Tribus de grande Kabylie

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Sommaire

[modifier] Introduction: de la famille à la tribu

L'organisation sociale des Kabyles peut paraître difficile à comprendre lorsqu'on est extérieur au monde berbère. L'organisation tribale de la grande Kabylie, et même de toute la Kabylie, trouve cependant une origine logique lorsqu'on part de l'analyse de la structure familiale.

En effet, en Kabylie, les individus sont regroupés autour d'un patriarche et la filiation se fait par les hommes. On parle alors de structure patrilinéaire. Suivant les traditions, les familles sont des familles élargies regroupant ainsi autour des aïeuls, les femmes, les enfants, les oncles, les tantes et autres cousins... un sociologue nous parle alors de fraction désignant ainsi un ensemble de familles ayant un ancêtre commun. Ainsi, on comprend pourquoi un quartier n'est souvent habité que d'une seule fraction avec ses terres et généralement son propre cimetière. La fraction voire le quartier porte, en règle générale, le nom ou le surnom de l'ancêtre fondateur.

Le regroupement de plusieurs fractions forme un village. Les ensembles de villages aux origines éponymes identiques forment des tribus.

Lorsque plusieurs tribus s'entendent entre elles, on parle de confédération, mais ce phénomène, le plus souvent poussé par les guerres, est plutôt éphémère. Les confédérations se font mais se défont aussi rapidement qu'elles ne se sont formées lorsque le calme est revenu.

La composition de la grande Kabylie en confédérations lui vaut le nom de "Tamawya taqbaylit" (fédération Kabyle). Cependant, les habitants de la grande Kabylie utilisent généralement l'expression "Tamurt n leqvayel" ce qui veut tout simplement dire "La Terre des Kabyles".

[modifier] La légende des Quinquégentiens

Bien souvent, les chemins de l'histoire sont restés très obscurs, ce qui poussent les historiens à s'appuyer sur des récits légendaires pour orienter leurs travaux de recherche.

Parmi les nombreuses légendes que compte la Kabylie, il y en a une en particulier, qui a souvent fait l'objet de point de départ dans le cadre de recherches sur l'histoire de la grande Kabylie. En effet, on raconte que le premier habitant du Djurdjura était un géant. Celui-ci aurait eu cinq fils qui, une fois devenus grands, seraient à l'origine de cinq familles. Suivant le principe du développement familial énoncé en introduction, ces cinq familles seraient à l'origine de cinq tribus. Ce serait cette confédération de cinq tribus qui aurait lutté contre la domination romaine, ainsi le vocable de Quinquégentiens, populaire chez les historiens, serait un emprunt à la légende kabyle.

Malheureusement, l'histoire n'a pu nous transmettre le nom que de deux des tribus en question :

  • Isaflensès ou Iflensès qu'on identifie avec les Iflissen de nos jours est le seul nom de famille retrouvé.
  • A Aumale, une inscription de 261 ap. J.-C. parle d'un chef du nom de Faraxen. Les mots Faraxen et Fraoussen seraient identiques. On identifierait par là le père de la tribu des Aït Fraoussen [1].

Grâce aux récits de plusieurs historiens sur Firmus et Gildon, les deux frères qui dirigeaient les armées des Quinquégentiens, nous savons qu'il y avait plus de deux tribus, cependant il n'y a aucune preuve historique autre que ces récits.

[modifier] Histoire des Grandes Tribus

Aussi loin que l'on puisse remonter dans le temps et jusqu'au XIVe siècle ap. J.-C., la grande Kabylie semble relativement dominée par deux tribus organisées en une puissante confédération: les Aït Fraoussen et les Aït Iraten. D'ailleurs, Ibn Khaldoun nous confie que même du temps de la domination arabe où le Djurdjura faisait partie de la province de Béjaïa, la puissance de cette seule confédération et la géographie accidentée du Djurdjura faisaient que les habitants de la Grande Kabylie échappaient à tout contrôle de l'administration et même au pouvoir du fisc. A cette époque l'existence des Iflissen et des Iazouzen ne faisait nul doute puisque le territoire qui est le leur aujourd'hui l'était déjà durant l'antiquité. Les autres tribus ne semblaient en revanche pas suffisamment puissantes pour faire parler d'elles.

