Épistémologie

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L'épistémologie (du grec épistémê - «connaissance », «science » - et logos - « discours ») est, selon la tradition philosophique francophone, une branche de la philosophie des sciences qui « étudie de manière critique la méthode scientifique, les formes logiques et modes d'inférence utilisés en science, de même que les principes, concepts fondamentaux, théories et résultats des diverses sciences, et ce, afin de déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée objective »[1]. Dans la tradition philosophique anglo-saxonne, l'épistémologie se confond avec la théorie de la connaissance, et ne porte donc pas spécifiquement sur la connaissance scientifique. Il arrive également que ce terme soit utilisé comme synonyme de « philosophie des sciences »[2]. La distinction entre ces différentes acceptions, et notamment le rapport de l'épistémologie à la philosophie des sciences, n'est cependant pas clairement établie[3].

L'épistémologie continentale peut également traiter d'objets non scientifiques[4]. Le mot est également employé parfois pour désigner telle ou telle théorie de la connaissance. Il s'agit donc plus d'une différence de degré dans l'attention portée par différentes traditions à la connaissance scientifique plutôt qu'à la connaissance générale.

L'enquête épistémologique peut porter sur plusieurs aspects de l'activité scientifique : les modes de production de la connaissance scientifique, les fondements de cette connaissance, la dynamique de cette production. Plusieurs questions : qu'est ce qu'une connaissance scientifique? Comment est-elle produite? Comment est-elle validée? Sur quoi se fonde-t-elle? Comment les connaissances scientifiques sont-elles organisées? Comment évoluent-elles (et notamment, progressent-elles?)?

A cela s'ajoute parfois une dimension normative de l'analyse. Il ne s'agit plus seulement de décrire la connaissance scientifique, mais de définir ce qui constitue une "bonne" connaissance scientifique.

Enfin, on doit distinguer une épistémologie générale, qui porte implicitement l'idée d'une certaine unité de la science, des épistémologies régionales, qui repose sur l'idée d'une pluralité, parfois présentée comme irréductibles, des différentes sciences. On parle alors d'épistémologie de la physique, de la biologie, des sciences humaines, ...

Longtemps, l'épistémologie portait sur le "contenu" de la science, la science en tant qu'institution humaine étant laissée à d'autres disciplines, notamment la sociologie. La question sur la nature de la science se confondait alors avec celle sur la nature de la connaissance scientifique. Ces dernières décennies, ce partage est devenu moins évident, sous l'effet d'une part de certains courants de la sociologie réclamant un "droit de regard" sur ce contenu, d'autre part de certains épistémologues jugeant nécessaire, pour mieux comprendre la connaissance scientifique, de porter attention aux dimensions concrète de l'activité scientifique.

Sommaire

[modifier] Histoire

Le mot "épistémologie" apparaît pour la première fois en France en 1901[5], dans la traduction de l'introduction de lEssai sur les fondements de la géométrie de Russel, notamment de ce passage : « Ce fut seulement de Kant, le créateur de l'Epistémologie, que le problème géométrique reçut sa forme actuelle »[6]. Il s'agit donc d'un emprunt à l'anglais "epistemology", formé en 1856 par James F. Ferrier pour traduire l'allemand "Erkenntnistheorie"[7], "théorie de la connaissance". Mais dans le contexte français, ce sens premier va rapidement évoluer. En effet, à la traduction de l'oeuvre de Russel est annexé un Lexique philosophique rédigé par Louis Couturat, qui en son entrée "épistémologie" donne à ce mot le sens d'une « théorie de la connaissance appuyée sur l'étude critique des Sciences, ou d'un mot, la Critique telle que Kant l'a définie et fondée »[8]. Couturat introduit ainsi une première confusion entre théorie de la connaissance et philosophie des sciences[9].

Cette évolution n'est pas sans conséquence[10]

L'épistémologie moderne tire donc son origine dans la philosophie de la connaissance Kantienne. Mais elle puise également à des traditions plus anciennes, notamment cartésienne.

C'est au début du XXème que l'épistémologie se constitue en champ disciplinaire autonome.

[modifier] Epistémologie cartésienne

[modifier] Epistémologie Kantienne

[modifier] Le tournant positiviste logique

[modifier] Epistémologie contemporaine

[modifier] Les questions épistémologiques

On retrouve dans ces différentes questions des aspects descriptifs et normatifs.

Contexte de découverte et contexte de justification. Pendant longtemps, la question de la découverte ne relève pas de l'épistémologie, mais au mieux de la psychologie. Les choses changent progressivement.

[modifier] La production des connaissances scientifiques

Quelles méthodes? quelles formes de validations? La question de l'induction, de la déduction, ... On trouve ici la question de l'explication, de l'interprétation, ...

