Laki

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Article principal : Volcans d'Islande.
Laki
Le cratère Lakagígar en 2004
Le cratère Lakagígar en 2004
Altitude 812 m
Pays Islande Islande
Massif Hautes Terres d'Islande
Type Volcan rouge
Activité Actif
Dernière éruption 8 juin 1783 - début 1784
Code [1] 1703-01=
Observatoire volcanologique Nordic Volcanological Institute
Coordonnées géo. 64° 03′ 50″ N 18° 13′ 34″ W / 64.064, -18.226

Les cratères de Laki (en islandais Lakagígar) sont situés dans le sud de l'Islande dans la proximité de l'Eldgjá. La ligne de cratères de Laki fait partie du même système volcanique que le Grímsvötn auquel elle est rattachée.

Entre les glaciers Mýrdalsjökull et Vatnajökull, il y a une zone de fissures en direction sud-ouest à nord-est. Cette région, à laquelle Eldgjá appartient aussi, produisit une masse de lave qui représente un record mondial. Sur une distance de 25 km, on trouve 130 cratères qui émirent 14 milliards de m³ de gaz sulfurique entre 1783 et 1784, causant l'éruption volcanique la plus importante des temps historiques, avec des conséquences catastrophiques pour l'Islande et des très importantes perturbations météorologiques en Europe.


Sommaire

[modifier] Éruption de 1783

Le 8 juin 1783, une fissure avec 130 cratères s'ouvrit de manière explosive d'abord à cause de l'interaction entre le plancher sous-marin et la poussée de magma basaltique. Ensuite l'éruption devient moins explosive, passant d'un mode plinien à un mode strombolien puis plus tard à un mode hawaïen avec des niveaux élevés d'effusion de lave. Cet évènement est classé de niveau 4 sur l'échelle d'explosivité volcanique mais les 8 mois d'émission de gaz sulfurique provoquèrent une des plus importantes perturbations climatiques et sociales du dernier millénaire.[1]

L'éruption aussi connue sous le nom de Skaftáreldar (« feux de la rivière Skaftá ») ou Síðueldur, produisit environ 15 km³ de lave basaltique et un volume total d'ejecta de 0,91 km³.[2]. On estime que des fontaines de lave ont atteint des hauteurs de 800 à 1 400 mètres. Au Royaume-Uni, l'été de 1783 est connu comme l'« été de sable » à cause des pluies de cendres.[3] Les gaz furent emportés par la convection de la colonne d'éruption à des altitudes de 15 km. Les aérosols créés provoquèrent alors un refroidissement dans tout l'Hémisphère Nord.

L'éruption se poursuivit jusqu'au 7 février 1784, mais la majorité de la lave fut éjectée dans les cinq premiers mois. Le volcan Grímsvötn, duquel part la fissure du Laki, était aussi en éruption de 1783 à 1785. L'épanchement de gaz, dont les 8 millions de tonnes de fluor et 120 millions de tonnes de dioxyde sulfurique donna naissance à travers l'Europe à ce qui est connu sous le nom de « brouillard de Laki ».

[modifier] Conséquences en Islande

Les conséquences pour l'île furent catastrophiques. Environ 21% de la population[4] mourut de famine de 1783 à 1784. Environ 80% du cheptel de moutons, 50% du bétail, 50 % des chevaux moururent à cause de fluorose dentaire ou osseuse dues aux 8 millions de tonnes de fluor rejetées[5],[6].

Le prêtre Jón Steingrímsson devint célèbre avec son eldmessa (« sermon de feu »). L'ensemble des habitants de Kirkjubæjarklaustur était réuni à l'église. Au même moment, la petite ville était menacée par une coulée de lave. Mais alors qu'ils étaient à l'église, la lave s'arrêta avant d'atteindre la ville.

[modifier] Conséquences en Europe

On estime que 122 millions de tonnes de dioxyde sulfurique furent émis dans l'atmosphère, l'équivalent de trois fois les émissions industrielles anuelles en Europe et l'équivalent d'une éruption comme celle du Mont Pinatubo en 1991 tous les 3 jours[7]. L'émission de dioxyde de soufre coïncidant avec des conditions climatiques inhabituelles provoqua un épais brouillard sulfuré qui se répandit à travers l'Europe occidentale, provoquant des milliers de morts durant 1783 et l'hiver 1784.

