Vincent Voiture

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Vincent Voiture
Portrait anonyme du XVIIe siècle
(Le Mans, musée de Tessé).
Naissance 1597, Amiens
Décès 1648, Paris
Activité Poète
Nationalité France France
Genre Épître, sonnet, rondeau

Vincent Voiture, né en 1597 à Amiens et mort le 26  mai   1648 à Paris, était un poète et prosateur français.

Fils d’un marchand de vins qui suivait la cour, il fit ses études à Paris et gagna la protection de Gaston d'Orléans, frère du roi, en lui adressant une pièce de vers à l’âge de seize ans. Ce prince le nomma contrôleur général de sa maison, puis introducteur des ambassadeurs. Le comte d’Avaux, dont il avait été le condisciple, le mit en relation avec plusieurs personnes de la haute société. Chaudebonne l’introduisit à l’hôtel de Rambouillet. Il enseigna le beau langage et les belles manières aux habitués de cet hôtel dont il fut le héros galant et badin, comme Balzac en était le héros sérieux. Quand il accompagna le duc d’Orléans, après la Journée des Dupes, en Lorraine, puis dans le Languedoc, les épîtres qu’il envoyait étaient un événement dans le monde des beaux-esprits dont l’avait séparé la politique. Il en écrivit aussi d’Espagne, où le prince l’avait chargé d’une mission.

De retour à Paris, il fut, en 1634, un des premiers membres de l’Académie française, et se concilia tout à fait le cardinal de Richelieu par une lettre sur la prise de Corbie, qui est son chef-d’œuvre (1636). Envoyé vers le grand-duc de Toscane en 1638 pour lui notifier la naissance du dauphin, il alla jusqu’à Rome où il s’occupa d’un procès qu’y avait Catherine de Rambouillet et fut élu membre de l’Académie des humoristes.

Maître d’hôtel du roi en 1639, premier commis du comte d’Avaux en 1642, aux appointements de quatre mille livres, il eut encore une pension de mille écus que lui fit accorder la reine. Son revenu finit par monter à dix-huit mille livres. Il resta jusqu’à la fin de sa vie frivole et galant, n’ayant qu’une passion sérieuse, le jeu. Par son caractère, comme par son talent, Voiture fut tout à fait propre à s’attirer la faveur des salons et à briller dans la société des beaux esprits de son époque qu’il emplit de sa renommée. Ses lettres y furent les oracles du goût et y firent la mode de la prose.

Ce courtisan, à la poésie faite de recherche, de maniérisme et de galanterie, qui ne voulut pas publier ses œuvres de son vivant, était considéré comme très habile dans les genres poétiques mineurs. Quant aux vers de bien, ils soulevèrent des querelles et des partis puissants qui semblent près de faire à son sujet une Fronde littéraire. Son Sonnet à Uranie, opposé à celui de Job par Benserade, divisa le monde en jobelins et des uranistes lors de la querelle des jobelins et des uranistes qui montra sous un nouveau jour l’humeur belliqueuse de Anne Geneviève de Bourbon-Condé qui était à la tête de ses partisans.

Son sonnet de la Belle Matineuse, opposé à celui de Malleville sur le même sujet, comme un diamant à une perle, est un échantillon de l’une de ses manières :

Des portes du matin l’amante de Céphale
Ses roses épandait dans le milieu des airs,
Et jetait sur les cieux nouvellement ouverts
Ces traits d’or et d’azur qu’en naissant elle étale,
Quand la nymphe divine, à mon repos fatale,
Apparut, et brilla de tant d’attraits divers
Qu’il semblait qu’elle seule éclairait l’univers
Et remplissait de feu la rive orientale.
Le soleil, se hâtant pour la gloire des cieux,
Vint opposer sa flamme à l’éclat de ses yeux,
Et prit tous les rayons dont l’Olympe se dore.
L’onde, la terre et l’air s’allumaient alentour,
Mais auprès de Philis on le prit pour l’aurore,
Et l’on crut que Philis était l’astre du jour.

