Joseph de Villèle

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Joseph de Villèle
Joseph de Villèle

Joseph de Villèle (Toulouse, 14 avril 1773 - Toulouse, 13 mars 1854) était un noble et homme politique français qui excerça entre autres les fonctions de Premier Ministre entre 1821 et 1828.

Sommaire

[modifier] Origine et famille

Jean-Baptiste Guillaume Marie Anne Séraphin Joseph, comte de Villèle est né à Toulouse en 1773 (14 avril). Il est l’aîné d’une famille noble de Lauragais ; il entre en 1788 à l’École de marine d’Alais (Alès) et participe aux combats navals contre l’Angleterre dans l’Océan Indien. Il est officier de la marine royale et absent de France quand survient la Révolution. Étant justement hostile à la Révolution, il est emprisonné de mai à octobre 1794, puis s’établit dans l’île Bourbon (Réunion). Il y acquiert par son travail un modeste domaine, il s’enrichit dans la culture du café tout en s’opposant à l’abolition de l’esclavage. Il épouse, en 1799 (13 avril), la fille d’un riche planteur colon, Barbe Mélanie Ombeline Panon Desbassayns (1781-1855), fille de la seconde Providence, Madame Desbassayns, dont il eut 5 enfants.

[modifier] Un homme attaché à l’Ancien Régime

Il regagne la France en 1807 et prend la tête de la vaste propriété familiale de Morvilles (Haute-Garonne). Hostile au régime napoléonien, il prête néanmoins serment à l’Empire et commence sa carrière politique en acceptant le poste de maire de son village de Morvilles en 1808, et il devient conseiller général en 1811. Dans le même temps, il entre dans la résistance royaliste et il s'affilie, en 1813, à la société secrète des Chevaliers de la Foi, qui regroupe des royalistes qui préparent le rétablissement des Bourbons sur le trône de France. Il devient alors l’un des principaux chefs des royalistes toulousains.

[modifier] Son entrée dans la vie politique

Après la première restauration, il prend position contre la monarchie parlementaire et écrit les Observations sur le projet de Constitution dans lesquelles il critique la Charte de 1814 qu’il juge trop libérale. Il participe au soulèvement royaliste de Toulouse en 1814. Au début de la seconde restauration, Joseph de Villèle est nommé par Louis XVIII à la tête de la municipalité toulousaine le 7 août 1815. Il est alors débordé par les excès des « verdets », c'est-à-dire des groupes d’activistes royalistes arborant une cocarde verte, la couleur du comte d’Artois, qui attaquent les jacobins et assassinent le général Ramel(août 1815). Elu de justesse député de la Haute-Garonne (département où il sera constamment réélu jusqu’en 1830), il siège parmi les députés ultraroyalistes dans la « Chambre introuvable » (août 1815- avril 1816). De ce fait, il critique la Charte, réclame le retour à l’Ancien Régime et proteste contre le maintien à des postes administratifs de cadres du régime napoléonien. Il est rapporteur à cette époque d'un projet avorté d'une loi électorale proposée par le ministre de l'Intérieur de l'époque, le comte de Vaublanc. Ses qualités d’orateur, ses compétences financières et son habileté tactique le propulsent rapidement comme chef du parti ultra, et va se montrer comme un farouche opposant aux politiques modérées conduites par Richelieu et Decazes.

[modifier] L’arrivée au pouvoir sous Louis XVIII

Au lendemain de l’assassinat du duc de Berry (février 1820), il devient président de la Chambre (juin 1820), puis entre dans le gouvernement du duc de Richelieu comme ministre d’État sans portefeuille (décembre 1820) mais démissionne en juillet 1821, en désaccord avec la politique trop libérale du duc de Richelieu. Il affaiblit ainsi Richelieu en le privant d’une partie de sa base parlementaire.

