Test de Rorschach

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La première planche parmi les dix du test de Rorschach
La première planche parmi les dix du test de Rorschach

Le test de Rorschach ou psychodiagnostik, décrit par le psychiatre et psychanalyste Hermann Rorschach en 1921, est à la base de la psychologie projective. Il consiste en une série de taches symétriques qui sont proposées à la libre interprétation du sujet dont les réponses fourniront matière à l'étude de sa personnalité. Selon Nina Rausch de Traubenberg « Les méthodes projectives sont un lieu où la théorie s'incarne dans un discours. »

Les planches sont au nombre de 10, sept sont dites noires tandis que trois sont dites de couleur. Cependant, dans les planches noires, on compte deux planches utilisant le rouge. Toutes les planches comportent des nuances, du gris clair au noir, de la couleur vive à la couleur pastel.

Les résultat se donnent sous forme de chiffres comparés à une moyenne, ça s'appelle le psychogramme et par un résumé de l'analyse qualitative - la plus importante - qui repose sur l'analyse des réponses en fonction des divers types d'angoisses, des relations d'objet et des défenses (psychotiques, névrotiques, borderline). En général la passation est faite avec celle du T.A.T. et, parfois du Weschsler dans le cadre d'un examen psychologique.

Pour certains et dans un esprit polémique, le test de Rorschach est considéré comme pseudo-scientifique[1] par les sceptiques, différents travaux tendant à prouver que les conclusions du psychothérapeutes utilisant ce test relevait le plus souvent de la lecture froide[2].

Sommaire

[modifier] L'utilisation du test de Rorschach en psychologie clinique

Le test de Rorschach, par sa nature même, fait appel à la fois à la sensorialité du sujet, et à son inconscient (à travers l'interprétation libre des taches).

Le discours du sujet, ses interprétations, sont ainsi analysées par le clinicien afin de dégager des éléments pertinents quant à l'évaluation du psychisme du sujet : structure psychopathologique (névrose, psychose, état limite), mécanismes de défense privilégiés, thèmes récurrents,...

Le Rorschach est ainsi le plus souvent utilisé comme outil diagnostic avec le TAT (Thematic Apperception Test) dans une démarche intitulée examen psychologique qui se conclut par un rapport d'analyses avec conclusion. L'examen psychologique sert au diagnostic, à l'indication d'un traitement : psychothérapie psychanalytique en particulier, ou encore à étayer le travail d'expertises (justice, assurances, etc). L'examiné doit être dûment informé du contexte et de ce à quoi l'examen servira. Utiliser les méthodes projectives dans des contextes imprécis ou pour satisfaire la curiosité des uns ou des autres n'est pas déontologique !

[modifier] La passation du test

Le psychologue clinicien présente au sujet les dix planches du test, à l'endroit et dans un ordre déterminé (d'abord, une noire, puis 2 bicolores (rouge/noire), 4 noires et enfin les 3 polychromes). Les avis divergent en ce qui concerne la consigne à passer au sujet : l'éventail va du « ne rien dire », à une consigne plus détaillée pour rassurer le patient. Le patient peut appréhender le matériel comme il le souhaite : retourner les planches, les regarder dans la transparence...

Le sujet doit ainsi dire ce qu'il voit dans les taches, sans aucune restriction. Le clinicien note scrupuleusement les dires du sujet, aussi bien ceux qui concernent les taches proprement dites que les dires en marge, qui constituent une libre association à partir du matériel présenté.

[modifier] L'enquête

Une fois interprétées toutes les taches, le clinicien représente les planches une par une, afin de déterminer les endroits précis où le sujet a vu les formes qu'il a annoncées lors de la passation. Les localisations sont en effet très importantes pour la cotation du protocole.

C'est en général au moment de l'enquête que le sujet se relâche, apportant alors du matériel supplémentaire, brodant souvent sur ses propres interprétations.

[modifier] La cotation du protocole

On appelle protocole l'ensemble des interprétations du sujet, analysées par le clinicien. Celui-ci a, à partir des éléments de l'enquête, la charge de noter en regard de chaque interprétation sa localisation, la teneur de l'interprétation (un chat en planche VII par exemple), les retournements, le temps passé sur chaque planche. On note aussi les temps de latence entre la présentation de la planche et la première réponse, ce qui permet de déceler les chocs émotionnels éventuellement induits par la tache.
La cotation s'effectue en dehors de la présence du sujet, une fois le test terminé.

