Kabylie

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''Tamurt Idurar (kab)
Kabylie (fr)
(Drapeau de l'Algérie) (Drapeau de la Kabylie)
Location of Kabylia

Localisation Kabylie.

Administration
Statut politique Région d'Algérie
Capitale Tizi Ouzou (culturelle)
Béjaïa (économique)
Gouvernement
- Président
  Premier ministre

Abdelaziz Bouteflika
Abdelaziz Belkhadem
Géographie
Superficie 45 000 km²
Démographie
Population  (2006) environ 7 000 000 hab.
Densité 200 hab./km²
Langues Kabyle
Économie
Monnaie Dinar algérien
Autres
Fuseau horaire UTC +0
Domaine internet .dz
Indicatif téléphonique 213
Hymne Debout fils d'Amazigh !

La Kabylie est une région montagneuse du nord de l'Algérie entourée par la mer et par des plaines.

Ses habitants l'appellent Tamurt n Leqbayel (« La terre des Kabyles »). Le pays des montagnes représente le Djurdjura occidental que les anciens appelaient Aït Wadda (« Ceux d'en-bas ») et le Djurdjura oriental qu'ils appelaient Aït Oufella (« Ceux d'en-haut »).

La Kabylie possède une côte qui s'étend sur plusieurs centaines de kilomètres. Elle fait partie de l'Atlas et se situe donc en bordure de la Méditerranée qui lui fournit ce que l'on appelle « la corniche kabyle », située entre Béjaïa et Jijel, dans ce qui était appelé durant la période coloniale la « Petite Kabylie ». Pour l'historien Ibn Khaldoun, elle représente la portion du territoire qui s'appelait la province de Béjaïa ; ce que les anciens kabyles appelaient Tamawya taqbaylit (ou Tamawya), « fédération kabyle ».

Sommaire

[modifier] Géographie

Paysage verdoyant dans l'Ait Ghobri
Paysage verdoyant dans l'Ait Ghobri

La Kabylie couvre plusieurs circonscriptions ou wilayas de l'Algérie : Tizi Ouzou et Béjaïa (Bgayet, anciennement Bougie), la majeure partie de Bouira (Tubirets) et Bordj Bou Arreridj, et une partie des wilayas de Sétif, Boumerdes, Jijel et de M'Sila (Tamsilt). Il est souvent fait une distinction entre la Grande et la Petite Kabylie, également appelées Haute et Basse Kabylie.

Ces deux Kabylies faisaient partie de l'ancien département d'Alger pour la Grande et du département de Constantine pour la Petite Kabylie. Béjaïa, l'antique Saldae, capitale de la petite Kabylie, est décrite par des historiens tels que Charles-André Julien ou Ibn Khaldoun. Les Kabyles l'appellent « Bgayet n Lejdud » (« Bougie des Ancêtres »). Tizi-Ouzou, la capitale de la Grande appelé autrefois « le village », existe depuis l'époque coloniale.

La Grande ou Haute Kabylie, va de Thenia jusqu’à Tigzirt. Elle représentait le territoire situé au nord du Djurdjura. Une petite portion de l'ancienne province de Bougie, la Petite ou Basse Kabylie, s'étendait de Bouira en englobant le Djurdjura oriental, l'Akfadou jusqu'à Bougie et s'étendait d'ouest en est, et de la Méditerranée en passant par la vallée de la Soummam du nord au sud, soit plus de 500 km. Elle comprenait ainsi les confédérations des Bibans et celle des Babors jusqu'a Collo.

Trois grands massifs montagneux occupent la plus grande partie de la région :

  • Au Nord, la chaîne de la Kabylie maritime, culminant à Tifrit n'Aït el Hadj, régions des Aït Djennad (mont Tamgout 1278 m)
  • Au Sud, le Djurdjura, dominant la vallée de la Soummam, culminant au Lalla-Khadîdja (mont Tamgout Aâlayen 2308 m)
  • Entre les deux, le massif Agawa, le plus densément peuplé, avec 800 m d'altitude moyenne. C'est là où se trouve la plus grande ville de la Grande Kabylie, Tizi Ouzou. Larbaâ Nath Irathen (anciennement « Fort-National »), qui compte 28 000 habitants en 2001, est le centre urbain montagneux le plus élevé de la région.