[modifier] Les débuts du ministère Villèle

Après la chute de Richelieu, Louis XVIII le rappelle aux affaires comme ministre des Finances (décembre 1821), puis devient président du Conseil (septembre 1822). Villèle domina la vie politique de 1822 à 1827 par ses mesures conservatrices et dirigea l’un des plus longs ministères que la France ait connu. Membre des Chevaliers de la Foi et de la Congrégation, il s’impose comme un véritable président du Conseil dont le but est d’empêcher toute dérive libérale du pays.

Villèle s’entoure dans son ministère de Corbière à l’Intérieur, de Peyronnet à la Justice, de Montmorency puis de Chateaubriand aux affaires étrangères, de Monseigneur Frayssinous aux Affaires ecclésiastiques.

[modifier] Contrôle de l’instruction publique

Villèle lança une politique de reprise en main, à commencer par celle qui toucha l’Université, vigoureusement épurée, par crainte d’y voir un dangereux foyer d’agitation : en 1822, la faculté de médecine est fermée pendant près de 3 mois pour avoir conspué le recteur de l’académie de Paris. L’École normale supérieure, rebelle depuis 1815, est un moment supprimée, jusqu’en mars 1826. Des professeurs sont sanctionnés, Guizot et Victor Cousin, en particulier et 75 étudiants sont exclus de juin 1820 à décembre 1822. Par l’intermédiaire de Frayssinous, Grand Maître de l’Université et président du conseil royal de l’Instruction publique, Villèle souhaite contrôler les différents degrés de l’instruction publique :

  • l’enseignement primaire est sous la surveillance des évêques.
  • dans l’enseignement secondaire, des prêtres deviennent professeurs de philosophie.
  • on favorise le développement de petits séminaires.

Les libéraux voient l’intervention de l’Église comme un retour à l’Ancien Régime et cela va contribuer au développement de l’anticléricalisme, qui va aller en s’accentuant.

[modifier] La presse censurée

La presse est muselée et subit des contrôles de plus en plus stricts. Une loi de 1822 impose une autorisation préalable pour paraître et permet au gouvernement de suspendre des journaux pour délit de tendance contraire aux intérêts de l’État. La presse libérale est touchée de plein fouet.

[modifier] Lutte contre la Charbonnerie

A partir de 1821, les opposants libéraux se lancent dans l’action illégale notamment avec la Charbonnerie qui a pour but de faire triompher le libéralisme et donc de renverser les Bourbons. La jeunesse patriote (adversaire au traité de 1815) avait bien tenté depuis 1818 de conspirer en s’organisant, notamment au sein des facultés. Une grande conspiration prévue pour le 19 août 1820 fut éventée avant même d’avoir commencé ; le manque d’organisation et de discipline était patent. Inspirés de carbonaris italiens qui luttaient pour l’indépendance de leur pays, les charbonniers français se regroupaient en ventes. Le mouvement, mené par Lafayette, Manuel, Barthe s’étendit en provinces, et tenta de nombreux complots entre 1821 et 1822 mais tous ont échoués et les chefs ont été exécutés. Villèle entreprend une lutte sans merci contre la Charbonnerie. Ayant pris conscience de l’importance de ce mouvement clandestin, au sein de l’armée, le gouvernement arrêta de nombreux civils et militaires : la plus célèbre exécution est celles des 4 Sergents de La Rochelle, en 1822. La Charbonnerie se dissout d’elle-même suite aux échecs répétés, sans avoir réussi à s’imposer réellement dans les classes populaires.