[modifier] La nature des connaissances scientifiques

Le problème de la démarcation, qui s'articule évidemment à celui de la validation. C'est aussi le problème des fondements de la connaissance scientifique, ainsi que la question du réalisme/anti-réalisme, et celui du rapport au vrai. Ce qui mène également à la question du relativisme. Il y a aussi la question de l'unité de la science.

[modifier] L'organisation des connaissances

théories, modèles, hypothèses, lois, ...

[modifier] L'évolution des connaissances

Continuisme et discontinuisme, internalisme et externalisme. Ce qui renvoie à nouveau au problème du relativisme.

[modifier] La production de la connaissance

[modifier] Induction

L'induction consiste à passer de cas singuliers à une proposition générale. Le problème est de savoir si nous sommes justifiés à croire que nous pouvons prédire un quelconque fait d'après nos théories. Par exemple, nous avons observé que le soleil, jusqu'ici, se lève le matin. Mais rien ne semble justifier notre croyance au fait qu'il se lèvera encore demain. Ce problème avait été jugé insoluble par Hume, pour lequel notre croyance relevait de l'habitude.

[modifier] Vérification

[modifier] Falsification

[modifier] Les critiques holistes

[modifier] La nature des connaissances scientifiques

C'est notamment la question de la démarcation.

[modifier] Le positivisme logique

[modifier] Falsificationnisme

Karl Popper critique le raisonnement par induction. Ce dernier a certes une valeur psychologique mais pas une valeur logique. De nombreuses observations cohérentes ne suffisent pas à prouver que la théorie qu'on cherche à démontrer soit vraie. A contrario, une seule observation inattendue suffit à falsifier une théorie. Ainsi, mille cygnes blancs ne suffisent pas à prouver que tous les cygnes sont blancs ; mais un seul cygne noir suffit à prouver que tous les cygnes ne sont pas blancs. Voir Paradoxe de Hempel.

Il en résulte qu'une théorie ne peut être « prouvée » mais seulement considérée comme non invalidée jusqu'à preuve du contraire. Partant de là, on peut distinguer :

  • les théories impossibles à réfuter (par l'observation ou l'expérience)
  • celles qui peuvent être invalidées.

Seules les potentiellement réfutables (celles associables à des expériences dont l'échec prouverait l'erreur de la théorie) font partie du domaine scientifique; c'est le « critère de démarcation des sciences » (entendre par là : des sciences dures).

[modifier] Relativisme

Paul Feyerabend observait à l'exemple de la naissance de la mécanique quantique que souvent l'avancement scientifique ne suit pas de règles strictes. Ainsi, selon lui, le seul principe qui n'empêche pas l'avancement de la science est « a priori tout peut être bon » (ce qui définit l'anarchisme épistémologique). Il critique donc l'aspect réducteur de la théorie de la réfutabilité et défend le pluralisme méthodologique. Il existe selon lui une très grande variété de méthodes différentes adaptées à des contextes scientifiques et sociaux toujours différents. De plus, il remet en question la place que la théorie de la réfutabilité accorde à la science, en en faisant l'unique source de savoir légitime, et le fondement d'une connaissance universelle qui dépasse les clivages culturels et communautaires. Enfin, Feyerabend critique son manque de pertinence pour décrire correctement la réalité du monde scientifique et des évolutions des discours et pratiques scientifiques.

Son œuvre principale, Contre la méthode. Esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance, fut reçue très négativement par la communauté scientifique, car elle accuse la méthode scientifique d'être un dogme et soulève la question de savoir si la communauté doit être aussi critique par rapport à la méthode scientifique que par rapport aux théories qui en résultent.

Pour en savoir plus: anarchisme épistémologique

[modifier] L'organisation des connaissances

[modifier] Dynamiques de la science

[modifier] Continuisme et discontinuisme

Bachelard et l' "obstacle épistémologique" : Gaston Bachelard définit, en 1934, dans un article intitulé "La formation de l'esprit scientifique", ce dernier comme étant "la rectification du savoir, l'élargissement des cadres de la connaissance". Pour lui, le scientifique doit se dépouiller de tout ce qui constitue les "obstacles épistémologiques internes", en se soumettant à une préparation intérieure afin que sa recherche progresse vers la vérité. La notion d'obstacle épistémologique est ce qui permet de poser le problème de la connaissance scientifique: c'est à partir du moment où celui-ci est surmonté, donnant lieu à une "rupture épistémologique", que l'on atteint le but recherché. Les obstacles sont, pour Bachelard, non seulement inévitables, mais aussi indispensables pour connaître la vérité. Celle-ci en effet n'apparaît jamais par une illumination subite, mais au contraire, après de longs tâtonnements, "une longue histoire d'erreurs et d'errances surmontées".

