Anthony Trollope

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Anthony Trollope (24 avril 18156 décembre 1882) est l'un des romanciers britanniques les plus célèbres, les plus respectés et les plus prolifiques, de l'époque victorienne. Parmi les écrits les plus célèbres de Trollope, on distingue les Chroniques du Barsetshire, qui tournent autour du comté imaginaire de Barsetshire ; mais il écrivit aussi des romans clairvoyants sur des sujets politiques, sociaux, sexuels, et sur les conflits de son époque.

Trollope a toujours été un romancier populaire. Sir Alec Guiness (qui ne voyageait jamais sans un roman de Trollope), le premier Ministre britannique John Major, l'économiste John Kenneth Galbraith, l'écrivain américain de romans policiers Sue Grafton et l'écrivain Harding Lemay sont des amateurs de Trollope. La réputation littéraire de Trollope déclina quelque peu pendant les dernières années de sa vie, pour des raisons détaillées plus bas, mais il regagna l'estime des critiques vers le milieu du XXe siècle.

Sommaire

[modifier] Biographie

Le père d'Anthony Trollope, Thomas Antony Trollope, était barrister (avocat plaidant). Thomas Trollope, bien qu'étant un homme intelligent et bien éduqué, et ayant étudié à New College dans le comté d'Oxford, ne réussit pas au barreau, à cause de son mauvais caractère. De plus, une entreprise risquée dans l'agriculture lui fit perdre de l'argent, et il perdit aussi un héritage attendu quand un vieil oncle se maria et eut des enfants. Néanmoins, il venait de la bonne société, avec des liens avec l'aristocratie des propriétaires terriens ; ainsi il voulait que ses fils soient éduqués en gentlemen, et voulait les envoyer à l'université d'Oxford ou à l'université de Cambridge. La différence entre le contexte social d'où venait sa famille et sa pauvreté sera cause de souffrances pour Anthony Trollope durant sa jeunesse.

Né à Londres, Anthony étudia à Harrow School en qualité d'externe pendant trois ans à partir de ses sept ans, puisque la ferme de son père se trouvait dans le voisinage de l'école. Après quelque temps dans une école privée, il suivit son père et deux de ses grands frères à Winchester College, où il resta trois ans. Il retourna à Harrow en qualité d'externe afin de réduire le coût de son éducation. Trollope eut des expériences malheureuses à ces deux écoles publiques. C'étaient deux des plus grandes écoles d'Angleterre, mais Trollope n'avait ni argent ni amis, et était souvent brutalisé. A l'âge de douze ans, il avait des pensées de suicide. Cependant, il rêvassait beaucoup, et se construisait des mondes imaginaires élaborés.

En 1827, sa mère, Frances Trollope, déménagea aux États-Unis avec trois des frères d'Anthony  ; elle ouvrit un bazar à Cincinnati, qui fit faillite. Thomas Trollope les rejoignit quelque temps, avant de retourner à la ferme à Harrow, mais Anthony resta en Angleterre pendant ce temps. Sa mère revint en 1831 et se fit rapidement un nom en tant qu'écrivain, gagnant vite assez d'argent. La situation de l'affaire de son père, cependant, empira ; il l'abandonna totalement et s'enfuit en 1834 en Belgique pour éviter d'être arrêté pour ses dettes. La famille toute entière déménagea dans une maison près de Bruges, où ils vécurent entièrement grâce à l'argent que Frances gagnait en tant qu'écrivain. En 1835, Thomas Trollope mourut.

Alors qu'il vivait en Belgique, Anthony travailla comme professeur assistant dans une école, pour apprendre le français et l'allemand en vue d'obtenir un poste d'officier dans un régiment de cavalerie autrichien, poste qu'il occupa six semaines. Puis il obtint un emploi de fonctionnaire au Bureau des Postes britannique grâce à une connaissance de sa mère, et retourna à Londres pour y vivre seul. Cela lui donna une respectable situation, mais pas très bien payée.

[modifier] En Irlande

Trollope vivait dans diverses pensions de famille et resta à l'écart de toute vie sociale ; il se référa plus tard à cela comme son "hobbledehoyhood" (en anglais "hobble" désigne un boitillement). Il progressa peu professionnellement jusqu'à ce que le Bureau des Postes l'envoya en Irlande en 1841. Il se maria avec une anglaise nommée Rose Heseltine en 1844. Ils vécurent en Irlande jusqu'en 1859, date à laquelle ils revinrent en Angleterre. Malgré le désastre de la famine en Irlande, Trollope écrivit ceci dans son autobiographie à propos de son séjour en Irlande :

"Ce fut somme toute une vie très agréable que je menais en Irlande. Les Irlandais ne m'ont pas tué, et ne m'ont pas non plus fracassé la tête. Je les ai vite trouvés de bon caractère, intelligents - les classes populaires sont beaucoup plus intelligentes que celles d'Angleterre -, économes et hospitaliers.