Voiture, dont les écrits sont représentatifs de la préciosité, prenait volontiers un ton moins pompeux. Ce n’était souvent qu’un rimeur de ruelles, un mondain pour qui la littérature n’était qu’un passe-temps, mais dont toute la cour répétait les chansonnettes, ses Lanturlu et ses Landriry :

L’on jugerait par la blancheur
De Bourbon, et par sa fraîcheur,
Landrirette,
Qu’elle a pris naissance des lys,
Landriry.

Mais c’est dans le rondeau que Voiture, en tant que poète, a excellé. On cite celui qui a pour refrain ou clausule : « Ma foi, c’est fait », et qui donne à la fois la règle et l’exemple du genre :

Philippe de Champaigne. «Vincent Voiture»
Philippe de Champaigne. «Vincent Voiture»
Ma foi, c’est fait de moi, car Isabeau
M’a conjuré de lui faire un rondeau.
Cela me met on une peine extrême.
Quoi ! treize vers, huit en eau, cinq en ême
Je lui ferais aussitôt un bateau.
En voila cinq pourtant en un monceau.
Faisons-en sept en invoquant Brodeau,
Et puis mettons, par quelque stratagème :
Ma foi, c’est fait.
Si je pouvais encor de mon cerveau
Tirer cinq vers, l’ouvrage serait beau ;
Mais cependant je suis dedans l’onzième,
Et ci je crois que je fais le douzième ;
En voilà treize ajustés au niveau.
Ma foi, c’est fait.

La réputation de Voiture lui survécut et, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, alla encore jusqu’à l’engouement. La querelle de Girac et de Costar à son sujet eut un long retentissement. Boileau a parlé de lui plus d’une fois d’un ton élogieux qui contraste avec sa sévérité ordinaire. Marie de Sévigné a dit : « Tant pis pour ceux qui ne l’entendent pas ! » Le difficile est en effet d’entendre Voiture, avec ses pointes, ses jeux de mots, ses équivoques et ses continuels efforts d’esprit. Ce que les lettres de son époque trouvaient chez lui ingénieux, joli et charmant, peut échapper ou choquer. Voiture eut néanmoins une influence notable sur la poésie française. Tandis que Balzac la corrigeait par la rhétorique et la noblesse, Voiture l’assouplissait et commençait à lui donner la légèreté des tours, la facilité de l’expression.

Assez prétentieux de sa nature, les gens du monde qu’il cotoyait ne se faisaient pas faute de le remettre, à l’occasion, à sa place en lui rappelant sa basse condition de fils de marchand de vin. On cite ainsi le mot de l’hôtesse de l’hôtel de Rambouillet, Catherine de Rambouillet, à propos d’un de ses proverbes : « Celui-là ne vaut rien, percez-nous en d’un autre ».

Les Œuvres de Voiture ne furent réunies qu’après sa mort (Paris, 1650, in-4°) et furent fréquemment rééditées jusqu’en 1745.

[modifier] Œuvres

  • Poème La Belle Matineuse (1635)
  • Lettre sur la prise de Corbie (1636)
  • Lettre de la carpe au brochet (1643)
  • Épître à Monseigneur le Prince sur son retour d'Allemagne (1645-1648)
  • Sonnet d'Uranie (1647)
  • Poésies de M. de Voiture (posthume, 1650)
  • Lettres de Voiture (posthume, 1729)
  • Lettres et poésies (édition posthume établie par Abdolonyme Ubicini, 1855)
  • Poésies (2 volumes, édition posthume établie par H. Lafay, 1971)

[modifier] Liens externes

[modifier] Source

  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 2047-8


Précédé par
Premier membre
Fauteuil 33 de l’Académie française
1634-1648
Suivi par
François de Clermont-Tonnerre
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