Tous les éléments sont importants.

  • Les localisations des réponses : des formes peuvent être vues dans des détails des planches, ou l'ensemble de la planche peut être interprétée par le sujet. Il existe des statistiques sur l'utilisation des localisations, qui représente la moyenne des passations : une prédilection pour les petits détails, ou pour les détails originaux, que peu de personnes voient, se prêtera à l'analyse car ne correspondant pas à la moyenne.

On appelle mode d'appréhension le résultat de la moyenne des localisations. Un mode d'appréhension en détails peut suggérer une isolation de type obsessionnelle ou un morcellement psychotique.

  • Les déterminants : c'est ce qui a déterminé la réponse du sujet. Les déterminants utilisés sont la forme, la couleur, l'estompement (les nuances qui peuvent faire penser à des nuages ou des vagues par exemple), et les kinesthésies. Le terme de kinesthésie recouvre les réponses où le sujet a vu un mouvement, qui peut être sous-tendu par une forme (« ici je vois un bonhomme qui danse »), ou bien perçu vaguement et de manière abstraite (« ça tourbillonne »). On distingue les kinesthésies humaines (où le mouvement appartient à un sujet humain ou parahumain) et les kinesthésies mineures (animales ou abstraites).

Le quotient des déterminants est important pour l'établissement du psychogramme : l'utilisation privilégiée de certains déterminants peut fournir certaines informations. Ainsi, les déterminants de couleur, sont traditionnellement associés à la pulsion.

On distingue les déterminants en fonction de leur pertinence : une forme ou une couleur peut être cotée + ou - selon qu'elle s'appuie ou non sur le réel ("ici, je vois une araignée parce que c'est bleu", en planche X).

  • Les contenus : les taches des planches font l'objet d'un certain consensus au sujet de leur capacité à faire appel à des contenus inconscients. Ainsi, la planche IV est dite planche phallique : sa conformation fait appel à la problématique du phallus et de la castration, à l'image du père. La planche V fait appel à l'image de soi et à l'image du corps. On note donc les contenus amenés par le sujet, ses réponses, et on les met en relation avec le matériel lui-même : une absence totale de réponses à la planche V suggère des difficultés identificatoires, voire une problématique psychotique.

On tente de repérer également les contenus récurrents, et on cote certains contenus particuliers faisant appel à l'anatomie, au sang, au sexe.

On note également le nombre de banalités : à certaines planches correspondent des réponses très souvent vues par les sujets (par exemple : chauve-souris à la planche V). L'absence de banalités est à considérer.

  • On note enfin les différents temps, temps de latence et temps total, temps moyen de réponse, ainsi que le nombre de réponses. Un temps de latence long peut indiquer un choc : le sujet réagit à la tache par une sidération, un arrêt du processus de pensée, dû à l'émergence de motions pulsionnelles intenses. Un nombre restreint de réponses peut suggérer un ralentissement de la pensée, un blocage de la capacité fantasmatique, une défense intense. Un nombre très élevé de réponses suggère une fuite des idées, une défaillance du processus secondaire,...

Les éléments cotés sont à considérer en interaction, aucun ne s'analyse seul ni ne suffit à porter un diagnostic.

[modifier] Le psychogramme

On note sur la feuille de psychogramme les différents chiffres pour les modes d'appréhension, les déterminants et les contenus. On effectue aussi leur moyenne pondérée et on indique leur pourcentage par rapport au total des réponses.
Sur le psychogramme peuvent aussi apparaître :

  • Le type de résonance intime (rapport des déterminants couleur et kinesthésie),
  • L'indice d'angoisse, obtenu en faisant la moyenne sur cent des contenus sang, anatomie, sexe et détail humain (bras, jambe, nez... vu seul).

[modifier] Controverse autour de la validité psychométrique du test

Pour certains psychologues, esentiellement issus du behaviorisme, du positivisme et néo-positivisme, le test de Rorschach n'a pas de valeur démontrable.