[modifier] Population et langue

Icône de détail Articles détaillés : Kabyles et kabyle.

La population de Kabylie est estimée à plus de 5 millions[1]. La région est donc très densément peuplée, et le taux dépasse souvent les 250 hab./km2. Un nombre important de Kabyles vit dans le reste du pays (notamment à Alger où ils représentent plus de la moitié de la population[2]) et à l'étranger (France[3] et Europe et au Canada. Les Kabyles sont un peuple berbère, et parlent le kabyle (taqbaylit), une variante du berbère (tamazight). Ils représentent le deuxième groupe berbérophone après les Chleuhs du Maroc.

[modifier] Religion

Les Kabyles sont majoritairement musulmans[4], mais on compte aussi un nombre non négligeable d’irréligieux et de chrétiens[5]. Historiquement, la Kabylie a connu l'ensemble des religions du bassin méditerranéen, ayant même contribué, comme partie intégrante du monde berbère, à la fourniture de quelques dieux et déesses aux Grecs et aux Romains (voir Mythologie berbère), telle que Antée. D'abord dévoués aux esprits et à l’animisme, dont il reste des traces à ce jour [6], ils découvrirent les religions monothéistes, des religions qui se sont facilement et rapidement ancrées dans la vie des Kabyles.

Après le christianisme, l’islam s’est installé à son tour et s’est même écrit une histoire dans cette région, notamment avec le règne de la dynastie Hammadide qui, depuis Béjaïa sa capitale, a rayonné sur l'Algérie et le Bassin occidental de la Méditerranée aux XIe siècle et XIIe siècle. Pratiquant un "Islam" parfois influencé par le maraboutisme et le soufisme (à l'image de la confrérie Rahmaniya), les syncrétismes, antithèses de l'islam orthodoxe, étaient et restent cependant nombreux (invocation de Anzar, le dieu de la pluie lors des grandes sécheresses[7]; signe de croix des femmes avant de langer un nourrisson, etc…), confirmant sa spécificité à l'« islam kabyle »[8],[5].

[modifier] Histoire

[modifier] Moyen-Age

Un village typique kabyle.
Un village typique kabyle.

La dynastie Fatimide du Xe siècle est née en Petite Kabylie, avec le dai ismaélien Ubayd Allah al-Mahdi qui trouva un écho favorable à ses prêches millénaristes auprès des tribus berbères Kutama. Ceci conduisirent les Kutama, après avoir mis les fatimides au pouvoir, à conquérir l'Ifriqiya puis l'Égypte, fondant un empire qui s'étendait du Maghreb au Hedjaz et à la Syrie[9]. Les Fatimides eurent moins d'intérêt pour le Maghreb après la conquête égyptienne. Ils le laissèrent sous contrôle des Zirides.

Les Hammadides, branche des Zirides, qui avaient déclaré leur indépendance, contrôlaient le Maghreb central, tandis que les Zirides régnait sur l'Ifriqiya. Leur règne influa sur la vie de la Kabylie et de l'Algérie, en rénovant Béjaïa (ville capitale après l'abandon de la Kalâa des Béni Hammad) ou encore Alger. Après la chute des Hammadides, la région de Kabylie changea à plusieurs reprises de main (Almohades, Hafsides…).

Plus tard, au temps des Turcs, la Kabylie a constitué deux États reconnus pour leur puissance (représentations diplomatiques en Espagne notamment) : le Royaume de Koukou en Haute Kabylie fondé par Ahmed Belkadi et le Royaume des Ath Abbas en Basse Kabylie. La Kabylie prit ainsi, même après la chute de ces royaumes, une relative autonomie administrative par rapport au reste de la régence d'Alger[10].

[modifier] Conquête française

Carte de la Grande Kabylie en 1857.
Carte de la Grande Kabylie en 1857.

La région passe progressivement sous domination française à partir de 1857 et se soulève périodiquement, notamment en 1870 (« révolte des Mokrani »). La répression française se solde par de nombreuses arrestations, des déportations, notamment en Nouvelle-Calédonie (voir Kabyles du Pacifique)[11]. La colonisation se traduit aussi par une accélération de l'émigration vers d'autres régions du pays et vers l'étranger.

