Tables Claudiennes

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Les tables Claudiennes sont une très grande plaque de bronze, retrouvée à Lyon en 1528, brisée en quatre morceaux, dont deux seulement sont parvenus jusqu'à nous, qui retranscrit un discours de l'empereur Claude. L'appellation au pluriel est traditionnelle[1], mais il serait sans doute plus exact de parler de la table Claudienne.

Sommaire

[modifier] Circonstances

La table Claudienne porte la retranscription du discours que l'empereur Claude fit au Sénat romain en 48. Il répondait à une probable requête du Conseil des Trois Gaules auprès du pouvoir romain, sollicitant l’octroi aux notables de la Gaule chevelue du droit de cité complet, leur ouvrant l’accès aux magistratures romaines et au Sénat[2]. Une réponse positive — partielle — fut donnée aux Éduens, et par la suite élargie aux autres peuples de la Gaule chevelue.

La copie sur une plaque de bronze de ce discours, témoin de l'avancée politique en faveur des notables provinciaux, fut probablement conservée dans le sanctuaire fédéral des trois Gaules.

[modifier] Histoire d'une découverte

Le sanctuaire est abandonné après la chute de l'Empire romain. Ce n'est qu'au XIIe siècle que la frénésie immobilière pousse les habitants à s'approvisionner en pierres de taille, briques, bronzes et marbres (utilisés pour la fabrication de la chaux) sur ce qui s'appelle alors la « coste-Saint-Sébastien ». L'archéologue lyonnais Amable Audin explique que la plaque aurait pu alors être fendue en deux dans la moitié supérieure pour être emmenée à la fonte[3]. À ce jour, la densité du bâti à l'emplacement où la plaque a été découverte empêche toute fouille. C'est à cette période que l'emplacement est désigné par le toponyme Périer.

Ce n'est qu'en 1528 que Roland Gribaux, marchand drapier, décide de bâtir une maison de campagne à l'emplacement d'une vigne, « la Vinagère », qu'il possède au Périer. Il la fait arracher, et minant le sol, il découvre les deux fragments de bronze de la plaque. Claude Bellièvre, amateur d'art antique et collectionneur, est informé de cette découverte et fait acquérir la table par la ville pour cinquante-huit écus soleil (ou écus d'or). Il fait également promettre à Gribaux de l'informer s'il découvrait les autres fragments que celui-ci s'engage à réserver à la ville. Placée dans la Maison de Ville alors située rue de la Fromagerie, la table est déplacée entre 1605 et 1657 à l'ancien Hôtel Commun, aujourd'hui musée de l'imprimerie, rue de la Poulaillerie. Entre 1657 et 1804, elle est affichée dans le nouvel Hôtel de ville situé place des Terreaux. Pour le bimillénaire de la fondation de la cité, célébré en 1958, la table est présentée au musée des Beaux-Arts où elle avait été installée depuis le Premier Empire, avant de rejoindre le dépôt provisoire qui précède la construction du musée gallo-romain de Fourvière en 1974 où elles sont désormais exposées[4].

[modifier] Description et typographie

La table est une plaque de bronze pesant 222,5 kg, coulée à plat[5], de 193 cm de large, de 139 cm de haut pour ce qui subsiste, épaisse de 8 mm. Le texte est gravé en deux colonnes, une sur chaque fragment, d’une quarantaine de lignes (39 lignes à gauche, 40 à droite, la première étant très mutilée). Il manque les premières lignes du titre et du début du texte, et le haut de la seconde colonne[4].

La plaque mesurait à son origine environ 2.5 m de hauteur et devait comporter soixante-dix lignes environ[6]. On estime son poids total d’origine à 500 kg, et la notice du musée suppose que cette plaque se serait brisée sous son propre poids lors de sa fixation initiale[5].

La découpe horizontale forme une ligne continue en feston au sommet des deux fragments placés côté à côte, elle pourrait donc être intervenue avant la découpe verticale, qui est irrégulière et qui mord sur les caractères de la colonne gauche.

Les lettres mesurent 2 cm de hauteur[7]. à l’exception de certains « I », dont la barre de sommet dépasse de quelques millimètres, dans des mots brefs comme QVIS, FINES, VOBIS. Les lettres sont gravées au burin[5] avec régularité, la marge droite de chaque colonne s’aligne à la verticale, avec un léger retrait à gauche pour marquer les débuts de paragraphe, tandis que la marge gauche est moins régulière, malgré des coupures de mots avec report à la ligne suivante. Selon un usage fréquent dans les inscriptions latines, le texte est rédigé en majuscules sans espace séparateur entre les mots. Ceux-ci sont séparés par un point marqué au poinçon triangulaire, à mi-hauteur de la ligne, après la dernière lettre du mot, sauf s’il s’agit d’une lettre arrondie comme O, C, D, qui entourent le point.