Son travail d'inspecteur à un bureau de poste le fit rencontrer des Irlandais. Trollope commença à écrire pendant les nombreux et longs voyages en train à travers l'Irlande qu'il réalisait pour exercer son travail à la poste. Il se posait des buts très stricts au sujet de combien de pages allait-il écrire chaque jour, et devint par là-même un des écrivains les plus prolifiques de tous les temps. Il écrivit ses premiers romans alors qu'il travaillait comme inspecteur des postes, en piochant occasionnellement dans la boîte à "lettres mortes" ("dead letters", les lettres non-distribuées pour cause de mort du destinataire, ou de mauvaise adresse sans retour à l'expéditeur possible). De façon significative, beaucoup de ses premiers romans ont pour cadre l'Irlande - ce qui semble normal car Trollope y habitait, mais ce qui rendait difficile tout bon accueil de la part de critiques, étant donné le comportement des Anglais vis-à-vis des Irlandais à cette époque.

[modifier] Retour en Angleterre

Boîte aux lettres
Boîte aux lettres

Au milieu des années 1860, Trollope avait atteint une position assez élevée dans la hiérarchie du Bureau des Postes. L'histoire des Postes lui reconnaît l'introduction de la pillar box (l'omniprésente boîte à lettres rouge) au Royaume-Uni. A cette époque il commençait à gagner une somme substantielle grâce à ses romans. Il avait surmonté la gaucherie qu'il avait étant jeune, s'était fait de bons amis dans les cercles littéraires, et chassait avec enthousiasme.

Il quitta le Bureau des Postes en 1867 pour faire campagne au Parlement en tant que candidat du parti libéral en 1868. Après sa défaite, il se concentra entièrement sur sa carrière littéraire. Tout en continuant de produire des romans rapidement, il édita aussi le St Paul's Magazine, qui publia plusieurs de ses romans sous forme de feuilletons.

Son premier grand succès fut The Warden (1855) — le premier de ses six romans qui se déroulent dans le comté fictif du "Barsetshire" (l'on fait souvent référence à ceux-ci comme étant les Chroniques du Barsetshire), qui traitent pour la plupart du clergé. Le chef-d'œuvre comique Barchester Towers (1857) est probablement le plus connu de ces romans. L'autre série majeure de Trollope, les Romans de Palliser, traitent de sujets de politique, avec le riche industriel Plantagenet Palliser et sa femme, délicieusement spontanée et encore plus riche que lui, Lady Glencora, qui apparaît souvent dans les romans (bien que, comme dans les Chroniques du Barsetshire, beaucoup d'autres personnages étaient développés dans chaque roman).

La popularité de Trollope et son succès critique diminuèrent dans les dernières années de sa vie, mais il continua d'écrire de façon prolifique, et certains de ses derniers romans ont acquis une bonne réputation. Les critiques citent souvent la satire The Way We Live Now (1875) comme étant son chef-d'œuvre. En tout, Trollope écrivit quarante-sept romans, ainsi que des douzaines de nouvelles et quelques livres de voyage.

Anthony Trollope mourut à Londres en 1882. Sa tombe se trouve au Kensal Green Cemetery, près de celle de son contemporain Wilkie Collins.

C. P. Snow écrivit une biographie de Trollope, publiée en 1975, intitulée Trollope: His Life and Art.

[modifier] Réputation

Après sa mort, l'autobiographie de Trollope parut, ce qui le fit chuter dans l'opinion des critiques. En effet, tout au long de sa carrière, les critiques secouaient la tête devant le volume incroyable de ses parutions (il se passa la même chose pour Charles Dickens), mais quand Trollope révéla qu'il se tenait en fait à un emploi du temps, il confirma les plus grandes peurs des critiques. Selon eux, la Muse pouvait se montrer immensément prolifique pour Trollope, mais elle ne pourrait jamais adhérer à un emploi du temps (de façon intéressante, personne ne critiqua jamais l'application de Gustave Flaubert, alors qu'il travaillait comme Trollope selon un emploi du temps). De plus, Trollope admit qu'il écrivait pour l'argent ; selon lui le dédain de l'argent était vain et imbécile. La Muse, clamèrent les critiques, ne devrait pas s'occuper d'argent.

