Réappropriation

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Dans l'histoire du mouvement ouvrier, auquel il est généralement associé, le concept de réappropriation connaît diverses acceptions. Toutes, néanmoins, s'intègrent dans le cadre de l'anarchisme et des théories anti-autoritaires et autogestionnaires.

  • Ce terme peut tout d'abord désigner l'action de récupérer les richesses produites par la classe dominée[1]. En général, cette acception fonctionne en binôme avec le terme d'« expropriation », généralement utilisé par des anarcho-communistes, dont Emma Goldman et Pierre Kropotkine. Plus spécifiquement, il peut également désigner une modalité de lutte d'action directe et de lutte syndicale (anarcho-syndicaliste), qui traduit la reprise par les salariés eux-mêmes, et sous leur contrôle, des biens qu'ils ont eux-mêmes produits (et dont ils s'estiment dans ce cas les détenteurs légitimes). Bien que s'agissant de l'acception la plus ancienne, elle reste est toujours usitée en ce sens.
  • Il désigne enfin une notion utilisée dans le courant anti-industriel, lui-même gravitant, pour sa variante d'extrême-gauche dans le giron de l'anarchisme. Apparue dans les années 1990, il s'agit de l'acception la plus récente. La réappropriation sert alors à désigner tout processus – lorsqu'il est lié à une critique d'un état d'aliénation, de dépossession, de perte – de reprise en main d'une activité.

Le terme en arrive à traduire des pratiques toujours plus diverses et son usage sort parfois des cercles militants mentionnés plus haut. Suivant une acception élargie et descriptive, le terme de réappropriation comporte généralement deux versants : il peut tout aussi bien concerner des savoir-faire ou des pratiques spécifiques[2] que des modes de fonctionnement collectifs[3].

Face aux processus et aux logiques de dépossession dans des domaines perçus comme toujours plus nombreux et massifs, diverses personnes utilisent le concept de réappropriation dans un sens général, entendu alors comme processus intégral de « réappropriation de l'existence »[4].

[modifier] Notes et références

  1. Il a par exemple été utilisé en ce sens par les militants d'Action directe en France : une mention de cette acception se trouve par exemple dans le documentaire de Pierre Carles (coréalisé avec Georges Minangoy) Ni vieux, ni traîtres (2006).
  2. Par exemple, le bulletin Pour sortir de l'économie (n°1, déc. 2007, p. 3) relève que : « (...) ces expériences collectives de réappropriation [sont] de plus en plus nombreuses actuellement. Celles-ci concernent en effet un éventail impressionnant de sujets, comme l'alimentation locale (autoproduction, AMAP, jardins partagés) et l'auto-construction, les communautés intentionnelles plus ou moins politisées (squats, co-habitat, écovillages, communes insurrectionnelles pour l'autonomie, assemblées de quartier, etc.), les nouvelles formes de blocage de l'économie par l'occupation des routes, autoroutes, marchés, gares, l'organisation d'échanges et de relations relocalisés (SEL, RES, Cigale, etc.), l'aménagement durable de lieux pour l'autosuffisance écologique (permaculture), la propriété d'usage de ces lieux (CLIP), la santé (par la nutrition et les médecines douces), la sortie graduée ou définitive du salariat et du Travail (autoréductions et détournement du temps de travail), les sabotages contre le Travail et sa gestionnarisation, etc. »
  3. Pour illustrer cet aspect, on peut par exemple mentionner la volonté de la rappeuse Keny Arkana d'impulser des forums militants en marge de ses concerts ; ainsi déclare-t-elle dans un entretien : « Ces assemblées de quartier, c'est un outil à se réapproprier et à redynamiser, si on veut créer autre chose. On ne peut pas seulement pirater le système. On n'y arrivera pas en voulant simplement le détruire. Essayons dès maintenant de fonctionner autrement. Montrez au gens qu'on peut le faire, et au fur et à mesure, il s'effondrera de lui-même » (CQFD, n° 53, 15 février 2008, p. 10).
  4. On trouve cette acception dans l'explicitation de l'objectif du documentaire Volem rien foutre al païs de Pierre Carles, Christophe Coello et Stéphane Joxe : « Mis en demeure de choisir entre les miettes du salariat précaire et la maigre aumône que dispense encore le système, certains désertent la société de consommation pour se réapproprier leur vie. Ni exploitation, ni assistanat ! clament-ils pour la plupart. Ils ont choisi une autre voie, celle de l'autonomie, de l'activité choisie et des pratiques solidaires... » (jaquette du DVD). De même, Serge Latouche utilise ce terme en ce sens général lorsqu'il écrit : « La majeure partie du temps libre ne mène pas à une réappropriation de l'existence et ne constitue pas une échappée hors du modèle marchand dominant » (p. 130, in Petit traité de la décroissance sereine, Paris, éd. Mille et une nuits, 2007).

[modifier] Bibliographie

  • Bertrand Louart, Quelques éléments d’une critique de la société industrielle suivi d’une Introduction à la réappropriation…, 2003, 48 p.
  • René Riesel, Du progrès dans la domestication, Encyclopédie des nuisances, Paris, 2003, 84 pages.