[modifier] Texte

Le texte de Claude accumule des arguments avec des transitions un peu maladroites. Son début réfute selon tout vraisemblance un argument qualifiant la proposition de dangereuse innovation ; il développe la nécessité de l’innovation politique et rappelle l’histoire des premiers rois de Rome. Il donne des précisions sur Servius Tullius, dont son nom étrusque Mastrana, inconnu des autres sources littéraires. Il résume ensuite l’évolution des magistratures républicaines, et amorce une transition qui lui permet d’évoquer sa conquête de la Bretagne : « si je racontais toutes les guerres, [..], je craindrais de paraître trop orgueilleux et de chercher à afficher la gloire d’avoir étendu notre empire au-delà de l’Océan. Mais je vais revenir plutôt à mon sujet. » Après une lacune correspondant au début de la seconde colonne, Claude cite le cas de Vienne qui a fourni des sénateurs, désigne parmi l’assemblée des sénateurs originaires de Lyon[8]. Enfin Claude rappelle la fidélité de cent ans des Gaulois, même pendant les guerres de Germanie ou les opérations de recensement, difficiles à mener car « la difficulté de ces opérations, [..], l’expérience ne nous l’apprend que trop, tout particulièrement en ce moment ». Cette dernière réflexion est précieuse car elle précise la date du discours, sous la censure de Claude dans les années 47-48. Elle constitue aussi la conclusion du discours, abrupte au point qu’on a avancé l’hypothèse qu’une autre table portant le décret du Sénat accompagnait le discours de Claude[4].

Tacite, dans ses Annales [9], a condensé ce discours un peu embrouillé et l’a recomposé dans un style plus rhétorique, selon l’habitude littéraire des auteurs anciens. Il explique que les Éduens obtinrent les premiers le droit de siéger au sénat de Rome, cette faveur étant accordée à l'ancienneté de leur alliance et au fait que, seuls parmi les Gaulois, ils portaient le titre de frères du peuple romain.

La table Claudienne nous confirme aussi certains de traits de la personnalité de Claude rapportés par Suétone, comme une tendance à s’exprimer avec confusion et une expérience des études historiques[10]  : le discours de Claude montre une culture étendue et des connaissances historiques pointues sur les Étrusques, tandis que le fil du discours témoigne d’une suite de ses idées pas toujours évidente[11].

[modifier] Muséographie

Les tables Claudiennes sont exposées au Musée gallo-romain de Fourvière de Lyon. Il est également possible d'en voir une copie moulée dans la cour d'honneur du musée de l'Imprimerie (Lyon).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Références

  1. Par exemple, la rue de Lyon proche de la découverte porte le nom de Rue des Tables-Claudiennes
  2. Selon Jérôme Carcopino, ce Conseil se serait réuni le 1er août 48 à Lugdunum, puis aurait envoyé une délégation à Rome présenter sa requête – hypothèse rapportée par André Pelletier, Histoire et Archéologie de la France ancienne – Rhône Alpes, édition Horvath, 1988, (ISBN 2717105601), p 29
  3. Amable Audin, Lyon, miroir de Rome dans les Gaules, Résurrection du Passé, Fayard, 1965,p. 91
  4. abc François Bérard, Claude empereur né à Lyon, article paru dans Rencontres en Gaule romaine, 2005, Infolio éditions, (ISBN 2-88474-1186-)
  5. abc Notice du musée gallo-romain de Fourvière
  6. Amable Audin, Lyon, miroir de Rome dans les Gaules, Résurrection du Passé, Fayard, 1965,p. 91
  7. Anne-Catherine Le Mer, Claire Chomer, Carte archéologique de la Gaule, Lyon 69/2, pp. 304 à 306
  8. La mention de sénateurs lyonnais ne doit pas étonner : Lyon ou plutôt Lugdunum avait le statut de colonie romaine, donc ses notables jouissaient de la citoyenneté romaine complète, ouvrant l’accès aux magistratures et au Sénat
  9. Tacite, Annales, XI, 23-24; traduction de Pierre Grimal, Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1990, (ISBN 2070111768)
  10. Suétone, Vie des Douze César, Claude, 4 ; 41-42
  11. Paul Petit, Histoire générale de l’Empire romain, Seuil, 1974, (ISBN 2020026775), p 85

[modifier] Liens externes

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