[modifier] L’intervention en Espagne

La politique étrangère permet au pouvoir de remporter des succès et de renforcer le prestige de la dynastie. L’armée se rallia au régime lorsque celui-ci l’engagea dans la guerre d’Espagne en 1823. Au Congrès de Vérone (1822), la Sainte-Alliance avait chargé la France de venir en aide au roi d’Espagne, Ferdinand VII, en luttant contre les opposants libéraux espagnols qui s’étaient soulevés pour demander l’application de la Constitution de 1812. Le député libéral, Manuel, s’opposa violemment à l’intervention de la France et fut expulsé de la Chambre. Ce fut une campagne rapide marquée par la prise victorieuse du fort de Trocadéro ; l’armée rentra en France et la France dans le concert des grandes nations européennes. Quant à Ferdinand VII, il mena une impitoyable répression contre les libéraux espagnols. Fort de ce succès militaire, Villèle en profita pour dissoudre la Chambre en décembre 1823. Les élections de février-mars 1824 se traduisirent par un véritable raz-de-marée des ultras : on parle ainsi de « Chambre retrouvée ». Les opposants libéraux ne sont plus qu’une quinzaine sur les 430 députés.

[modifier] L’apogée de Villèle et des ultras sous Charles X

Villèle a les mains plus libres pour mener une politique que Louis XVIII, vieillissant, acceptait sans aucune résistance. Il sacrifia tout d’abord Chateaubriand (1824), ce qui provoqua une fracture dans le camp ministériel. Il voulait inscrire l’œuvre de son ministère dans la durée et stabiliser son pouvoir, pour cela il fit voter une nouvelle loi qui fixait la durée de la législature à 7 ans, au terme desquels auraient lieu des élections générales pour renouveler la Chambre. Il mena en plus de cela une politique budgétaire d’équilibre, voire d’excédent. Il s’appuya sur des agents d’État tous dévoués : plus de la moitié des députés étaient fonctionnaires.

En septembre 1824, Louis XVIII meurt et c’est le comte d’Artois qui lui succède, Charles X. Après avoir été 25 années dans l’émigration, Charles X a une foi renforcée dans les principes, sacrés à ses yeux, de la monarchie de l’Ancien Régime. Autour de lui, il a un réseau de proches partageant les mêmes idées :

Charles X a toujours du mépris pour la vie parlementaire, favorisant le rôle de l’Église dans la société. Dans son discours du trône, le roi évoqua la nécessité de « fermer les dernières plaies de la Révolution » et de « préparer les derniers malheurs de mes peuples ».

[modifier] Mise en place de lois restrictives

Villèle montre son attachement aux principes de l’Ancien Régime, en favorisant le retour de l’intervention de l’Église dans la société. Par l’intermédiaire de Monseigneur Frayssinous qui représente l’Église au gouvernement, une loi est votée en 1825 favorisant l’établissement de communautés religieuses et punissant de la peine de mort le sacrilège. Cela signifie que tout individu volant avec effraction un objet consacré au culte de la religion catholique est passible de la peine de mort (ex : les profanateurs d’hosties ou de vases sacrés.). Cette loi ne sera jamais appliquée mais réveilla pourtant un sentiment anticlérical dans la population.

En avril 1825, est votée une loi d’indemnisation des émigrés : « le milliard des émigrés ». Ceux qui s’étaient exilés à l’étranger pendant la Révolution et qui avaient perdu leurs biens, recevraient une indemnité équivalant à vingt fois le montant de leurs revenus en 1790. Les libéraux parlent du milliard des émigrés mais en réalité la somme reversée était de 650 millions de francs. Certains purent ainsi recevoir une somme supérieure à ce que valait un domaine parfois lourdement hypothéqué au moment de la Révolution.

[modifier] La chute de Villèle

[modifier] L’échec du système

Villèle va connaître quelques difficultés dans l’application de sa politique d’Ancien Régime. Il tenta de faire adopter une loi dite « du droit d’aînesse » qui, en cas d’héritage, favorisait l’aîné en lui attribuant une part supplémentaire. Ce projet allait à l’encontre de l’égalité des droits proclamée par la Charte et visait au maintien de la grande propriété nobiliaire mais il fut rejeté en avril 1826 par la Chambre des pairs. En 1827, Villèle rencontra un nouvel échec en voulant faire passer une loi sur la presse dans laquelle il voulait obliger les journaux politiques à déposer leurs articles cinq jours à l’avance et augmenter les droits de timbre, les taxes postales et les amendes.

