Portail:Littérature/Invitation à la lecture/Sélection/février 2007
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[modifier] s:Thérèse RaquinThérèse Raquin Vers midi, en été, lorsque le soleil brûlait les places et les rues de rayons fauves, on distinguait, derrière les bonnets de l’autre vitrine, un profil pâle et grave de jeune femme. Ce profil sortait vaguement des ténèbres qui régnaient dans la boutique. Au front bas et sec s’attachait un nez long, étroit, effilé ; les lèvres étaient deux minces traits d’un rose pâle, et le menton, court et nerveux, tenait au cou par une ligne souple et grasse. On ne voyait pas le corps, qui se perdait dans l’ombre ; le profil seul apparaissait, d’une blancheur mate, troué d’un œil noir largement ouvert, et comme écrasé sous une épaisse chevelure sombre. Il était là, pendant des heures, immobile et paisible, entre deux bonnets sur lesquels les tringles humides avaient laissé des bandes de rouille. Émile Zola - Thérèse Raquin (1867) ch. I |
[modifier] s:Fermina MàrquezFermina Màrquez Désormais, Joanny aurait trois heures éblouissantes dans sa journée, si éblouissantes qu'elles éclaireraient toutes les autres heures d'une clarté nouvelle. C’était de une heure à deux heures et de quatre heures à six heures de l’après-midi. Jamais ses réveils n’avaient été plus joyeux. Comme l’été s’avançait, l’aube paraissait une heure au moins avant que le tambour donnât le Signal du lever. Eveillé avant tout le monde, Joanny regardait le jour grandir ; encore engourdi, les idées confuses, il sentait du bonheur au fond de lui, quelque part en lui, il ne savait pas au juste où ; puis il se demandait pourquoi la vie était si belle, et sa conscience, en se réveillant tout à fait, lui disait : « Fermina Màrquez ». Valéry Larbaud (1881-1957) – Fermina Màrquez (éd. Fasquelle, 1911) (ch. XI) |
[modifier] s:Sonnet d'UranieSonnet d'Uranie Il faut finir mes jours en l'amour d'Uranie ! Vincent Voiture (1597-1648) - Sonnet d'Uranie |
[modifier] s:OuestOuest Les Lambert ne comptent plus sur rien, ni sur vivant, ni sur cadavre, ils se contentent d'aérer jour après jour, par habitude, par conscience, le château vide. Ils n'ont qu’un perdreau de l’année à se mettre dans le bec, le 5 juillet, un perdreau pour trois, piégé par la petite Magdeleine, la fierté de son père encore ce coup-là. Ils en sont à compter les petits os dans leur assiette, à les ranger sur le rebord, bien soigneux, pour faire durer la mangerie et se donner à croire qu'ils ont le ventre bien calé. Le demi-gloria fait oublier le reste, les chiens se mettent à gueuler tout ce qu'ils savent, ce n'est tout de même pas un sanglier qui viendrait les narguer jusqu'ici ? Lambert jette un œil au fusil, dans le coin de la cheminée, il se lève, il tire la porte : un fiacre gris de poussière arrêté à mi-chemin du pavillon et du château ; le cocher, une barbe sale, un cuir des plus râpé sur le dos l'appelle, la voix enrouée d'avoir crié sur ses bêtes. Vient-il leur annoncer la mort de monsieur ? François Vallejo – Ouest, page 53 - (éd. Viviane Hamy, 2006) |
[modifier] s:La grève des électeursLa grève des électeurs Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner. L’homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t’imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd’hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c’est à dire qu’ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n’as rien à y perdre, je t’en réponds ; et cela pourra t’amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermé aux quémandeurs d’aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe. (…) Je te l’ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève. Octave Mirbeau "La grève des électeurs", Le Figaro du 28 novembre 1888 [1] |
[modifier] s:ÉvangélineÉvangéline C'est l'antique forêt… Quand l'étoile s'allume, Dans les veillées d'hiver, près de l'âtre où l'on fume, Les paysans dévots parlent, les yeux en pleurs, De leur Évangéline et de ses longs malheurs… On entend au dehors des clameurs. C'est, tout proche, L'océan qui gémit dans ses antres de roche, Et la forêt répond par de profonds sanglots, Au long gémissement qui monte de ses flots.
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