Livre d'emblèmes

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La sagesse, (Londres 1635, Emblèmes de Withers)
La sagesse, (Londres 1635, Emblèmes de Withers)

Les livres d’emblèmes sont des livres illustrés de gravures qui sont publiés en Europe aux XVIe et XVIIe siècles.

Chaque gravure sur bois ou sur métal est associée à un titre et un texte.

Les livres d’emblèmes, profanes ou religieux, connaissent un succès énorme à travers l’Europe. Andrea Alciato est l’auteur des épigrammes du premier livre d’emblèmes et le plus populaire aussi : Emblemata, publié par Heinrich Steyner en 1531 à Augsburg[1].

Sommaire

[modifier] Un nouveau genre

Les Emblemata répondent à l’engouement pour les images ésotériques lancé par deux ouvrages célèbres, qui sont pour leur époque d’immenses succès de librairie : tout d’abord le Hypnerotomachia Poliphili, ou Songe de Poliphile attribué à Francesco Colonna (1467), et deuxièmement les Hieroglyphica d’Horapollon, dont la traduction grecque est publiée en 1505 à Venise par Alde Manuce puis rapidement rééditée et traduite en latin.

En ce qui concerne les textes, ils sont issus d’un genre littéraire populaire, les répertoires de maximes, d’aphorismes ou d’adages, tels que les Adages de l’humaniste Érasme, maintes fois réédités. Ces anthologies de citations des sages antiques, ou de proverbes moraux permettent d’émailler les textes (et les conversations) de citations savantes.

Le mot emblème prend donc le sens d’une synthèse entre une image à clef inspirée des hiéroglyphes égyptiens, et un adage moral emprunté aux philosophes ou aux sages de l’antiquité.

Dans la préface de l’édition française (1587), Claude Mignault définit ainsi les emblèmes :

« Mais icy, Emblemes ne sont autre chose que quelques peintures ingenieusement inventees par hommes d’esprit, representees, & semblables aux lettres Hieroglyphiques des Egyptiens, qui contenoient les secrets de la sagesse de ces anciens là par le moyen de certaines devises, & comme pourtraits sacrez: de laquelle doctrine ils ne permettoient que les mysteres fussent communiquez sinon à ceux qui en estoient capables, & qui d’ailleurs estoient bien entendus: & non sans bonne raison en excluoient le vulgaire profane. » [2].

[modifier] Structure

Emblema triplex
Emblema triplex

Tous les livres d’emblèmes ne comportent pas d’illustrations, et la forme varie quelque peu d’un ouvrage à l’autre, néanmoins dans les éditions illustrées, chaque « emblème » se compose généralement de trois éléments (emblema triplex).

  • Une image (pictura, icon, imago, symbolon), en général une gravure sur bois ou sur métal, qui forme le « corps » de l’emblème et joue un rôle mnémotechnique.
  • Un titre (inscriptio, títulus, motto, lemma) assez bref, souvent difficile à déchiffrer, presque toujours en latin, qui constitue l'« âme » de l’emblème. Il est généralement placé au dessus de l’image, ou dans le cadre de celle-ci. Certains auteurs composent eux-mêmes ces titres sous la forme de sentences, mais la plupart se contentent d’emprunter une phrase ou un vers aux auteurs classiques (Ovide, Virgile, Sénèque, Tacite, Cicéron, etc.), aux pères de l'église ou à la bible. Les énoncés parémiologiques (proverbes, dictons, adages, maximes, etc.) de la culture populaire sont également utilisés.
  • Un texte explicatif qui élucide le sens caché de l’image et de la devise (subscriptio, epigramma, declaratio). Ce texte est en vers, suivi parfois d’une glose en prose, et selon le destinataire il est rédigé soit dans la langue vernaculaire soit en latin. Dans une première partie l’auteur décrit l’image, dans la seconde il en donne la leçon morale.

[modifier] Réception

L’engouement pour les livres d’emblèmes durera jusqu’au XVIIIe siècle, et leur influence sera particulièrement grande dans le développement des mises en scènes allégoriques qu’affectionnent le XVIe siècle et l’âge baroque[3].

[modifier] Les premiers livres d’emblèmes (XVIe siècle)

Les Emblèmes d’Alciat inspirent leurs propres traducteurs ou d’autres érudits. Le livre d’emblèmes, ou les devises illustrées, deviennent un genre littéraire à la mode dont s’emparent les humanistes, les poètes, mais aussi les religieux et les moralistes chrétiens de toute l’Europe.

