Mémoire de l'eau

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La mémoire de l'eau est le nom donné à une controverse médiatique, commencée en 1988 après que le chercheur Jacques Benveniste a publié les résultats d'une étude selon laquelle l'eau qui a été en contact avec une substance conserve les propriétés de cette substance alors que celle-ci ne s'y trouve statistiquement plus. Depuis, aucune tentative de reproduction de cette expérience n'a donné de séries de résultats suffisantes pour confirmer cette hypothèse.

La controverse est initiée par un article publié par l'équipe du Dr Benveniste dans la revue Nature de juin 1988[1]. Cet article décrit la réaction de globules blancs au contact d'un anticorps et conclut que les globules blancs continuent de présenter des réactions alors que l'anticorps est dilué au point d'éliminer statistiquement toute molécule d'anti-IgE dans la solution. Jacques Benveniste et son équipe, membres respectés de la communauté scientifique jusqu'alors, disent avoir fait leur découverte scientifique en 1984 par accident.

Le résultat est présenté par les auteurs comme une confirmation potentielle du principe de dilution de l'homéopathie.

En 2001, un groupe de scientifiques dirigés par le Dr Madeleine Ennis annonce avoir obtenu des résultats conformes à ceux obtenus par Jacques Benveniste. D'autres études postérieures n'ont rien donné [2] et depuis lors l'équipe de Madeleine Ennis n'est pas parvenue à reproduire ces résultats notamment à la BBC en 2003 [3].

En 2007, aucune expérience n'a permis de valider l'existence de la mémoire de l'eau.

Sommaire

[modifier] La controverse sur la mémoire de l'eau

Cette étude a immédiatement un retentissement important dans les médias à grand public. En France, le 30 juin 1988, le journal Le Monde consacre sa une au résultat surprenant de Jacques Benveniste. Dès le mois suivant pourtant, la validité des travaux est remise en doute. Les principales critiques sont d'ordres scientifique (mise en cause du protocole et des conditions de réalisation de l'expérience) et polémique (soupçon de conflits d'intérêt, mise en cause des critères d'acceptabilité d'un travail par la revue Nature).

[modifier] Un protocole expérimental controversé

Le test utilisé, comptage du nombre de globules blancs ayant une réaction de dégranulation, n'aurait pas été suffisamment fiable car donnant lieu à trop de faux positifs.

La reproductibilité de ces expériences nécessite donc un respect strict du protocole expérimental, ce qui est le préalable incontournable à la critique positive ou négative de ce travail. En 1993, une équipe utilise le même protocole expérimental et ne parvient pas à reproduire les résultats[4]. La difficulté à reproduire systématiquement les expériences constitue le principal reproche adressé à cette étude par la communauté scientifique. Pour cette raison, les expériences sur la mémoire de l'eau sont classées par de nombreux observateurs dans la catégorie des pseudo-sciences.

L'utilisation d'une méthode de comptage donnant moins de faux positifs et éliminant l'influence de l'expérimentateur — cytométrie en flux — a permis au groupe de scientifiques dirigés par le Dr Madeleine Ennis de publier un article en 2001 dans lequel les résultats sont conformes à ceux obtenus par Jacques Benveniste[5],[6], alors que Madeleine Ennis s'était déclarée « très sceptique quant au travail de Jacques Benveniste ». Madeleine Ennis déclara le 15 mars 2001 dans The Guardian : « Les résultats m'obligent à remettre en question mon incrédulité et à chercher une explication logique à ce que nous avons trouvé.» Plus tard Madeleine Ennis, assistée de Jacques Benveniste, ne réussira pas à reproduire ce résultat selon le protocole expérimental proposé lors d'une émission de la BBC où la James Randi Educational Foundation offre un million de dollars à toute preuve d'un phénomène paranormal.

