Roberto de Nobili

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Roberto de Nobili (Montepulciano, Toscane, Italie, 1577 - Mylapore, 16 janvier 1656) était un Jésuite italien, missionnaire dans l'Inde du sud par le moyen de la stratégie d'inculturation de la Compagnie de Jésus. Il fut probablement le premier européen à maîtriser le sanskrit et le tamoul, langue dans laquelle il écrivit vingt-et-un ouvrages religieux.

Sommaire

[modifier] Formation et arrivée en Inde

Roberto de Nobili naît en 1577 d'une famille prospère apparentée à deux papes et influente à Rome. Promis à un brillant avenir dans les hautes sphères de l'Église catholique, il rejoint cependant la Compagnie de Jésus qui lui offre une solide éducation en sciences, métaphysique et logique avant de l'envoyer en poste en Inde. Avant son arrivée dans le sous-continent, il débarque à Goa le 20 mai 1605, les efforts missionnaires se cantonnent aux aires contrôlées par les canons portugais, essentiellement des régions côtières. Après une brève période dans la région de Cochin, Nobili est chargé d'expérimenter les conversions dans les zones intérieures et, par suite envoyé, à Madurai.

Lorsque Nobili arrive dans la grande cité du Sud, il remarque que le Jésuite qui l'y avait précédé depuis une dizaine d'années n'avait pas eu beaucoup de succès. Il s'interroge alors sur les raisons de cet échec et mène une enquête de quelques semaines qui lui fait réaliser la chose suivante : comme toujours en Inde, les hommes sont finement observés de façon à déterminer la caste à laquelle ils appartiennent et la conclusion était que, consommant de la viande, les étrangers ne pouvaient être que de basse caste. Les hindous en tirèrent comme conclusion que devenir chrétien sous-entendait abandonner sa caste pour une autre plus basse et les conversions ne touchaient ainsi aucun membre des castes supérieures.

[modifier] Le Jésuite se fait sâdhu

Nobili observa aussi qu'il existait une catégorie d'Indiens, les sâdhus, qui vivaient une vie austère de renoncement et de dévotion et qui jouissaient d'un grand respect de la part de toutes les castes. Il entrevit que mener la vie d'un sâdhu lui permettrait de toucher toutes les castes avec efficacité mais ne franchit pas le pas. Jouant sur le prestige de sa famille, il se présenta alors comme un kshatriya, un membre de la caste des guerriers obtenant ainsi une identité lisible pour les hindous. Sa stratégie se révéla payante, paraissant moins étranger, il commença à nouer des contacts avec quelques hindous de haute caste auprès desquels il accrut sa culture de l'Inde. Nobili réalisa cependant que son statut de kshatriya mettait hors de sa portée les brâhmanes, la caste qui représentait sa cible principale. Il se rappela alors que les renonçants avaient un statut particulier de sainteté qui leur permettait de fréquenter toutes les castes, y compris les brâhmanes. Il renonça alors à sa position de kshatriya, revêtit une tenue safran, chaussa des soques de bois, se munit d'un kamandalu, le pot à eau des ascètes, se construisit une petite hutte, abandonna la consommation de viande et d'alcool, s'assura des services d'un cuisinier brâhmane et refusa dorénavant tout contact avec les autres chrétiens locaux. Aux yeux inquisiteurs de tous, il fut bientôt reconnu comme un saint homme à la mode indienne. Ce faisant, il s'attira l'animosité des Européens et les moqueries des autres Jésuites et dut même quitter un temps sa mission pour se faire ermite, mais il garda cependant la confiance de ses supérieurs.

Comme sâdhu, il était supposé se plonger dans l'étude, ce qui a toujours été un objectif des Jésuites, et enseigner le chemin de la libération. C'était pour lui la position idéale pour étudier en profondeur l'hindouisme et les langues locales. Il devint un excellent locuteur en tamoul et un connaisseur de sa littérature, mais il restait cependant un obstacle à sa pénétration de l'âme indienne et de ses écritures saintes, son ignorance du sanskrit, la langue réservée aux brâhmanes. La chance aida Nobili qui rencontra alors, Shivadharma, un étudiant brâhmane en sanskrit qui accepta de lui enseigner cette langue et qui lui offrit même une copie des Veda, au péril de sa vie. Il allait maintenant pouvoir adapter le message chrétien en le rendant compréhensible aux Indiens car véhiculé par les concepts qui leur étaient familiers. Il ne lutta pas contre le système des castes, permettant ainsi aux brâhmanes nouvellement convertis de conserver leur cordon. Chaque fois qu'un problème culturel ou religieux se présentait, Nobili se plongeait dans les écritures chrétienne et hindoue avant de prendre une décision qui pouvait avoir un impact sur la communauté hindoue. Ainsi, il ne condamna pas le rite de la satî comme tous les autres Européens, rite dont il fut témoin lorsque les quatre cents épouses du Nayak de Madurai se jetèrent dans son bûcher funéraire. Il adapta aussi la fête du pongal pour ses convertis, remplaçant la statue habituelle de la divinité par une croix plantée à cette effet et bénissant le riz de la nouvelle récolte. Il prend aussi le nom de Tattuva Bodhakar, le guru du Réel.

[modifier] L'Église s'interroge

La plus grande opposition au travail missionnaire de Nobili ne vint pas des brâhmanes mais des représentants de son Église à Goa, car si les méfaits et les bienfaits de sa stratégie étaient discutés jusqu'à Rome, c'est là que résidaient ses plus féroces ennemis. Il y fut accusé de déformer le message de la foi chrétienne, de mélanger cérémonies et rites païens. Nobili rédigea alors un document pour se défendre. Le pape Grégoire XV institua une commission pour juger toutes les pièces du dossier et celle-ci décida, après treize ans de réflexion, que les aménagements comme ceux de Nobili étaient justifiés pour répandre le christianisme en Afrique et en Orient.

Il fut cependant déplacé par l'Église à Jaffna à Ceylan puis à Mylapore, un quartier de la future Madras, où il conserva ses habitudes de sâdhu jusqu'à la fin, refusant les bouillons de poulet qu'on s'évertuait à lui présenter pour améliorer sa santé et se laissant peut-être jeûner à mort suivant l'habitude des jaïns. Il ne retourna jamais à Madurai où il souhaitait mourir. Nul emplacement à Madras, à Madurai ou même à Salem où il fit des conversions, n'indique sa tombe et son souvenir y a complètement disparu.

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[modifier] Articles connexes

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