Bachelard dénonce l'opinion que nous laisse l'expérience empirique et son influence sur la connaissance scientifique : "le réel n'est jamais ce que l'on pourrait croire, il est toujours ce qu'on aurait dû penser", dit-il. "La science s'oppose formellement à l'opinion : l'opinion ne pense pas, elle traduit des besoins en connaissances." La connaissance scientifique consistera à revenir sans arrêt sur le déjà découvert.

Mettant l'accent sur la discontinuité dans le processus de la construction scientifique, Thomas Kuhn discerne des périodes relativement longues pendant lesquelles la recherche est qualifiée de « normale », c'est-à-dire qu'elle s'inscrit dans la lignée des paradigmes théoriques dominants, périodes pendant lesquelles de brefs et inexplicables changements constituent une véritable « révolution scientifique ». Le choix entre les paradigmes n'est pas fondé rationnellement. Cette posture implique que chaque paradigme permet de résoudre certains problèmes et, de là, les paradigmes seraient incommensurables.

[modifier] Internalisme et externalisme

Elle ne prend en compte que l’histoire des idées scientifiques, de découverte en découverte : les savants sont un monde à part, qui progresse indépendamment du reste. La science se nourrit d’elle-même. Il est ainsi possible de comprendre l’histoire des sciences sans se référer au contexte culturel. L’important, ce sont les étapes de progression de l’histoire scientifique.

La vision externaliste rend au contraire la science dépendante de l’économie, la psychologie, etc. Ceci amène à des conséquences différentes suivant le contexte. Voir ou revoir la série télévisuelle de Jacob Bronowski "L’évolution de l’homme" ("The Ascent of Man") de la BBC qui l’a rendu célèbre auprès du grand public cultivé, disponible aussi en francophonie.

[modifier] Les épistémologies régionales

[modifier] Institutions

En France, l'épistémologie a le statut institutionnel d'une discipline à part, distincte de la philosophie et de l'histoire: elle constitue ainsi la Section 72 du CNU. Elle y occupe plusieurs dizaines de laboratoires, dont notamment l'IHPST, le CREA, REHSEIS, le Centre François Viete, les Archives Henri Poincaré, le Centre Geoges Canguilhem, l'Institut Jean Nicod, l'IRIST, l'unité Savoirs et Textes, ou le GRS, qui regroupent des centaines de chercheurs, dont quelques stars : Jacques Bouveresse, Jean Gayon, Daniel Andler, Pierre Livet, Jean-Pierre Dupuy, Anne Fagot-Largeault, Michel Bitbol, Jacques Dubucs, Dominique Lecourt, Michel Paty, Ruwen Ogien, Jean-Pierre Cometti, Pascal Engel, Jean Dhombres, Paul Bourgine, Jean Petitot, Pierre Jacob, Jocelyn Benoist, Hourya Benis-Sinaceur, Olivier Darrigol, Claude Debru, Jean-Jacques Szczeciniarz, Frédéric Nef, Dan Sperber, ... C'est aussi plus d'une vingtaine d'école doctorale, dont notamment l'ED 400. C'est encore des sociétés savantes comme la SPS ou la SFHST), des listes de diffusion comme Theuth...

[modifier] Courants épistémologiques et auteurs

Voir les articles sur Aristote, Bachelard, Canguilhem, Cercle de Vienne, Descartes, Duhem, Feyerabend, Hacking, Kant, Koyré, Kuhn, Lakatos, Laplace, Lecourt, Guillaume d'Ockham, Poincaré, Popper, Quine, Rand, Stengers, entre autres.

[modifier] Annexes

[modifier] Articles connexes

[modifier] Par champ scientifique

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

[modifier] Sources

[modifier] Notes et références

  1. Nadeau, p. 209
  2. Wagner, p. 42
  3. Soler, p. 29
  4. On peut ainsi signaler l'existence d'une "épistémologie des affects" développée par un philosophe français, Pascal Nouvel
  5. Dictionnaire historique de la langue Française, p. 710
  6. « It was only through Kant, the creator of modern Epistemology, that the geometrical problem received a modern form » (Bertrand Russell, An Essay on the Foundations of Geometry, Routledge, 1996 [1897], p. 11, trad. in Wagner, p. 39)
  7. Wagner, p. 38
  8. reproduit in Wagner, p. 40
  9. Wagner, p. 39
  10. Wagner, p. 41
  11. Maître de conférences en informatique et en épistémologie, IUFM de Poitou-Charentes