Il est à noter que d'autres chercheurs, dont le Dr Bernard Poitevin, ont refusé de participer à cette expérience, car ils ont considéré qu'elle ne respectait pas le protocole expérimental qui avait conduit aux résultats précités. Il vient d'apporter dans un article détaillé[7] des précisions sur l'histoire de la mémoire de l'eau : débuts des travaux sur les hautes dilutions en homéopathie en 1980, contrats officiels entre l'industrie homéopathique et l'INSERM U 200 en 1982, premières publication scientifiques sur l'action de médicaments homéopathiques (Apis mellifica et Silicea en 1984, 1987 et 1988), publication dans Nature en 1988, et nouvelle publications avec l'équipe de statisticiens de Spira en 1991. Bernard Poitevin a signé toutes ces publications avec Jacques Benveniste. Après, devant l'absurdité des conflits entre Benveniste et l'industrie homéopathique,il a cessé sa collaboration sans renier aucunement le travail fait et les résultats obtenus, mais en reconnaissant l'insuffisance de certaines publications en particulier de celle qui aurait du être décisive et a abouti au résultat opposé, la publication dans Nature en 1988.

[modifier] Conflits d'intérêt

Les recherches de Jacques Benveniste concernant cet article sont financées en partie par les laboratoires Boiron (jusqu'en 1989), spécialisés dans la production de médicaments homéopathiques. Certains y voient un conflit d'intérêt. La subvention de recherches médicales par des laboratoires et firmes pharmaceutiques privés est chose courante en recherche et ne cause en général pas de problèmes. Les auteurs d'articles scientifiques doivent, au moment de la soumission d'un travail, déclarer sur l'honneur qu'ils n'ont pas de « conflits d'intérêts » et, s'ils en déclarent un, dire lequel.

Certains qualifient l'utilisation de l'argument du financement comme argument ad hominem. Quand Jacques Benveniste demanda le soutien des homéopathes après son éviction de l'INSERM pour continuer ses recherches, il n'obtint que trois réponses positives.

[modifier] Publications de travaux insuffisamment validés

La publication des travaux de Benveniste dans les "proceedings of molecular biology" provoqua une polémique plus générale sur les critères d'acceptabilité de la revue Nature, celle-ci ayant publié un article sur une expérience non reproductible et où la volonté de faire apparaître un résultat semblait prendre le pas sur la rigueur scientifique.

Cependant la revue, critiquée pour cette publication, désavoua le résultat un mois plus tard après que le directeur de la rédaction, accompagné d'une équipe incluant James Randi, un spécialiste du paranormal, eut mené une enquête dans le laboratoire de Jacques Benveniste.

En outre, tant la revue que de nombreux scientifiques, sans discuter la validité ou l'invalidité de cette hypothèse particulière, firent valoir qu'il arrive très souvent qu'une hypothèse publiée dans une revue de haut niveau soit par la suite réfutée, qu'il s'agit même du fonctionnement normal de la science et que la publication dans une revue scientifique constitue une proposition de nouvelle théorie qui doit dans tous les cas être vérifiée ensuite par d'autres équipes de recherche.

Il y a cependant un certain nombre de scientifiques[réf. nécessaire] qui défendent les résultats des Dr. Benvéniste et Ennis et qui pour certains[réf. nécessaire] ont exprimé le sentiment d'avoir affaire à une sorte de cabale, notamment par l'intervention dans les débats scientifiques du magicien Randi.

[modifier] Polémique scientifique ou affaire médiatique ?

La passion soulevée par la mémoire de l'eau tient pour beaucoup de l'emballement médiatique dû au caractère insolite de la découverte et au lien avec une éventuelle validation scientifique de l'homéopathie, les cas d'invalidation d'hypothèses, sans être majoritaires, étant un cas courant mais en général discret.

On peut rapprocher cette affaire de celle concernant le professeur Hwang Woo-suk, où l'écho médiatique du scandale, fin 2005, fut à la mesure de l'écho antérieur sur la célébration dithyrambique du même, l'année précédente.

Si l'article avait connu le sort de la majorité des hypothèses nouvelles (publication, vérifications, publications ultérieures de confirmation ou d'invalidation) et si Jacques Benveniste, à l'époque une sommité reconnue dont on parla, comme avec Hwang Woo-suk, pour une possible nobélisation, n'avait pas été un des signataires de l'article, cette hypothèse aurait en toute probabilité suivi le chemin commun des hypothèses non vérifiées, celui d'une polémique discrète entre spécialistes du domaine.