Henry James exprima des opinions partagées à propos de Trollope. Le jeune James écrivit quelques critiques acerbes de certains romans de Trollope (par exemple, il écrivit de The Belton Estate que c'était "un livre stupide, sans une seule réflexion ou idée dedans... une sorte de "pabulum" [1] mental.") Il dit aussi clairement qu'il n'aimait pas la méthode narrative de Trollope ; les interpolations joyeuses de Trollope dans ses romans, qui montraient que l'histoire pouvait prendre n'importe quelle direction que l'auteur voulait, ne plaisaient pas à James, et à son sens de l'intégrité de l'artiste. Cependant, James appréciait l'attention de Trollope concernant le moindre détail, comme il l'écrivit dans un essai peu de temps après la mort du romancier :

"Son grand, incontestable mérite, était une totale compréhension du routinier... Il sentait toutes les choses quotidiennes et immédiates en plus de les voir ; il les sentait d'une façon simple, directe, et salubre, avec leur tristesse, leur joie, leur charme, leur comique, tous ces sens évidents et mesurables... Trollope restera l'un des plus sûrs, bien que n'étant pas le plus éloquent des écrivains qui ont aidé le cœur de l'homme à se connaîre lui-même... Une race est chanceuse si elle a beaucoup de cette sorte d'imagination - de sensation imaginative - qui échut à Anthony Trollope ; et de ceci, notre race anglaise n'est pas pauvre."

James n'aimait pas la façon que Trollope avait de casser le quatrième mur en s'adressant directement au lecteur. Cependant, Trollope a pu avoir quelque influence sur les propres travaux de James ; le traitement de Trollope des tensions familiales, notamment entre les pères et les filles, peut résonner dans certains romans de James. Par exemple, Alice Vavasor et son père égoïste dans le premier de Romans de Palliser, Peut-on lui pardonner ? (Can You Forgive Her ?), peut préfigurer Kate Croy et son père, l' insupportable Lionel dans Les ailes de la colombe (The Wings of the Dove).

Des écrivains comme William Thackeray, George Eliot and Wilkie Collins étaient amis avec Trollope et l'admiraient, et George Eliot nota qu'elle même n'aurait pas pu s'embarquer dans un projet aussi ambitieux que Middlemarch sans la création du comté de Barsetshire par Trollope dans ses romans.

Alors que la mode dans le monde du roman s'orientait de plus en plus vers la subjectivité et l'expérimentation artistique, la considération critique de Trollope souffrit. Dans les années 1940, les trollopiens firent des tentatives pour ressusciter sa réputation ; Trollope connut un regain d'intérêt dans les années 1960, et aussi dans les années 1990. Certains critiques à l'heure actuelle portent un intérêt particulier aux portraits de femme que Trollope donnait - il fut remarqué même à son époque pour sa remarquable vision et sa sensibilité aux problèmes causés par la position des femmes dans la société victorienne.

Une "Trollope Society" existe au Royaume-Uni, tout comme aux États-Unis.

[modifier] Œuvres de Trollope à la télévision

La BBC a réalisé plusieurs séries basées sur les œuvres d'Anthony Trollope :

  • The Pallisers, une adaptation en 26 épisodes des six Romans de Palliser, diffusée pour la première fois en 1974. L'adaptation fut réalisée par Simon Raven ; la distribution comprenait Philip Latham dans le rôle de Plantagenet Palliser et Susan Hampshire dans le rôle de Lady Glencora.
  • The Barchester Chronicles, une adaptation en 1982, en 7 épisodes des deux premiers romans du Barsetshire, The Warden et Barchester Towers. Adapté par Alan Plater, la distribution comprenait Donald Pleasence dans le rôle du Révérend Septimus Harding, Nigel Hawthorne dans le rôle de l'Archidiacre Grantly, Alan Rickman dans le rôle du Révérend Obadiah Slope, et Geraldine McEwan et Susan Hampshire (coffret double vidéo, BBCV4658, 355 minutes).
  • The Way We Live Now, une adaptation en 4 épisodes du roman du même nom ; il fut adapté par Andrew Davies, et joué par David Suchet (dans le rôle de Auguste Melmotte) et Matthew Macfadyen (dans le rôle de Sir Felix Carbury).

Aux États-Unis, PBS a diffusé les quatre séries : The Pallisers seul, et The Barchester Chronicles, The Way We Live Now, et He Knew He Was Right comme partie des Masterpiece Theatre.

[modifier] Œuvres de Trollope à la radio

  • La BBC commanda une adaptation radiophonique en quatre parties de The Small House at Allington, le cinquième roman des Chronique du Barsetshire, qu'elle diffusa en 1993. Les auditeurs réagirent tellement bien que la BBC adapta les cinq autres romans de la série, et BBC Radio 4 diffusa la série entière entre décembre 1995 et mars 1998. Dans cette adaptation, Stephen Moore jouait le rôle de l'Archidiacre Grantly (BBC Radio Collection ZBBC1798).
  • BBC Radio 4 diffusa une adaptation radiophonique en plusieurs épisodes de The Kellys and the O'Kellys, avec Derek Jacobi, entre le 21 novembre 1982 et le 2 janvier 1983.
  • BBC Radio 4 diffusa The Pallisers, une nouvelle adaptation en douze parties des Romans du Palliser, de janvier à avril 2004, dans l'espace de diffusion Classic Serial du week-end.

