Biopiraterie

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La biopiraterie (ou biopiratage) est un terme relatif à l'appropriation du vivant, principalement utilisé pour décrire les brevets pris par les grosses firmes privées du génie génétique à partir des années 1980 pour s'approprier un droit exclusif sur les gènes du génome humain, des plantes, et de façon plus large tout ce qui est vivant, notamment les ressources de peuples du Tiers-Monde. Le terme est aussi utilisé pour décrire une utilisation illégale de ressources naturelles, c'est-à-dire pour parler clairement d'un vol (par voie législative autorisé par une cour états-unienne) qui consiste en l'appropriation juridique d'une ressource naturelle au profit d'une firme privée, sous prétexte qu'elle est la première dans la course au brevet. Par exemple l'office des brevets américains délivre chaque année 70 000 brevets dont 15% sur le vivant.

La biopiraterie peut faire référence:

  • à l'utilisation non autorisée de ressources biologiques (i.e., plantes, animaux, organes, micro-organismes, gènes...) 
  • à l'utilisation non autorisée des connaissances sur les ressources biologiques des communauté indigènes et traditionnelles
  • à la distribution non équitable des bénéfices entre le porteur du brevet et la communauté dont les ressources et les connaissances sont ainsi confisquées. Dans ce nouveau cadre qui leur est imposé de l'extérieur, ils doivent payer des droits au nouveau propriétaire pour profiter de ce qui est à eux. En Inde il y a eu de nombreux suicides de paysans suite à cette Biopiraterie. La contre-attaque des paysans du Monde avec Vandana Shiva a réussi à faire reculer certaines formes de Biopiraterie;
  • au brevetage de ressources biologiques sans respecter les critères de brevetabilité (nouveauté, inventivité et utilité).

Plusieurs interdictions pour les pays pauvres d'utiliser des médicaments génériques pour des graves maladies comme le SIDA, par des pays riches producteurs des médicaments initiaux et détenteurs des brevets, ont été considérées par certains comme une forme de biopiraterie.

Sommaire

[modifier] Un scénario possible de biopiraterie

Dans les pays sous-développés, les agriculteurs sélectionnent des variétés adaptées aux conditions pédologiques et climatiques locales pendant plusieurs décennies. Les sélectionneurs locaux utilisent une technique en boucle : sélection, commercialisation de la variété, réutilisation des semences pour les sélections ultérieures. Les variétés traditionnelles n'ont pas de structure génétique fixe, mais plutôt des structures dynamiques, résultant d'efforts collectifs sur plusieurs générations. La plupart du temps, l'amélioration et l'utilisation des plantes ne peuvent être séparées.

Une variété locale peut être intéressante pour ses propriétés particulières et identifiée par une appellation locale, mais est rarement brevetée. Ceci peut s'expliquer de plusieurs façons : la plante ne possède pas les caractères de stabilité et d'uniformité requis, le brevetage est un processus long et coûteux, la sélection est un travail communautaire et aucun sélectionneur particulier ne peut être identifié, etc.

Les ethnobotanistes d'entreprises privées et d'organismes de recherche prospectent les ressources biologiques, qu'ils utilisent pour la recherche et la fabrication de nouveaux produits, notamment agricoles, alimentaires et pharmaceutiques.

Selon les possibilités sur le marché international, une firme de biotechnologies peut décider de récolter des informations sur la disponibilité de céréales intéressantes. Si elle découvre qu'une variété correspond à un marché dans les pays développés, elle en acquiert des échantillons qu'elle manipule génétiquement afin de leur donner une caractéristique nouvelle, telle que la résistance à un pesticide, tout en préservant leurs caractéristiques naturelles intéressantes. La céréale est alors brevetée en tant que variété génétiquement manipulée. La firme en devient propriétaire et peut la mettre sur le marché ou accorder des licences d'exploitation dans n'importe quel pays. Elle peut la faire entrer en concurrence avec la variété originale en la vendant dans le pays d'où elle vient, et même empêcher que la variété originale ne soit vendue sous son nom traditionnel.

