Bernard Lewis

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Bernard Lewis, né le 31 mai 1916, est un historien, spécialiste du Moyen-Orient. Il a succesivement eu la nationalité britannique, puis à la fois américaine et israélienne.

Il est professeur émérite des études sur le Moyen-Orient à l'Université de Princeton. Outre ses activités d'enseignement et de recherche historique, Bernard Lewis a été conseiller des services secrets britanniques lors de la Guerre mondiale, puis consultant du Conseil de sécurité nationale des États-Unis, et enfin conseiller de Benyamin Netanyahou alors ambassadeur d'Israël à l'ONU (1984-88).

Le champs d'étude de Bernard Lewis est l'histoire de l'Islam, ainsi que des interactions entre l'Occident et l'Islam. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont une monographie sur les Assassins.

Bernard Lewis a entre autres inventé le concept de « choc des civilisations » dans son article « The Roots of Muslim Rage »[1]. Ce thème sera ensuite développé par son assistant au Conseil de sécurité nationale, Samuel Huntington dans un article « The Clash of Civilizations ? » (Foreign Affairs, 1993) et un livre homonyme.

Sommaire

[modifier] Biographie

Né de parents juifs de la classe moyenne à Londres, Lewis est attiré par les langues et l'Histoire dès son plus jeune âge. Tandis qu'il était en train de préparer la cérémonie de la Bar Mitsva à l'âge de onze ou douze ans, Bernard Lewis se découvrit un intérêt pour les langues étrangères, et spécialement pour les différents alphabets, alors qu'il apprenait l'hébreu. Plus tard, il étudia l'araméen puis l'arabe, et plus tard encore le latin, le grec, le persan et le turc. Comme pour les langues étrangères, l'intérêt de Lewis pour l'Histoire se déclencha au moment de sa Bar Mitsva, à l'occasion de laquelle il reçu en cadeau un livre sur l'histoire juive.[2]

[modifier] L'affaire Lewis

Bernard Lewis est également connu pour sa position révisionniste sur la question du génocide arménien perpétré par l'Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale. En effet, il remet en cause le caractère génocidaire de ces massacres en réfutant leur préméditation et leur organisation systématique. Selon B. Lewis : « Il n’existe aucune preuve d’une décision de massacre. Au contraire, il existe des preuves importantes de tentatives pour l’empêcher, qui n’étaient pas très réussies. Oui, il y a eu des massacres importants; les chiffres sont très incertains mais un million semble très possible, ... [et] la question n’est pas si les massacres ont eu lieu ou non mais plutôt si ces massacres étaient un résultat d’une décision politique volontaire et pré-organisée du gouvernement turc... Il n’existe aucune preuve de telle décision. »

Ainsi, selon Bernard Lewis, faire le parallèle entre l'Holocauste et les massacres arméniens est « plutôt absurde » et ne sert qu'à « minimiser la valeur de la Shoah » [3].

Sa position a été publiée en France dans deux articles du journal Le Monde, notamment dans l'édition du 16 novembre 1993, par des propos dont la portée n’a nullement été atténuée mais bien au contraire renforcée par sa mise au point du 1er janvier 1994. À la question « Pourquoi les Turcs refusent-ils toujours de reconnaître le génocide arménien ? » Bernard Lewis répondait en effet : « Vous voulez dire : la version arménienne de cette histoire. » La justice a considéré que cette réponse accréditait l'idée selon laquelle la réalité du génocide ne résulterait que de l'imagination du peuple arménien, qui serait en quelque sorte le seul à affirmer l'existence d'un plan concerté mis en œuvre sur ordre du gouvernement Jeune-Turc en vue de l'anéantissement de la nation arménienne.