La France, à travers les « bureaux arabes », procède également à l'arabisation des noms de familles et de lieux en Kabylie. C'est ainsi qu'Iwadiyen devient les Ouadhias, At Zmenzer devient Beni Zmenzer ou encore At Yahia en Ould Yahia. Cette action de dépersonnalisation devient systématique après la révolte de 1871[11] : pour casser la cohésion de la société kabyle, l'état civil a été généralisé, attribuant des noms fantaisistes et différents aux membres d'une même famille.

Pourtant, le droit coutumier berbère a été plus ou moins respecté en Kabylie, alors qu'il avait été aboli en pays chaoui au profit du droit musulman. Et pour mieux isoler la Kabylie du reste de l'Algérie profonde, des missionnaires chrétiens se chargeaient de prêcher « la bonne parole » dans les villages les plus reculés[12]. Enfin, l'enseignement du français jusqu'au certificat d'études était assez courant en Kabylie alors que partout ailleurs, c'était la scholastique coranique, en arabe littéraire, qui était favorisée.

Pendant la guerre d'indépendance, la Kabylie, cœur de la résistance contre le colonialisme français[13], alors wilaya III, est la région la plus touchée, avec celle des Aurès, du fait de l'importance des maquis et de la répression et de l'implication de ses habitants. Le FLN y a recruté plusieurs de ses chefs historiques parmi lesquels Abane Ramdane et Krim Belkacem ou encore Hocine Aït Ahmed[14].

[modifier] Indépendance de l'Algérie

Le drapeau berbère, symbole de la revendication identitaire.
Le drapeau berbère, symbole de la revendication identitaire.

La région s'est opposée au pouvoir à plusieurs reprises, d'abord en 1963 : le Front des forces socialistes de Hocine Aït Ahmed et de Yaha Abdelhafid conteste l'autorité du parti unique. En 1980, la Kabylie connaît plusieurs mois de manifestations réclamant l'officialisation de la langue berbère, appelées Printemps berbère circonscrit à la Kabylie et aux université d'Alger. Ce réveil culturel s'intensifie à l'occasion du durcissement de l'arabisation en Algérie dans les années 90[15]. En 1994-1995, l'année scolaire fait l'objet d'un boycott appelé « grève du cartable »[16].
En juin et juillet 1998, la région s'embrase à nouveau après l'assassinat du chanteur Matoub Lounès et à l'occasion de l'entrée en vigueur d'une loi généralisant l'usage de la langue arabe dans tous les domaines[17],[15].

À partir d'avril 2001, de graves émeutes provoquées par l'assassinat d'un jeune par des gendarmes accentuent la rupture avec les autorités : c'est le Printemps noir. Une revendication autonomiste, qui était jusque-là le fait de quelques intellectuels, est désormais portée par le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), dirigé par le chanteur Ferhat Mehenni. D'autres encore, demandent une reconnaissance de la pluralité culturelle dont bénéficie l'Algérie, donc une reconnaissance de l'identité berbère de l'Algérie, comme le Mouvement citoyen des Aarchs.

[modifier] Économie

Paysage estival de la Petite Kabylie.
Paysage estival de la Petite Kabylie.

L'économie traditionnelle de la région repose sur l'arboriculture : vergers, oliviers, apiculture, notamment ainsi que sur l'artisanat (orfèvrerie, tapisserie ou encore la poterie). L'agriculture de montagnes laisse peu à peu la place à une industrie locale (électroménager avec la société Sonalec). La Kabylie fournit une grande partie de l'eau potable aux régions situées à l'est et à l'ouest de celle-ci[18]. Enfin, l'aide apportée par la diaspora Kabyle constitue l'un des principaux facteurs qui dynamisent les régions Kabyles, notamment grâce à l'apport des devises et des actions de solidarité d'associations. Les aides apportés par les immigrés de la diaspora favorisent le développement des infrastructures (route, transport, bibliothèques...) qui sont délaissées par l'état Algérien. Toutefois, les crédits ainsi apportés et gérés par l'assemblée des villages accentuent l'autonomie des villages kabyles. Le développement du tourisme lui permet d'entrevoir un avenir sur ce créneau. Toutefois, lors des dernières assises du tourisme en Algérie, de nombreux projets touristiques colossaux ont été abordés lors de ces assises. Le groupe Cevital se lance dans le tourisme à Béjaïa pour profiter des opportunités dont bénéficie la région dans ce secteur. (Cevital vient en effet de bénéficier d’une assiette foncière de 26 hectares dans la zone d’expansion touristique (ZET) d’Agrioun à Souk El-Tenine (une station balnéaire sise à une trentaine de kilomètres à l’est du chef-lieu de wilaya de Béjaia) pour l’implantation d’un complexe touristique moderne..)  : jusqu'aux années 90, la Kabylie était appelée la petite Suisse[19].