L'été de 1783 était le plus chaud enregistré et une zone inhabituelle de haute pression au dessus de l'Islande firent que les vents soufflaient vers le sud-est. Le nuage empoisonné dériva vers Bergen en Norvège puis descendit sur Prague le 17 juin, Berlin le 18 juin, Paris le 20 juin, Le Havre le 22 juin et le Royaume-Uni le 23 juin. Le brouillard était si épais que les bateaux restèrent au port et que le soleil fut décrit comme « couleur sang »[8].

L'inhalation de ces gaz sulfurés provoqua une augmentation de la mortalité. En Grande-Bretagne, les archives indiquent que probablement le taux de mortalité doubla ou tripla au Bedfordshire, Lincolnshire et sur la côte orientale. Il a été estimé que 23 000 Britanniques moururent à cause du nuage en août et septembre 1783.

Le brouillard, chauffé par le soleil d'été, causa de violents orages avec d'importantes chutes de grêlons, tuant du bétail et ce jusqu'à l'automne. L'hiver qui suivit fut particulièrement rude, Gilbert White de Selborne dans l'Hampshire rapporta 28 jours de gel continu. On estime que l'hiver extrême causa 8 000 décès supplémentaires au Royaume-Uni. Au printemps, l'Allemagne et l'Europe centrale connurent d'importantes inondations[9].

L'impact météorologique des éruptions de Laki se fit sentir les années suivantes avec plusieurs hivers très rigoureux en Europe. On a retrouvés des traces de récits on l'on racontait que les corbaux gelaient en vol. La France connu une suite de situations météorologiques extrêmes avec une moisson exceptionnelle en 1785 provoquant une chute des prix des produits agricoles et une pauvreté dans les campagnes, suivi d'épisodes de sécheresse, de mauvais hivers ou étés, dont de très violents orages de grêle en 1788 qui détruisirent les récoltes. Cela contribua de manière significative à la pauvreté et à la famine, un des facteurs importants qui provoqua la Révolution française en 1789. Laki fut seulement l'un des facteurs de la décennie de perturbations climatiques, comme Grímsvötn qui était en éruption de 1783 à 1785 et une étude récente des modèles d'El Niño suggère un effet inhabituellement fort d'El-Niño entre 1789 et 1793[10].

[modifier] Conséquences en Amérique du Nord

En Amérique du Nord, l'hiver de 1784 fut l'un des plus longs et des plus froids enregistrés. Ce fut la plus longue période de température négative en Nouvelle-Angleterre, la plus grand accumulation de neige dans le New Jersey et la plus longue période où Chesapeake Bay fut pris dans les glaces. On put faire du patin à glace au port de Charleston, une violente tempête de neige eu lieu dans le sud du pays et le Mississippi gela à la Nouvelle-Orléans et il y eut de la glace dans le golfe du Mexique.[11],[12]

[modifier] Conséquences dans le reste du monde

Il existe aussi des preuves que l'éruption du Laki eut des conséquences au delà de l'Europe. On constata une circulation affaiblie des moussons africaines et indiennes, conduisant à des anomalies de précipitations de 1 à 3 mm de moins que la normale par jour sur le Sahel avec parmi d'autres effets une baisse du débit du Nil.[13]

[modifier] Références

  1. [Brayshay and Grattan, 1999; Demarée and Ogilvie, 2001]
  2. Global Volcanism Program | Grímsvötn | Eruptive History
  3. BBC Timewatch: "Killer Cloud", broadcast 19 January 2007
  4. Gunnar Karlsson (2000), Iceland's 1100 Years, p. 181
  5. VOLCANOLOGY: Iceland's Doomsday Scenario? -- Stone 306 (5700): 1278 -- Science
  6. BBC Timewatch: "Killer Cloud", broadcast 19 January 2007
  7. BBC Timewatch: "Killer Cloud", broadcast 19 January 2007
  8. BBC Timewatch: "Killer Cloud", broadcast 19 January 2007
  9. BBC Timewatch: "Killer Cloud", broadcast 19 January 2007
  10. Richard H. Grove, “Global Impact of the 1789–93 El Niño,” Nature 393 (1998), 318-319.
  11. Wood, C.A., 1992. "The climatic effects of the 1783 Laki eruption" in C. R. Harrington (Ed.), The Year Without a Summer? Canadian Museum of Nature, Ottawa, pp. 58– 77.
  12. volcanoes from Iceland : Laki
  13. Luke Oman, Alan Robock, Georgiy L. Stenchikov, and Thorvaldur Thordarson, "High-latitude eruptions cast shadow over the African monsoon and the flow of the Nile" in Geophysical Research Letters, Vol. 33, L18711, 2006, doi:10.1029/2006GL027665.

[modifier] Liens externes