  • Angleterre
Édition de 1550 des Emblesmes de Guillaume Guéroult.
Édition de 1550 des Emblesmes de Guillaume Guéroult.
    • Georges Wither, A Collection of Emblemes (Londres)[4]
  • Espagne
    • Juan de Borja, Empresas Morales (Prague 1581)
    • Francisco de Guzmán, Triumphos morales (Alcalá de Henares 1565)
    • Juan de Horozco y Covarrubias, Emblemas morales (Segovie 1591, editio optima)
    • Hernando de Soto, Emblemas moralizadas (Madrid 1599)
  • France

[modifier] XVIIe siècle

Emblèmes tiré de Minerva Britannia, d’Henry Peacham
Emblèmes tiré de Minerva Britannia, d’Henry Peacham
  • Anglais
    • Henry Peacham, Minerva Britanna, 1612
  • Espagnols
    • Baños de Velasco, Juan, L. Anneo Séneca ilustrado en blasones políticos y morales(Madrid 1670)
    • Covarrubias y Horozco, Sebastián, Emblemas morales (Madrid 1610)
    • Fernández de Heredia, Juan Francisco, Trabajos y afanes de Hércules, floresta de sentencias y exemplos (Madrid 1682)
    • Hugo, Herman (tr. de Pedro de Salas, S.J.), Affectos divinos con emblemas sagradas (Valladolid 1658)
    • Lorea, Antonio de, David pecador y David penitente: empresas morales político-cristianas (Madrid 1674)
    • Mendo, Andrés (S.J.), Príncipe perfecto y ministros ajustados, documentos políticos y morales (Lyon 1662)
    • Ortiz, Lorenzo (S.J.), Memoria, entendimiento y voluntad. Empresas que enseñan y persuaden su buen uso en lo moral y en lo político (Sevilla 1677)
    • Ortiz, Lorenzo (S.J.), Ver, oír, oler, gustar, tocar. Empresas que enseñan y persuaden su buen uso en lo político y en lo moral (Lyon 1687)
    • Pérez, Antonio, Retrato al vivo del natural de la fortuna (Rhodanusia [París?] 1625)
    • Pérez de Herrera, Cristóbal, Proverbios morales y consejos cristianos (Madrid 1618)
    • Remón, Alonso, Discursos elógicos y apologéticos. Empresas y divisas sobre san Pedro de Nolasco (Madrid 1627)
    • Solórzano Pereira, Juan, Emblemata regio-política in centuriam una redacta (Madrid 1650)
    • Soto, Hernando de, Emblemas moralizadas (Madrid 1599).
    • Villava, Juan Francisco de, Empresas espirituales y morales (Baeza 1613)
  • Français
    • Devises et emblemes[7], Daniel de la Feuille, (1691)
  • Hollandais

[modifier] L’emblématique moderne

Depuis la fondation de l’iconographie par Aby Warburg et ses successeurs, de nombreux travaux ont utilisé les livres d’emblèmes[8] ou en ont fait l’objet de leur recherche. Certains d’entre eux ont été réédités où sont disponibles en ligne. Cependant, en l’état de la recherche, certains aspects de l’emblématique, notamment sur l’implication de l’auteur dans l’adjonction de l’image au texte, font l’objet de controverses (voir bibliographie).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Liens internes

[modifier] Bibliographie

[modifier] Ouvrages généraux

  • Jean-Marc Chatelain, Livres d’emblèmes et de devises, une anthologie (1531-1735), Paris, Klincksieck, 1993
  • Karine Périssat, Lima fête ses rois, (XVIe ‑ XVIIIe siècle), L’Harmattan, 2002.

[modifier] Articles de spécialistes

  • (en) Hessel Miedema , « The Term Emblema in Alciati », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 31 (1968), p. 234-250
  • (fr)Claudie Balavoine,
    • « Archéologie de l’Emblème littéraire : la Dédicace à Conrad Peutinger des Emblemata d’André Alciat », in Marie-Thérèse Jones-Davies (éd.), Emblèmes et devises au temps de la Renaissance, Paris, Jean Touzot, 1981, p. 9-21
    • « Les Emblèmes d’Alciat : sens et contresens », in Yves Giraud (éd.), L’Emblème à la Renaissance, Paris, Société d’Edition d’Enseignement Supérieur, 1982, p. 49-59.
  • (fr) Denis L. Drysdall, « Alciat et le modèle de l’emblème », in Claudie Balavoine, Jean LAFOND et Pierre Laurens (éds.), Le Modèle à la Renaissance, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1986, p. 169-181
  • (fr) Pierre Laurens et Florence Vuilleumier, « Entre Histoire et Emblème : le recueil des inscriptions milanaises d’André Alciat », Revue des Études Latines, n° 72 (1994), p. 218-237.

[modifier] Notes

  1. Consultable ici
  2. In Préface de l’édition française des Emblèmes d’Alciat[1]
  3. Voir Karine Périssat, Lima fête ses rois, sur les spectacles publics organisés lors des fêtes dynastiques dans la capitale du Pérou colonial. pp. 116-125
  4. Georges Withers, A Collection of Emblemes. Texte en ligne : [2]
  5. Texte en ligne
  6. Dans le cas d l'Iconologia, il s’agit davantage d’un traité en prose décrivant des images allégoriques, correspondant chacune à un vice ou à une vertu. On a ainsi pu parler d’un « bréviaire » iconographique du Grand siècle.
  7. exemplaire en ligne
  8. Par exemple Saturne ou la mélancolie, de Klibanski, Panofsky et Saxl
  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Emblem book ».
  • (es) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « Emblemata ».

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