Ils pensent qu'en dépit de près de 70 ans de tentatives, et de nombreuses versions du protocole d'interprétation du test de Rorschach, il apparaît très clairement que ni la validité, ni la cohérence des mesures du test n'ont été prouvées par des procédures psychométriques acceptées par certains auteurs dont (Wood et al, 1999, 2000;Eysenck, 1959). Ils y préférent des questionnaires rédigés en collaboration avec des maisons pharmaceutiques, remplis en salles d'attente par les patients ou un stagiaire en manque d'occupation. Ce choix vient du fait que dans un questionnaire, on peut compter les réponses (donc les prendre au pied de la lettre !) et en tirer de magnifiques diagrammes statistiques qui sont sensés donner la vérité.

Une seule tentative aurait été couronnée d'un modeste succès dans les années 1970, par Holley (1973) et à titre exploratoire seulement, grâce a une étude utilisant une analyse de type Q (qui se focalise sur la cohérence des cas, plutôt que sur celle des questions).

Rorschach est décédé 4 ans après le premier essai, il avait bien prévenu que ces essais n'étaient pas tout à fait fiables et qu'il fallait encore travailler dessus.

Le test de Rorschach continue cependant de provoquer des polémiques, certains, tels Paul Kline (1983, 2000), y voyant un moyen unique de recueillir des informations riches et diverses qui font appel à la subjectivité du clinicien, les autres n'y voyant qu'un moyen efficace de briser la glace lors d'un test clinique, faute de validité prouvée (certains allant même jusqu'à répondre à Kline que l'astrologie ou la cartomancie répondent aux mêmes critères que le test de Rorschach sous cet angle).

On a tenté de démontrer que plusieurs problèmes intrinsèques au test ont été trouvés au cours des années, en particulier la variance des autres scores du tests qui était largement dépendante de la valeur du R (autrement dit le nombre de réponses à une planche), le problème serait que plus le sujet donne de réponses, plus il a des chances qu'une de ses réponses soit catégorisée dans l'un des "gros lots" diagnostics du test -par exemple une catégorie psychotique (Holtzmann et al, 1961).

Certains protocoles standardisés -en particulier le Comprehensive system ou CS (Exner, 1974) ont également montré une forte variance des résultats selon la culture de la population examinée. Ainsi, au moins deux études ont démontré que des populations telles que les indiens d'Alaska ou les noirs urbains d'Amériques presentaient des caractéristiques très déviantes de la norme du protocole (Krall et al, 1983; Glass et al, 1996).

D'autres part, la norme CS a été critiquée comme pas suffisamment discriminante, diagnostiquant ainsi un nombre inhabituellement important de cas pathologiques (Lilienfeld et al, 2000; Shaffer et al, 1999)

Le débat n'est pas clos et il se raspporte à une lutte entre tenant d'une clinique psychopathologique et ceux qui défendent exclusivement un objectivation des propos des patients sur des normes et une idéologie [3] statistiques.

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

[modifier] En français

  • Hermann Rorschach, Psychodiagnostic, PUF , PUF, 1993, ISBN 2130455611
  • Roland Kuhn, Phénoménologie du masque à travers le test de Rorschach, Desclée de Brouwer, 1999, ISBN 2220032744
  • Frieda Rossel, Odile Husain, Colette Merceron, Phénomènes particuliers au Rorschach : Volume 1, Une relecture pointilliste, Payot Lausanne, 2005, ISBN 2601033487
  • Frieda Rossel, Odile Husain, Colette Merceron, Psychopathologie et polysémie, Payot-Lausanne, 2001, ISBN 2601032057
  • Didier Anzieu, Catherine Chabert, Les méthodes projectives, PUF-Quadridge, 2004, ISBN 2130535364
  • Catherine Chabert, Le Rorschach en clinique adulte, Dunod, 1997, ISBN 2100035029
  • Catherine Chabert, Psychanalyse et méthodes projectives, Dunod, 1998, ISBN 2100035681
  • Catherine Chabert, Psychopathologie à l'épreuve du Rorschach,Dunod, 1998, ISBN 2100038370
  • Sous la direction de René Roussillon, C. Chabert, P. Roman: Les méthodes projectives en psychopathologie, in "Manuel de psychologie et de psychopathologie clinique générale", Ed.: Masson, 2007, ISBN 9782294049569
  • Exner, J.E. Le Rorschach: un système intégré, théorie et pratique (The Rorschach, a comprehensive system), 1995 (trad. fr.) ISBN 2-87671-143-5
  • Marianne Baudin, Cliniques projectives, Hermann, 2008 ISBN 97822705665579
  • Nina de Traubenberg, la pratique du rorschach

