rattachées au Commerce. La constitution d'un ministère des Arts est une nouveauté importante, destinée à répandre le goût de la culture et des arts dans les classes populaires. Elle marque la naissance d'une politique culturelle ambitieuse et démocratique[13].

Le gouvernement a plusieurs projets de réformes : réorganisation judiciaire, réduction du service militaire, loi sur les associations, création d'institutions de prévoyance et d'assistance, réforme des sociétés financières, développement de l'éducation nationale, réforme des rapports entre l'Etat et les Eglises[14].

L'attitude autoritaire de Gambetta vis-à-vis de la Chambre blesse les parlementaires. La circulaire Waldeck-Rousseau aux préfets et la nomination de personnalités ralliés récemment à la République à des postes importants sont particulièrement critiqués. La circulaire Waldeck-Rousseau visait à affranchir l'administration de la pression des députés. Considérée comme jacobine, elle est critiquée par les républicains libéraux[15].

Le 14 janvier 1882, Gambetta dépose un projet de réforme constitutionnelle, qui propose de changer le mode de scrutin et de l'inscrire dans la Constitution. Il prévoit aussi d'élargir la base électorale du Sénat et de limiter ses pouvoirs financiers. Le projet est repoussé, certains républicains ayant voté avec les conservateurs. Le gouvernement tombe le 30 janvier 1882 et Gambetta meurt quelques mois plus tard, le 31 décembre 1882. L'échec de son gouvernement montre le refus, par la Chambre, d'un exécutif fort[16].

Léon Gambetta est inhumé au cimetière du Château, à Nice, où sa famille s'était installée[17].

[modifier] Images

[modifier] Notes et références

  1. Benoît Yvert (dir.), Premiers ministres et présidents du Conseil. Histoire et dictionnaire raisonné des chefs du gouvernement en France (1815-2007), Paris, Perrin, 2007, p. 330.
  2. Pierre Barral, Léon Gambetta. Tribun et stratège de la République (1838-1882), Toulouse, Privat, 2008, 314 p., ici p. 22-26.
  3. Pierre Barral, op. cit., p. 27-31.
  4. Charles Delescluze, journaliste républicain, opposant au Second Empire était inculpé pour avoir ouvert une souscription publique dans son journal afin d'ériger un monument à la mémoire de Jean-Baptiste Baudin, député de la Deuxième République. Ce dernier était mort en s'opposant aux côtés des ouvriers au coup d'État de Napoléon III le 3 décembre 1851.
  5. Pierre Barral, op. cit., p. 17-21.
  6. Pierre Barral, op. cit., p. 31-46
  7. Pierre Barral, op. cit., p. 62-78
  8. Pierre Barral, op. cit., p. 78-82
  9. Benoît Yvert (dir.), op. cit., p. 330-331.
  10. Benoît Yvert (dir.), op. cit., p. 331-332.
  11. Benoît Yvert (dir.), op. cit., p. 332-333.
  12. Benoît Yvert (dir.), op. cit., p. 333-334.
  13. Benoît Yvert (dir.), op. cit., p. 334.
  14. Benoît Yvert (dir.), op. cit., p. 334-335.
  15. Benoît Yvert (dir.), op. cit., p. 335.
  16. Benoît Yvert (dir.), op. cit., p. 336.
  17. Pierre Barral, op. cit., p. 262-264.

[modifier] Bibliographie

  • Lettres de Gambetta, recueillies et annotées par Daniel Halévy et Emile Pillias, Paris, Grasset, 1938.
  • Discours et plaidoyers politiques de M. Gambetta, édités par Joseph Reinach, Paris, Charpentier, 1881-1885, 11 volumes.


  • Pierre Barral, Léon Gambetta. Tribun et stratège de la République (1838-1882), Toulouse, Privat, 2008, 314 p. Bon ouvrage de vulgarisation.
  • Pierre Barral, Les Fondateurs de la IIIe République, Paris, Armand Colin, 1968.
  • Eric Bonhomme, La République improvisée. L'exercice du pouvoir sous la Défense nationale (4 septembre 1870-8 février 1871), Talence, Eurédit, 2000, 532 p.
  • J. P. Bury, Gambetta's Final Years. The Era of Difficulties, 1877-1882, Londres, Longman, 1982.
  • J. Chastenet, Gambetta, Paris, Fayard, 1998.
  • Jérôme Grévy, La République des opportunistes, Paris, Perrin, 1998.
  • Benoît Yvert (dir.), Premiers ministres et présidents du Conseil. Histoire et dictionnaire raisonné des chefs du gouvernement en France (1815-2007), Paris, Perrin, 2007, 916 p.

[modifier] Voir aussi

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