Rhinocéros (Ionesco)

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Rhinocéros d'Eugène Ionesco est une pièce de théâtre en trois actes, en prose, créée dans une traduction allemande au Schauspielhaus de Düsseldorf le 6 novembre 1959, publiée en français à Paris chez Gallimard la même année, et créée dans sa version française à Paris à l’Odéon-Théâtre de France le 22 janvier 1960.

Pièce emblématique du théâtre de l'absurde au même titre que La Cantatrice chauve, la pièce dépeint une épidémie imaginaire de "rhinocérite", maladie qui effraie tous les habitants d'une ville et les transforme bientôt tous en rhinocéros.

On l'interprète habituellement comme une métaphore de la montée du nazisme dans les années 30 ou de la collaboration en France durant la Seconde Guerre Mondiale.

Sommaire

[modifier] Personnages

Par ordre d'entrée en scène:

La Ménagère

L'Epicière

Jean

Bérenger

La Serveuse

L'Epicier

Le Vieux Monsieur

Le Logicien

Le Patron du café

Daisy

Monsieur Papillon

Dudard

Botard

Madame Boeuf

Un Pompier

Monsieur Jean

La Femme de Monsieur Jean


[modifier] Résumé

Cette pièce se divise en trois actes, chacun montrant un stade de l'évolution de la "rhinocérite".

  • Acte I

Dans l'acte I, les rhinocéros en liberté provoquent tout d'abord l'étonnement et choquent les personnages. Jean ne parvient pas à croire que ce qu'il a vu était réel, il énonce même clairement "cela ne devrait pas exister". L'épicier jette un cri de fureur (révolutionnaire) en voyant la ménagère partir avec son chat ensanglanté "Nous ne pouvons pas nous permettre que nos chats soient écrasés par des rhinocéros ou par n'importe quoi !". Comme à la montée de chaque mouvement fasciste, les gens sont tout d'abord effrayés.

  • Acte II

Les habitants commencent à se transformer en rhinocéros et à suivre la rhinocérite. C'est là que l'on relève les premières oppositions clairement marquées, selon Botard c'est "une histoire à dormir debout !", "c'est une machination infâme". Ce dernier ne veut pas croire en la réalité de la rhinocérite (comme certains ont pu nier la montée du nazisme)Mais pourtant lui aussi va se transformer en rhinocéros malgré ces préjugés, comme quoi même les plus résistants se font avoir par les beaux discours de la dictature . Les personnes commencent à se transformer en rhinocéros : c'est le cas de Monsieur Boeuf, rejoint ensuite par sa femme, "je ne peux pas le laisser comme ça" dit-elle pour se justifier. Les pompiers sont débordés, le nombre de rhinocéros augmente dans la ville. Ensuite, Jean, personnage si soucieux de l'ordre au départ et si choqué par la présence de rhinocéros en ville, se transforme lui-même en rhinocéros, sous les yeux désespérés de son ami Bérenger. On assiste ainsi à la métamorphose d'un être humain en rhinocéros. Jean est tout d'abord malade et pâle, il a une bosse sur le front, respire bruyamment et a tendance à grogner. Puis il verdit de plus en plus et commence à durcir, ses veines sont saillantes, sa voix devient rauque, sa bosse grossit de plus en plus pour former une corne. Jean refuse que son ami appelle un médecin, il parcourt sa chambre tel une bête en cage, sa voix devient de plus en plus rauque et Jean émet des barrissements. Selon lui, il n'y a rien d'extraordinaire au fait que Boeuf soit devenu rhinocéros, "Après tout, les rhinocéros sont des créatures comme nous, qui ont le droit à la vie au même titre que nous !", lui qui était si cultivé, si littéraire, il proclame soudain "l'humanisme est périmé ! Vous êtes un vieux sentimental ridicule."

  • Acte III

Enfin, à l'acte III, tout le monde devient rhinocéros, même Daisy (la petite amie de Bérenger) et Dudard (un collègue de travail). Bérenger est le seul à réagir humainement et à ne pas trouver cela normal. Il s'affole et se révolte contre la rhinocérite. Dudard miniminise la chose puis devient rhinocéros car son devoir est "de suivre [ses] chefs et [ses] camarades, pour le meilleur et pour le pire". Et Daisy refuse de "sauver le monde" pour finalement suivre les rhinocéros qu'elle trouve soudainement beaux, dont elle admire l'ardeur et l'énergie. Finalement, après beaucoup d'hésitation, Bérenger décide de ne pas capituler : " Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas !"