Ce scénario n'est pas le pire; il est déjà arrivé que des chercheurs obtiennent un brevet sur une plante qu'ils avaient simplement été cueillir dans son pays d'origine, et dont ils avaient décodé quelques caractéristiques génétiques sans y apporter de modifications.

[modifier] Conséquences du scénario

Les implications pour le pays d'origine sont multiples :

  • les fermiers risquent de devoir utiliser la variété brevetée, devenant ainsi dépendants de la firme propriétaire, surtout si celle-ci dispose d'un monopole ;
  • le grain récolté ne peut plus servir pour les semailles à venir;
  • la biodiversité s'appauvrit à cause des monocultures et du manque d'accès aux stocks de semences ;
  • des risques de pertes financières sont générés par le non-respect des accords sur le partage des bénéfices entre le pays d'origine et la multinationale ;
  • le savoir traditionnel de la communauté locale se perd, sans réelle compensation.

[modifier] La Convention sur la diversité biologique

Pendant les dernières décennies, on a observé une érosion de la biodiversité :entre 50 000 et 10 000 espèces disparaitraient chaque année. Depuis 1992, les ressources vivantes sont considérées comme l'héritage commun de l'humanité (en anglais, Common Heritage of Mankind).

La Convention sur la diversité biologique (ou Convention on Biological Diversity (CBD)) est entrée en fonction en 1994. Elle donne des droits de souveraineté nationaux sur les ressources biologiques. Un de ses avantages est qu'elle devrait permettre aux pays du Sud de mieux tirer parti (et bénéfice) de leur ressources et de leurs connaissances traditionnelles.

Par ces règles, il est attendu que la bioprospection et la commercialisation du patrimoine naturel implique un consentement éclairé préalable et que cela doit résulter en un partage des bénéfices entre le pays riche en biodiversité et l'entreprise en prospection. Mais certains critiques affirment que la CBD a échoué à établir les réglements appropriés pour prévenir la biopiraterie.

[modifier] Qui parle de la biopiraterie et pourquoi ?

La lutte contre la biopiraterie est menée par les pays (et les agriculteurs spoliés), riches en biodiversité (par exemple, l'Inde, le Brésil, et la Malaisie, entre autres) et par certaines Organisations Non Gouvernementales (par exemple, GRAIN, ETC (anciennement RAFI) et Third World Network), qui tentent de résister à la puissance financière et à la logique d'exploitation à outrance des transnationales et du génie génétique pour la survie des paysans et le respect des intérêts de la collectivité humaine et des ressources naturelles à moyen et long terme. La Biopiraterie a une histoire. Dans son livre Biopiracy: The Plunder of Nature and Knowledge, l'environementaliste du tiers monde Vandana Shiva décrit la manière dont le capital naturel des peuples indigènes (en matière de sol, de travail ou de connaissance), a été transformé sous le régime colonialiste. Elle montre comment les entreprises du Nord essayent aujourd'hui de coloniser la vie elle-même, les plantes, les micro-organismes, les animaux, et mêmes les organes humains, les cellules et les gènes.

On notera ainsi qu'un cas controversé de biopiraterie a été rapporté au sujet de gènes humains d'une communauté tribale supposée résistante à la malaria et la lèpre.

Selon certains, la biopiraterie ne se présente pas seulement aux dépens des fermiers du tiers monde, mais aussi aux dépens de ceux du Nord. Certains fermiers américains ou européens se considèrent comme contraints par des contrats qui limitent exagérément leur indépendance. La politique consistant à leur faire acheter des semences qu'ils pouvaient auparavant replanter eux-mêmes menace leur survie.

[modifier] Les coûts de recherche et le partage des bénéfices

Certaines entreprises en cause affirment que les pays eux-mêmes sont coupables de piraterie. Ils prétendent que les pays du Sud n'ont pas de loi adéquate et efficace sur la propriété intellectuelle, et affirment perdre des millions de dollars chaque année à cause du viol de brevets. Ainsi ces firmes aux moyens colossaux tentent de se faire passer pour les victimes. Ces entreprises font pression en vue de renforcer les thèmes de la propriété intellectuelle auprès de l'OMC.

