Théorie de l'esprit

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En épistémologie, une théorie de l'esprit est une construction intellectuelle adoptée par un ou plusieurs auteurs concernant l'esprit, sa nature, son fonctionnement et/ou sa relation avec le corps.

En sciences cognitives, l'expression "Théorie de l'esprit" désigne les processus cognitifs permettant à un individu d'expliquer ou de prédire ses propres actions et celles des autres agents intelligents. Cette aptitude enrichit qualitativement les interactions sociales (communication, collaboration, compétition, apprentissage, etc.); elle relève donc de la cognition sociale.

Sommaire

[modifier] En épistémologie

De nombreuses théories concernant l'esprit sont discutées au sein de plusieurs disciplines: philosophie de l'esprit, théologie, neurosciences, psychologie, etc.

[modifier] Principales problématiques

Icône de détail Article détaillé : philosophie de l'esprit.

Le problème corps-esprit est le problème de la détermination des relations entre le corps humain et l'esprit.

Existe-t-il des entités mentales? (Cf. métaphysique)

L'humain possède-t-il un libre arbitre?

[modifier] Exemples de théories concernant l'esprit

[modifier] En sciences cognitives

Dans l'acception originale des primatologues D. Premack et G. Woodruff[1], la Théorie de l'esprit, l'aptitude à comprendre les conduites, reposerait sur des inférences d'états mentaux : la croyance, le désir, la joie, la peur, etc. Il s'agirait d'une théorie dans la mesure où des prédictions peuvent permettre de tester des hypothèses concernant les états mentaux inobservables des agents. Bien que majoritairement acceptée, certains considèrent que cette définition n'est qu'une position théorique parmi d'autres.

L'expression "Théories de l'esprit", au pluriel, apparaît régulièrement pour mettre l'accent sur la diversité, phylogénétique et ontogénétique, des systèmes cognitifs pouvant rendre compte de différents niveaux de compréhension des conduites.

Le domaine de recherche visant à expliquer cette aptitude est devenu au cours des 30 dernières années un des principaux thèmes transversaux des sciences cognitives. Il est apparu notamment que la prise en compte des états mentaux intentionnels, des croyances[2] en particulier, est problématique[3]. Ainsi la Théorie de l'esprit peut désigner les processus par lesquels l'esprit est compris comme engendrant des représentations et les conduites comprises comme déterminées par ces représentations.

Les données actuelles semblent indiquer que l'humain serait le seul primate à posséder cette capacité à traiter les états mentaux intentionnels, et qu'elle ne serait pas maîtrisée avant l'âge de 4 ans[4]. Par ailleurs, les individus souffrant d'autisme présentent dans leur grande majorité un important déficit en Théorie de l'esprit[5].

Il convient de distinguer le concept de Théorie de l'esprit de celui d'Empathie; le premier désigne la compréhension de tous les types d'états mentaux, le second ne concerne que la compréhension des sentiments et des émotions (qui sont des qualia).

[modifier] Théorie vs simulation

Ces dernières années, deux positions se sont opposées concernant la nature de la Théorie de l'esprit :

  • La théorie de la théorie qui insiste sur l'organisation proto-scientifique de la Théorie de l'esprit.
  • La théorie de la simulation qui insiste sur la capacité à simuler les états mentaux d'autrui.

Aujourd'hui, l'heure est au compromis ; il demeure toutefois la question de savoir ce qui tient de la théorie et ce qui tient de la simulation dans la Théorie de l'esprit.

[modifier] En psychologie du développement

  • L'attribution de fausse croyance

Il est largement accepté qu'au cours de la période préscolaire (de 3 à 5 ans) l'enfant acquière l'aptitude à prendre en compte l'état de connaissance des agents dans la prédiction ou l'explication des comportements. La prise en compte des croyances ne peut être démontrée que dans des situations où ces croyances sont fausses.

L'illustration la plus célèbre de cette acquisition est une recherche publiée en 1983, par Heinz Wimmer et Josef Perner. Dans l'épreuve du transfert inattendu (unexpected transfer en anglais), l'enfant doit prédire qu'une personne ignorant le déplacement d'un objet cherchera celui-ci là où elle croit qu'il se trouve et non là où il est en réalité. En pratique, on présente à l'enfant, à l'aide de poupées et de jouet, l'histoire suivante:

"Maxi et sa maman sont dans la cuisine, ils rangent le chocolat dans le réfrigérateur. Maxi part rejoindre ses amis pour jouer. Pendant son absence, sa maman décide de préparer un gâteau. Elle prend le chocolat dans le réfrigérateur, en utilise une partie et range le reste du chocolat dans le placard. Plus tard, Maxi revient, il veut manger du chocolat.