On peut donc parler de deux polémiques qui ne se recoupent que partiellement, celle proprement académique avec vérification de l'expérience initiale et tentative de reproduction par d'autres laboratoires, et le scandale médiatique de la mémoire de l'eau où les aspects scientifiques sont somme toute assez secondaires.

[modifier] Période post-Benveniste

[modifier] Laboratoire Digibio

Le laboratoire Digibio, fondé par Benveniste poursuivit ses recherches après son décès. Il semble que les activités de ce laboratoire ont cessé en 2001, sans avoir jamais rien pu prouver. En effet, sur son site internet [8], toutes les publications et lettres d'information sont antérieures à cette date.

[modifier] Association Jacques Benveniste pour la Recherche

Une Association Jacques Benveniste pour la Recherche[9] a également été fondée. Un de ses membres, le professeur Wei Hsueh, a déclaré en mars 2005 :

« Jusqu’à aujourd'hui je ne comprends pas comment il se fait que la communauté scientifique française et le monde entier aient prêté une oreille complètement sourde au succès de ses expériences suivantes qui ont confirmé ses premiers résultats publiés par Nature. L'étude, comme vous le savez tous, a été exécutée en collaboration avec le Dr. Spira, un statisticien renommé en France, et les données ont été soutenues par une analyse statistique impeccable ».[réf. nécessaire]

[modifier] Notes et références

  1. E. Davenas, F. Beauvais, J. Amara, M. Oberbaum, B. Robinzon, A. Miadonnai, A. Tedeschi, B. Pomeranz, P. Fortner, P. Belon, J. Sainte-Laudy, B. Poitevin, J. Benveniste, Human basophil degranulation triggered by very dilute antiserum against IgE, Nature 333, 816-818 (30 Jun 1988).
  2. Can specific biological signals be digitized? - Jonas et al. 20 (1): 23 - The FASEB Journal
  3. Les Sceptiques du Québec | Mai 2003
  4. S. J. Hirst, N. A. Hayes, J. Burridge, F. L. Pearce, J. C. Foreman, Human basophil degranulation is not triggered by very dilute antiserum against human IgE, Nature 366, p. 525-527 (9 décembre 1993) [1]
  5. V. Brown and M. Ennis, Flow-cytometric analysis of basophil activation: inhibition by histamine at conventional and homeopathic concentrations, Inflammation Research vol. 50, Supplement 2 (S47–S48), 04/2001 [2]
  6. Thanks for the memory, The Guardian, 2001
  7. The continuing mystery of the memory of water, Bernard Poitevin, Homeopathy (2008)97,39-54
  8. DigiBio Research Laboratory
  9. Accueil

[modifier] Bibliographie

  • Ma vérité sur la mémoire de l'eau (Publication posthume d'un essai de Jacques Benveniste), Jacques Benveniste avec la collaboration de François Cote, Albin Michel, 2005. ISBN 2-226-15877-4.
  • Un cas de censure dans la Science : l’affaire de la mémoire de l’eau, Michel Schiff, éd. Albin Michel, 1994.
  • Les Controverses de la recherche sur les hautes dilutions, pp.402-411 deLe Guide des Allergies, Bernard Poitevin et Bernard Chemouny, Ed Odile jacob, 2001.
  • Les Mystères de la mémoire de l'eau, Michel de Pracontal, Ed La découverte, 2000.
  • Inhibition of human basophil degranulation by successive histamine dilutions: Results of a European multi-centre trial, P. Belon, J. Cumps, M. Ennis, P.F. Mannaioni, J. Sainte-Laudy, M. Roberfroid and F.A.C.Wiegant, Inflamm. res. 48, Supplement 1 (1999) S17–S18 1023-3830/99/010S17-02.
  • Savants maudits, Chercheurs exclus : Tome 2 Pierre Lance Guy Trédaniel (2005)
  • L'Âme des Molécules - Une histoire de la mémoire de l'eau, Francis Beauvais, Coll. Mille-Mondes[3], Ed. Lulu.com (2007), ISBN 978-1-4116-6875-1.
  • « L'affaire de la mémoire de l'eau : pour une sociologie de la communication scientifique », Alain Kaufmann, in Beaud P., Flichy P., Pasquier D. et Quéré L., (Eds.), Sociologie de la communication, Paris: Réseaux-CNET, pp. 497-519 (1997).


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