[modifier] Interprétation

Il s'agit d'une fable dont l'interprétation reste ouverte. L'une de ces interprétations peut-être plus évidente serait la dénonciation de tous les régimes totalitaires (nazisme, stalinisme et autres) et du comportement de la foule qui suit sans rien dire, du stéréotype (d'où la métaphore avec un rhinocéros), par peur de ce régime. Ionesco dénoncerait plus particulièrement l'attitude des Français aux premières heures de l'Occupation. Il dénoncerait aussi le fait que tous les totalitarismes se confondent pour attenter à l'humaine condition et transformer en monstre le meilleur des hommes, que ce soit les intellectuels (représentés par "le Logicien"), ou même les personnes comme Jean, épris d'ordre. Bérenger, dont le spectateur découvre la mutation tout le long de la pièce, lui, est le seul à résister face à l'épidémie de "rhinocérite". C'est le seul à avoir des réactions normales face à cette épidémie : « Un homme qui devient rhinocéros, c'est indiscutablement anormal ». Il représente la résistance qui, petit à petit, se forme lors de la Seconde Guerre mondiale. Ionesco utilise, dans son œuvre, l'absurde et le comique, pour accentuer ces faits. Quand Ionesco écrit cette pièce, Ceauşescu est au pouvoir dans son pays, la Roumanie. Dans Rhinocéros, il souhaite aussi dénoncer ce qui se passe dans son pays.

Une satire sur les comportements humains et leur influence face à la montée d’une idéologie :

Il ressort bien qu’un phénomène minoritaire mais violent entraîne l’incrédulité des habitants qui le rejettent dans un premier temps ; cependant ce rejet est suivi d’une indifférence quand le phénomène s’amplifie, les gens commençant à s’habituer à ce qui les repoussaient. Un point crucial mis en avant par Ionesco est la passivité du peuple qui assiste à cette montée en puissance.

Par la suite un basculement important s’opère à savoir l’extension du mouvement qui rallie de plus en plus de personnes ; Ionesco souligne bien la capacité d’un tel phénomène à rallier des gens différents autour d’un thème central (ici la sauvagerie) et le fait qu’il profite des frustrations et autres déceptions de chacun.

Enfin, une fois le phénomène étendu, l’auteur suggère l’uniformité, la masse ayant adhéré en totalité, ne restant qu’une seule personne, celle dont justement on raillait la rêverie et l’inaction, pour résister et s’opposer lucidement face à cette folie collective.

Métaphore des systèmes totalitaires et des idéologies émergentes, le Rhinocéros est en quelque sorte un témoignage du comportement humain face à un mouvement extrémiste : la peur, le rejet puis l’habitude, la passivité et enfin la conversion de tout un chacun qui s’y retrouve et peut y exprimer ses frustrations profondes.

Cette pièce est aussi une démonstration du conditionnement inhérent à la condition humaine et de la solitude de l’homme lucide.

[modifier] Originalité de l'œuvre

  • Le dérèglement du langage

Comme dans la plupart des pièces de Ionesco, l'auteur utilise pour symboliser une dérive d'un mode de pensée, un dérèglement de la parole. Ce dérèglement apparait à plusieurs reprises dans la pièce, mais le passage le plus significatif est le discours du logicien au vieux monsieur. En effet ce passage est une série de faux syllogismes utilisés par le logicien pour "séduire" le vieux monsieur et le convaincre de la grandeur de la logique.

  • Un esprit de système

On peut rapidement remarquer que les personnages présents dans la pièce (à l'exception de Bérenger) sont enfermés dans un esprit de système. En effet le logicien ne pense et n'analyse la situation qu'en utilisant la logique, laquelle lui permettrait de tout comprendre. Il ne peut réfléchir qu'en tant que logicien tout comme Monsieur Papillon qui ne pense qu'en tant que directeur. D'autre part on remarque que Jean est enfermé dans un esprit plein d'idées d'extrême droite (grandeur de la force, de la volonté) alors que Botard semble être d'extrême gauche. Ainsi Ionesco montre à travers cette caractéristique que tout esprit de système aboutit à l'acceptation de l'inacceptable (Dans la pièce, la transformation en rhinocéros)

[modifier] Autour de l'œuvre