[modifier] En anglais

  • What's wrong with this picture? Scientific American, May 2001
  • Beck, S. J. (1959). Rorschach Reviews. In O. K. Buros (Ed.), The Fifth Mental Measurement Yearbook. Highland Park, NJ: The Gryphon Press.
  • Clark, C. M., Veldman, D. J., & Thorpe, J. S. (1965). Convergent and Divergent Thinking if talented adolescent. Journal of Educational Psychology(56), 157-163.
  • Exner, J. E. (1974). The Rorschach: A comprehensive system. Volume 1. New York: Wiley.
  • Eysenck, H. J. (1959). Rorschach Reviews. In O. K. Buros (Ed.), The Fifth Mental Measurement Yearbook. Highland Park, NJ: The Gryphon Press.
  • Glass, M. H., Bieber, S. L., & Tkachuk, M. J. (1996). Personality styles and dynamics of Alaska native and non-native incarcerated men. Journal of Personality Assessment, 66(583-603).
  • Holley, J. W. (1973). Rorschach Analysis. In P. Kline (Ed.), New Approaches in Psychological measurement. London: Wiley.
  • Holley, J. W., & Risberg, J. (1972). On the D estimate of discriminatory effectiveness. Psychological Research Bulletin, XI(15), 1-13.
  • Holtzman, W. H. (1981). Holtzman Inkblot Technique. In A. E. Rabin (Ed.), Assessment with projective Techniques. New York: Springer.
  • Holtzman, W. H., Thorpe, J. S., Swartz, J. D., & Herron, E. W. (1961). Inkblot perception and personality. Austin, TX: University of Texas Press.
  • Holtzman, W. H., Thorpe, J. S., Swartz, J. D., & Herron, E. W. (1968). Inkblot Perception and Personality: Holtzman Inkblot Technique. Austin: University of Texas Press.
  • Kline, P. (1993). Personality: the psychometric view. London: Routledge.
  • Kline, P. (2000). Handbook of Psychological Testing: Routledge.
  • Krall, V., Sachs, H., Lazar, B., Rayson, B., Growe, G., Novar, L., & O'Connell, L. (1983). Rorschach norms for inner city children. Journal of Personality Assessment, 47, 155-157.
  • Lilienfeld, S. O., Wood, J. M., & Garb, H. N. (2000). The scientific status of Projective Techniques. Psychological Science in the Public Interest, 1(2), 27-66.
  • Meyer, G. J. (1992). The Rorschach's factor structure: A contemporary investigation and historical review. Journal of Personality Assessment, 60, 153-180.
  • Rorschach, H. (1921). Psychodiagnostics. Berne: Hans Huber.
  • Shaffer, T. W., Erdberg, P., & Haroian, J. (1999). Current Non-Patient Data For the Rorschach, WAIS-R, and MMPI-2. Journal of Personality Assessment, 73, 305-316.
  • Vernon, P. E. (1963). Personality Assessment. London: Methuen.
  • Wood, J. M., & Lilienfeld, S. O. (1999). The Rorschach Inkblot Test: A case of overstatement? Assessment, 6, 341-349.
  • Wood, J. M., Lilienfeld, S. O., Garb, H. N., & Nezworski, M. T. (2000). The rorschach test in clinical diagnosis: a critical review, with a backward look at Garfield (1947). Journal of Clinical Psychology, 56, 395-430.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. What's wrong with this picture? Scientific American, May 2001
  2. The Rorschach Inkblot Test, Fortune Tellers, and Cold Reading de James M. Wood, M. Teresa Nezworski, Scott O. Lilienfeld, & Howard N. Garb.
  3. Thierry Foucart: Statistique et idéologies scientifiques [1]