Éminence grise

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Éminence grise est une expression désignant un conseiller influent qui reste dans l'ombre d'une personnalité politique ou autre.

Cette expression fut pour la première fois employée pour Joseph François Leclerc du Tremblay dit aussi le Père Joseph (1577-1638) conseiller occulte de Richelieu, Premier ministre de Louis XIII. Parce qu'il était capucin, il portait une bure grise, parce qu'il fut créé cardinal peu avant sa mort, et qu'on le considérait aussi puissant que Richelieu, il eut droit au titre d'éminence. Il joua un rôle déterminant dans la dernière phase de la Guerre de Trente Ans, notamment par l'intervention de la Suède qu'il provoqua.

Plusieurs hommes politiques dans l'histoire furent ainsi qualifiés parce qu'ils exercèrent des responsabilités considérables dans l'ombre d'un homme d'État : le colonel House auprès du Président Woodrow Wilson, Harry Hopkins auprès du Président Franklin Delano Roosevelt, Jean Jardin auprès de Pierre Laval, Marie-France Garaud et Pierre Juillet auprès de Georges Pompidou, puis de Jacques Chirac, Alexandr Iakovlev auprès de Mikhaïl Gorbatchev.

Au XVe siècle, Tanneguy du Châtel, conseiller de Charles VII eut ce rôle.

Au XVIIIe siècle, Madame de Pompadour aurait pu avoir ce rôle vis-à-vis de Louis XV si elle était resté dans l'ombre.

Le plus célèbre d'entre eux, à l'époque contemporaine, fut certainement Henry Kissinger, conseiller du Président Richard Nixon, qui le fit sortir de l'ombre en le nommant Secrétaire d'État en 1973.

L'éminence grise se distingue d'un conseiller habituel par l'influence qu'il exerce largement au-delà de ses responsabilités officielles. Ce sont par exemple :

  • St. John Philby qui négocie, au nom d'Ibn-Séoud, la frontière entre l'Arabie saoudite et le Yémen en 1936/37,
  • Jean Jardin qui établit les premiers contacts avec le gouvernement d'Alger et les Américains avec l'accord de Pierre Laval en 1942/43,
  • Harry Hopkins qui incite Roosevelt à une politique d'intransigeance vis à vis du Reich pour conduire à l'entrée en guerre des États-Unis en 1941,
  • Egon Bahr qui mène l'Ostpolitik du Chancelier Willy Brandt en 1969/74,
  • Marie-France Garaud qui obtient le départ du Premier ministre du Président Georges Pompidou, Jacques Chaban-Delmas en 1972,
  • Henry Kissinger qui mène du début à la fin le rapprochement entre la Chine et les États-Unis en 1970/71,
  • Alexandr Iakovlev qui fait prendre conscience à Mikhaïl Gorbatchev de la faillite du système soviétique en 1986/89 et de la nécessité de la réunification allemande en 1989.

L'ambition, ou l'extrême médiatisation du pouvoir à l'époque contemporaine, fait parfois sortir l'Eminence Grise de l'ombre, pas toujours avec succès. Ainsi Henry Kissinger a connu la brillante carrière que l'on sait, mais Marie-France Garaud n'a pas pu utiliser sa notoriété ou son savoir-faire pour entamer une carrière politique.

Généralement, la vocation de ces personnages est de rester dans l'ombre.

[modifier] Bibliographie

  • Pierre Assouline, Une éminence grise, Balland,
  • Roger Faligot et Rémi Kauffer, Eminences grises, Fayard, 1992
  • Yves Théorêt et André Lafrance, Les Eminences grises : A l'ombre du pouvoir, Hurtubise HMH, 2006

[modifier] Voir aussi