Les entreprises disent que l'accès aux ressources biologiques leur permet de développer de nouveaux produits qui pourrait aider à résoudre les problèmes essentiels de la faim et de la santé dans le monde. Elles affirment aussi que la recherche, le développement et l'autorisation de commercialisation ont un coût qui doit être contre-balancé par la protection du produit qui en résulte. Les brevets offrent ces revenus bienvenus et favorisent ainsi l'innovation.

Une des solutions suggérées pour résoudre ce désaccord Nord-Sud était de définir des accords bilatéraux ou des contrats entre les pays sources et les entreprises pharmaceutiques ou agro-alimentaires. Ces contrats de bioprospection décrivent les règles de partage des bénéfices, et peuvent apporter des royalties substantielles aux pays du Sud.

[modifier] Quelle défense contre les pratiques de biopiraterie ?

L'accord peut donner lieu à des bénéfices potentiels considérables pour les pays sources. Néanmoins, il y a des raisons de penser que cela n'arrive pas systématiquement :

  • Les contrats bilatéraux ne sont pas toujours respectés ou ils ne proposent pas un échange équilibré. En admettant que le principe de la compensation est retenu, quelles sommes forment une rétribution équitable et réaliste ? Comment redistribuer les droits ?
  • Manque de prise de conscience de la valeur potentielle des produits ?
  • Très peu des échantillons collectés donneront lieu au développement d'un produit réel ;
  • Perte de la propriété dans les cas des OGM ;
  • La majorité des espèces concernées peuvent être rencontrées dans plusieurs pays simultanément. Cela mène à empêcher certains d'en tirer parti ou à une dilution importante des bénéfices ;
  • La protection de la connaissance collective ne s'intègre pas bien dans le cadre des systèmes actuels de protection de la propriété intellectuelle (par exemple, les brevets, les copyrights ou droits de reproduction, le droit des marques) ;
  • Finalement, la plus grande part de la bioprospection est faite directement en utilisant les banques de semences.

Certaines options ouvertes aux pays du Sud sont :

  • la documentation des connaissances traditionnelles ;
  • les systèmes d'enregistrement et de gestion de l'innovation ;
  • un système de brevets plus simple et plus extensible ;
  • le développement de systèmes sui generis ;
  • le développement de leur propre recherche locale ;
  • la création d'alliances entre les pays sources.

En 1993, 500 000 fermiers indiens ont manifesté contre le General Agreement on Tariffs and Trade. Dans une déclaration des droits des fermiers, ils ont insisté sur leur souhait de protéger leurs droits à produire, reproduire et modifier des semences et des plantes.

[modifier] Propriété des plantes, des animaux et des gènes humains

Le concept de biopiraterie suppose qu'il y a un droit naturel à être propriétaire de gènes de plantes, d'animaux ou humains. Certains n'adhèrent pas à ce principe et considèrent que les utilisateurs du monde entier ont besoin d'être libres de fabriquer des médicaments, libres de cultiver des plantes et d'élever des animaux. Pour de nombreux peuples, la nature et la culture sont indissociables. Les ressources naturelles appartiennent à la communauté, la propriété privée n'a aucun sens en ce qui concerne par exemple des semences. Ils affirment que ce qui est « mal » n'est pas tant l'appropriation par certains que de considérer comme privées des ressources naturelles de base comme les semences de riz ou des céréales qui devraient rester gratuites telles que la nature les fournit et ne pas générer de profits pour une seule firme. En France les agriculteurs n'ont pas le droit de commercialiser des variétés de terroir, non inscrites au Catalogue officiel des semences (ce qui occasionne des frais considérables).L'association Kokopelli (association) tente depuis de nombreuses années de préserver la culture des variètés rares et d'offrir des semences aux paysans indiens notamment, pour préserver la Biodiversité des semences potagères.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Source

Biopiracy : The Plunder of Nature and Knowledge
Vandana Shiva, SouthPress, 1997

[modifier] Liens internes

Biologie:

[modifier] Liens externes