[modifier] Annexe

[modifier] Notes et références

  1. (fr) - « Langue et littérature berbères », article de Salem Chaker, professeur de berbère à l'Inalco, et directeur du Centre de Recherche Berbère.
  2. Selon les estimations, 50 à 70% de la population d’Alger est Kabyle. (La surprenante évolution démographique du Maghreb moderne par Zahia Ouadah-Bedidi (INED), 8 Octobre 2002).
  3. Salem Chaker, loc. cit.. Les Kabyles y représenteraient près d'un million de personnes.
  4. Le recensement sur base religieuse étant interdit en Algérie, le terme musulman est donc pris dans son acception la plus large (religion, culture, référent identitaire)
  5. ab (fr) - Laïcité et athéisme en Kabylie : Mythes et ambiguïtés par Yidir Plantade.
  6. Jean-Pierre Laporte, « Stèles libyques figurées de Grande Kabylie », Africa Romana, IX, 1991, pp. 389-423.
  7. (fr) - Un rite d’obtention de la pluie : « la fiancée d’Anzar » par Henri Genevois, in Actes du deuxième congrès international d’étude des cultures de la méditerranée occidentale. II. Sned, Alger, 1978, pp. 393-401.
  8. « Chachoua Kamel, L’islam kabyle. Religion, État et société en Algérie, suivi de l’Epître (Risâla) d’Ibnou Zakrî (Alger, 1903), mufti de la Grande Mosquée d’Alger, Maisonneuve & Larose, 2001. », par Karima Direche-Slimani, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée (En ligne), n°101-102 - Sciences, savoirs modernes et pouvoirs dans le monde musulman contemporain, juillet 2003, p. 343-348.
  9. [pdf] Les prolégomènes, d'Ibn Khaldoun (1332-1406) – Tome I, traduits en français et commentés par William Mac Guckin De Slane (1801-1878), 1868, p. 331.
  10. « Les confins militaires de la Grande Kabylie sous la domination turque (Province d'Alger) » par le Baron Henri Aucapitaine - 1857.
  11. ab Histoire de la Grande Kabylie : XIXe XXe siècles - Alain Mahé, éd. Bouchêne, 2001 (ISBN 2-912946-12-3).
  12. Karima Dirèche-Slimani, Chrétiens de Kabylie 1873-1954. Une action missionnaire dans l'Algérie coloniale, Paris, éd. Bouchène, 2004 (ISBN 2912946778).
  13. (fr) - « Octobre 54 : Veillée d'armes en Kabylie », Benjamin Stora (Le Monde, 5 juillet 2004).
  14. (fr) - « Figures kabyles dans l’histoire politique algérienne », Benjamin Stora, Awal, cahier d’études berbères, n°25, Paris, 2002.
  15. ab (fr) - « Données historiques et conséquences linguistiques » par Jacques Leclerc, L’aménagement linguistique dans le monde. CIRAL (Centre international de recherche en aménagement linguistique).
  16. (fr) - « Petite histoire de la question berbère en Algérie » (1994, la «grève du cartable»: le berbère à l’école) par Yassin Temlali (01/05/2006).
  17. (fr) - Loi n° 91-05 du 16 janvier 1991, portant généralisation de l'utilisation de la langue arabe, entrée en vigueur le 5 juillet 1998.
  18. (fr) - « L’eau, un enjeu géopolitique majeur en Méditerranée » [doc]
  19. Déjà en 1833, le nom de « Suisse sauvage » lui a été attribué (Eugène Daumas, Mœurs et coutumes de l'Algérie - Tell, Kabylie, Sahara, éd. Hachette, 1855, p.191.)

[modifier] Bibliographie

[modifier] Articles connexes

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[modifier] Liens externes