À la suite de quoi, Bernard Lewis a été condamné par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 21 juin 1995 pour avoir commis une faute en sa qualité d'historien, manqué à ses devoirs d'objectivité, et pas assumé ses responsabilités. Le Tribunal a relevé que c'est en « occultant les éléments contraires à sa thèse, que le défendeur a pu affirmer qu’il n’y avait pas de "preuve sérieuse" du génocide arménien ; qu’il a ainsi manqué à ses devoirs d’objectivité et de prudence, en s’exprimant sans nuance, sur un sujet aussi sensible ; que ses propos, susceptibles de raviver injustement la douleur de la communauté arménienne, sont fautifs [4] ». Or, les juges ont rappelé dans leurs attendus que « cette thèse est contredite par les pièces versées aux débats, desquelles il résulte que dans l'étude sur la question de la prévention et de la répression du crime de génocide, adoptée par la sous-commission de l’ONU le 29 août 1985, le massacre des Arméniens par les Ottomans figure parmi les causes de génocides recensés au XXe siècle ; que le colloque intitulé Tribunal permanent des peuples, réuni à Paris le 29 août 1984 et composé d'éminentes personnalités internationales, a considéré comme bien fondée l'accusation du génocide arménien formulée contre les autorités turques ; que le Parlement européen, dans une résolution adoptée le 18 juin 1987, a reconnu la réalité du génocide arménien et considéré que le refus par la Turquie de l'admettre constituait un obstacle à l’entrée de ce pays dans la Communauté européenne ».

Ce jugement a été très critiqué par des historiens comme Madeleine Rebérioux[5], Pierre Nora[6] et René Rémond[7]. Ce jugement a été très apprécié par la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) qui s'était constituée partie civile, de par sa vocation à « combattre par tous moyens la négation des génocides et l’apologie des crimes contre l’humanité ».

[modifier] Notes

  1. publié dans l'Atlantic Monthly, septembre 1990
  2. Bernard Lewis, From Babel to Dragomans: Interpreting The Middle East, Oxford University press, 2004, pp. 1–2 p. (ISBN ISBN 0195173368)
  3. Interview de B. Lewis au journal israélien Haarets du 23 janvier 1998, traduit en anglais par l'Assemblée des associations américano-turques.
  4. Condamnation judiciaire de Bernard Lewis [Voltaire]
  5. « Les Arméniens, le juge et l'historien », L'Histoire, octobre 1995, p. 98
  6. « La tempête déclenchée, il y a quelques années en France, autour de Bernard Lewis relève du terrorisme intellectuel. » (entretien au Figaro, 17 mai 2006
  7. « L'histoire et la loi »

[modifier] Bibliographie partielle

  • Les Assassins. Terrorisme et politique dans l'Islam médiéval, Éditions Complexe, Bruxelles, 2001 (1982) ; préface de Maxime Rodinson ; traduction : Annick Pélissier. Titre original : The Assassins. A Radical Sect in Islam (Londres, 1967).
  • The Origins of Ismailism, 1940
  • The Arabs in History, (London 1950)
  • The Emergence of Modern Turkey, (London and New York 1961)
  • Race and Color in Islam, (1979)
  • The Muslim Discovery of Europe, (New York 1982)
  • Semites and Anti-Semites, (1986)
  • The Jews of Islam, (1987)
  • History Remembered, Recovered, Invented, (1987)
  • Islam from the Prophet Muhammad to the Capture of Constantinople, (1987)
  • The Political Language of Islam, (Chicago 1988)
  • Istanbul and the Civilizations of the Ottoman Empire,(1989)
  • Race and Slavery in the Middle East: an Historical Enquiry, (New York 1990)
  • Islam and the West, (New York, 1993)
  • Islam in History, (2nd edition, Chicago, 1993)
  • Islam et démocratie Note de la Fondation Saint-Simon (1993)
  • The Shaping of the Modern Middle East, (New York, 1994)
  • Cultures in Conflict, (New York, 1994)
  • The Middle East: A Brief History of the Last 2,000 Years, (New York, 1995)
  • The Future of the Middle East, (London, 1997)
  • The Multiple Identities of the Middle East, (London, 1998)
  • A Middle East Mosaic: Fragments of life, letters and history, (New York, 2000)
  • Music of a Different Drum, (2001)
  • The Muslim Discovery of Europe, (2001)
  • Islam in History, (2001)
  • What Went Wrong? : The Clash Between Islam and Modernity in the Middle East, (New York, 2002)
  • The Crisis of Islam : Holy War and Unholy Terror, (New York, 2003)
  • From Babel to Dragomans : Interpreting the Middle East, (2004)

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