[modifier] Ecrits

Toutes les œuvres citées sont des romans, à moins qu'il ne soit spécifié autre chose. Les titres indiqués sont les titres originaux accompagnés du titre de la traduction française s'il en existe une.

[modifier] Les Chroniques du Barsetshire

  • Framley Parsonage (1861)
  • The Small House at Allington (1864)
  • The Last Chronicle of Barset (1867)

[modifier] Romans de Palliser

  • Les Antichambres de Westminster (1874) (Phineas Redux) (ISBN 2226064974)
  • Le premier ministre (1876) (The Prime Minister) (ISBN 2226076530)
  • The Duke's Children (1879)

[modifier] Autres

  • The Macdermots of Ballycloran (1847)
  • The Kellys and the O'Kellys (1848)
  • Vendée (1850) (La Vendée) (ISBN 2268026566)
  • The Three Clerks (1858)
  • The West Indies and the Spanish Main (récit de voyage) (1859) [2]
  • The Bertrams (1859)
  • Castle Richmond (1860)
  • Tales of All Countries--1st Series (nouvelles) (1861)
  • Tales of All Countries--2nd Series (nouvelles) (1863)
  • Tales of All Countries--3rd Series (nouvelles) (1870)
  • Orley Farm (1862)
  • North America (récit de voyage) (1862)
  • Rachel Ray (1863)
  • Miss Mackenzie (1865)
  • Hunting Sketches (sketches) (1865)
  • Travelling Sketches (sketches) (1866)
  • Clergymen of the Church of England (sketches) (1866)
  • The Belton Estate (1866)
  • The Claverings (1867)
  • Nina Balatka (1867)
  • Linda Tressel (1868)
  • He Knew He Was Right (1869)
  • Did He Steal It? (pièce de théâtre) (1869)
  • The Struggles of Brown, Jones, and Robinson (1870)
  • The Vicar of Bullhampton (1870)
  • An Editor's Tales (nouvelles) (1870)
  • The Commentaries of Caesar (1870)
  • Sir Harry Hotspur of Humblethwaite (1871)
  • Ralph the Heir (1871)
  • The Golden Lion of Granpère (1872)
  • Australia and New Zealand (récit de voyage) (1873)
  • Harry Heathcote of Gangoil (1874)
  • Lady Anna (1874)
  • The Way We Live Now (1875)
  • The American Senator (1877)
  • Is He Popenjoy? (1878)
  • South Africa (récit de voyage) (1878)
  • How the 'Mastiffs' Went to Iceland (récit de voyage) (1878)
  • John Caldigate (1879)
  • Œil pour œil (1879) (An Eye for an Eye) (ISBN 2841421090)
  • Cousin Henry (1879)
  • Thackeray (essai critique) (1879)
  • Life of Cicero (biographie) (1880)
  • Ayala's Angel (1881)
  • Doctor Wortle's School (1881)
  • Why Frau Frohmann Raised Her Prices and other Stories (nouvelles) (1882)
  • Lord Palmerston (biographie) (1882)
  • The Fixed Period (1882)
  • Kept in the Dark (1882)
  • Marion Fay (1882)
  • Mr. Scarborough's Family (1883)
  • Autobiographie (1883) (autobiographie) (An Autobiography) (ISBN 2700716558)
  • The Landleaguers (roman inachevé) (1883)
  • An Old Man's Love (1884)
  • The Noble Jilt (pièce de théâtre) (1923)
  • London Tradesmen (sketches) (1927)
  • The New Zealander (essai) (1972)

[modifier] Autour de Trollope

[modifier] Citations

"De tous les romanciers de n'importe quel pays, c'est Trollope qui comprend le mieux le rôle de l'argent. Comparé à lui, même Balzac est un romantique." — W. H. Auden "Il me tue, il me tue avec sa maîtrise!" Léon Tolstoï.

[modifier] Références

Les références littéraires dans les romans de Trollope ont été cherchées et identifiées par le professeur James A. Means, dans deux articles parus dans The Victorian Newsletter, (volumes 78 et 82) respectivement en 1990 et 1992.

[modifier] Notes

  1. Il s'agit de céréales pour enfants ; on utilise par extension ce mot pour qualifier quelque chose de simpliste, de doucereux. Voir ici.
  2. Serait paru aux éditions Hachette en 1860 sous le titre "Voyages Aux Indes Occidentales"

[modifier] Liens externes

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