Au XVIe siècle, Sidi Ahmed ou el Kadhi, alors gouverneur de la province de Annaba du royaume Hafsid, reviendra chez lui pour unir les Kabyles contre les Espagnols. Originaire de Aourir, village des Aït Ghobri, son retour sera accueillie de manière triomphale attirant aussi la sympathie des tribus voisines. Sidi Ahmed ou el Kadhi élira domicile sur le piton de Koukou, fortement soutenu par les Aït Khellili, Aït Bou Chaïeb, Aït Itsourer, Aït Yahia, Aït Idjer et bien sur les Aït Ghobri. Cela marque la naissance des Seigneurs de Koukou. Profitant de l’attaque par la mer des frères Barberousse, Aroudj et Kheireddin, il libérera Béjaïa de l’occupation Espagnol. Puis il infligera une lourde défaite au cheikh des Aït Abbas, les princes de Guelâ, en guise de châtiment pour avoir aidé les Espagnols contre les Kabyles. Enfin, trahi par les turcs, il chassera Kheireddin d’Alger où il régnera de 1520 à 1527. Son règne s’achèvera un soir où il sera lâchement assassiné par un mercenaire Kabyle à la solde de Kheireddin. A la mort de leur chef, les Kabyles en déroute quitteront Alger pour ce réfugier chez eux. Sidi el Haoussin ou el Kadhi, le frère de Sidi Ahmed ou el Kadhi, sera reconnu Roi des Seigneurs de Koukou en 1529 et reprendra le commandement de l’armée Kabyle pour organiser la défense contre les turcs. Au fil des années le règne des Seigneurs de Koukou prendra une tournure despotique où les hommes des six tribus précédemment citées seront obligés de servir dans l’armée des Seigneurs de Koukou soumettant les tribus plus au Nord à différents impôts, racket et autres injustices. Certains historiens rapportent même que le cheptel des Seigneurs de Koukou allaient brouter de l’autre côté du Oued Sebaou, sur le territoire des Aït Fraoussen et des Aït Iraten, sans que cette importante confédération ne proteste de peur de déclencher une guerre.

Les Kabyles ne supportant plus l’exercice tyrannique du pouvoir par les Bel Kadhi, cherchaient depuis plusieurs années l’occasion d’en finir avec cette période de Régime de type féodal des Seigneurs de Koukou. Au XVIIe siècle, quatre saints, se rencontrent en Hermitage à Tizi-Berth. A la suite de leur pèlerinage les quatre Marabouts décident de venir en aide aux tribus opprimées. C’est ainsi que Sidi Mansour rejoindra les Aït Djennad, Sidi Ahmed Ou Malek s’installera chez les Aït Ghobri et les Aït Idjer, Sidi Abd Errahman chez les Aït Itsourer et les Illoulen et enfin Sidi Ahmed Ou Dris ne cessera de voyager entre la région d'Azzazga et celle des Illoulen. C’est Sidi Mansour qui sera le personnage moteur du soulèvement des Kabyles. Faisant prendre conscience de leur force et de leur nombre aux Aït Djennad, il constituera une formidable unité. Rapidement, les confédérations voisines des Aït Ouguenoun et des Iflissen Lebhar s’uniront avec les Aït Djennad pour former une puissante "confédération élargie" qui combattra sans relâche les Seigneurs de Koukou, alors dirigés par Amar ou el Kadhi. En 1618, Amar ou el Kadhi meurt mais il faudra attendre la fin du XVIIe siècle pour signer l’avènement des Seigneurs de Koukou avec notamment une liberté totale et retrouvé chez les Aït Djennad, Aït Ghobri et Aït Idjer.

[modifier] Références

  1. Louis Adrien Berbrugger Les époques militaires de la Grande Kabylie