Où Maxi va-t-il chercher le chocolat?"

Pour répondre correctement que Maxi va chercher le chocolat dans le réfrigérateur, il faut lui attribuer une fausse croyance concernant la position du chocolat. Il apparaît que les enfants de moins de 3 ans et demi n'attribuent pas cette fausse croyance : ils prédisent que Maxi va chercher le chocolat dans la placard, là où il se trouve réellement. Cette erreur systématique est régulièrement qualifiée de réaliste. En effet, la prédiction s'appuie sur l'état de la réalité et non sur l'état de croyance.

[modifier] En psychopathologie

[modifier] En neurosciences

La découverte de systèmes neurocognitifs spécialisés dans la représentation de l’action intentionnelle et des émotions a bouleversé l'approche cognitiviste.

Le mécanisme neurophysiologique principal utilisé serait un système de codage partagé de l’action : les systèmes de neurones miroirs. Grâce à l’imagerie fonctionnelle cérébrale, on a pu montrer que le circuit cortical utilisé par le cerveau pour effectuer l’action est le même que celui utilisé par le cerveau pour se représenter l’action. Cette conception est dite « simulationniste ».

Le lien entre ces deux approches se situe actuellement dans les hypothèses autour de la structure de représentation motrice du langage et de la pensée.

Le schéma de fonctionnement physiocognitif serait le suivant :

  • « Lecture de l’action » motrice de l’autre : ses comportements mais aussi ses réactions émotionnelles (mouvements du visage par exemple).
  • « Codage de l’action » (d’autrui), qui se fait en lien (ou « partage ») avec les émotions et les actes issus de notre propre expérience (soi). Ceci génère des « représentations partagées » d’action et d’émotion entre soi et autrui : ce qu’on appelle les processus de « résonnance motrice » et de « résonnance émotionnelle ».

Cette théorie du partage des émotions motrices rejoint la théorie de l’empathie de Lipps qui postulait que l’accès aux états mentaux et émotionnels d’autrui reposait sur une « imitation automatique » de l’autre. De façon générale, on retrouve un mécanisme similaire à différents niveaux. Le mécanisme général est le suivant : la perception d’un événement ou état mental active en même temps le processus de génération ou production de cet état.

Cela se retrouve au niveau du langage avec la théorie motrice de la perception, mais également au niveau émotionnel puisque la génération d’expressions utilise les mêmes systèmes corticaux que la reconnaissance perceptive des émotions chez autrui : processus de « résonnance émotionnelle ». Enfin, cela se retrouve au niveau des idées, avec le mécanisme de « contagion des idées » qui a été constaté par Sperber et qui serait à la base du développement des cultures.

[modifier] En anthropologie

[modifier] En primatologie et éthologie

[modifier] En intelligence Artificielle

[modifier] Notes et références

  1. Premack, D. & Woodruff, G. (1978). Does the chimpanzee have a theory of mind? Behavioral Brain Sciences, 1, 515-526.
  2. Le terme de croyance doit ici être compris au sens large de connaissance et non au sens religieux.
  3. Wimmer, H., & Perner, J. (1983). Beliefs about beliefs: Representing and constraining function of wrong beliefs in young children's understanding of deception. Cognition, 13, 103-128.
  4. Wellman, H. M., Cross, D., & Watson J. (2001). Meta-analysis of theory-of-mind development: the truth about false belief. Child Development, 72, 655-684.
  5. Baron-Cohen,S., Leslie, A. M., & Frith, U (1985). Does the autistic child have a" theory of mind"? Cognition, 21, 37-46.

[modifier] Bibliographie

  • Melot A.-M. & Nadel J. (2003). Théorie de l'esprit. In O. Houdé (Ed), Vocabulaire des sciences cognitives (pp. 437-440). Paris: P.U.F.
  • Hauser, M. (2002). A quoi pensent les animaux? Odile Jacob.
  • Engel, P. (1996). Philosophie et psychologie. Gallimard.

[modifier] Liens externes