Dans le domaine de la politique étrangère, Villèle reste prudent. Il engagea la France dans le soutien à la Grèce dans sa lutte pour son indépendance contre l'Empire Ottoman. Le 20 octobre 1827, la flotte française de Méditerranée se joignit aux escadres russes et britanniques qui écrasèrent la flotte turque à Navarin.

Dans un contexte de funérailles de libéraux célèbres, l’impopularité envers le ministère Villèle augmente. Ces funérailles prennent la tournure de manifestations anti-gouvernementales : comme celles du général Foy en 1825, de Manuel ou du philanthrope La Rochefoucauld-Liancourt en 1827. Même la garde nationale, passée en revue par le roi, cria : « A bas les Ministres ! », « A bas Villèle ! ». Ces déclarations montrent à Charles X la mesure de l’impopularité de son ministre au sein de la petite et moyenne bourgeoisie parisienne. Aussitôt une ordonnance royale est publiée et prononça la dissolution de la Garde nationale. Cet incident ne fait qu’augmenter le fossé entre le gouvernement et les classes moyennes urbaines.

[modifier] Démission de Villèle

Malgré tout, Villèle tente un dernier effort pour ressaisir la situation en rétablissant la censure en 1827 ; de plus il demande au roi une « fournée » de 73 pairs pour lui permettre de retrouver une majorité à la Chambre haute et enfin il provoque la dissolution de la Chambre des députés. Des élections ont lieu en novembre 1827 et le résultat des votes a donné 180 députés ministériels contre 180 libéraux et 70 ultras anti-Villèle. Villèle a perdu la majorité et ce fut un désaveu pour sa politique. Le symbole de ce triomphe libéral est l’élection de Royer-Collard dans sept départements différents, ce qui porta ce libéral modéré à la tête de la Chambre. Villèle tenta de se maintenir au pouvoir mais préféra démissionner en janvier 1828. Il laisse sa place au ministère libéral modéré de Martignac (5 janvier 1828).

Cette crise de 1827 qui provoque la chute de Villèle est au fond une sorte de « répétition générale » de 1830. Nommé pair de France par Charles X, en 1828, Villèle se retire de la vie politique et refuse notamment de donner suite à la proposition, faite par Humann au nom de députés du centre désireux d'éviter tout trouble révolutionnaire, de remplacer Polignac à la tête d'un gouvernement d'apaisement (31 mars 1830). Ne jouant plus de rôle, il se retira dans la vie privée en 1830. Et il laissa d’intéressants Mémoires, interrompus à l’année 1816 et publiés après sa mort (1888-1890, 5 volumes). Villèle s'éteignit le 13 mars 1854 dans son hôtel particulier toulousain de la rue Vélane. Les obsèques eurent lieu à la cathédrale Saint-Étienne. Joseph de Villèle repose dans la chapelle du château de Morvilles.

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • BARJOT Dominique, CHALINE Jean-Pierre, ENCREVE André, La France au XIXe siècle 1814-1914, Paris, PUF, coll. Premier Cycle, 1995, p.155-166.
  • BERTIER DE SAUVIGNY Guillaume de, La Restauration, Flammarion, coll. Champs, 1999.
  • BOUTRY Ph., « Villèle », in Dictionnaire de l’Histoire de France (K-Z) de Sirinelli Jean-François et Couty Daniel (sous la direction), Armand Colin, 1999, p.1640.
  • CARON Jean-Claude, La France de 1815 à 1848, Paris, Armand Colin, coll. Cursus-Histoire, 2004, p.19-26.
  • DEMIER Francis, La France du XIXe siècle 1814-1914, Seuil, coll. « Points Histoire », 2000, p.100-105.
  • Nouvel Autodidactique Quillet, Littérature & Histoire, Hachette, 1996, p.554.
  • VALLAUD Dominique, Dictionnaire historique, Fayard, 1995.

[modifier] Articles connexes


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