Janissaire

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Janissaires
Janissaires

Les Janissaires (en turc « Yeniçeri », littéralement « nouvelle milice ») sont, à l'apogée de l'Empire ottoman, l'élite de l'infanterie. Les janissaires étaient redoutés des armées occidentales car ils maniaient aussi bien le mousquet que le sabre. Le haut commandement militaire et politique de l’Empire Ottoman est essentiellement basé sur ce corps des janissaires. Le conseil du sultan ou diwan est principalement composé de janissaires. Le Grand Vizir, premier ministre de l’Empire, est un janissaire. La Mosquée de Soliman à Istanbul fut construite par Mimar Sinan, janissaire d’origine grecque, qui s’inspira de la basilique Sainte Sophie de Constantin.

Créé en 1334 par Orhan, le deuxième sultan ottoman, le corps des janissaires était exclusivement composé d'enfants chrétiens, soit prisonniers de guerre, soit réquisitionnés dans les tribus à raison d'un fils sur cinq. Cette pratique était appelée devchirmé du turc devsirme ("cueillette" en turc). Les janissaires pouvaient donc être issus de familles grecques, bulgares, serbes, russes, ukraniennes, roumaines, albanaises, bosniaques, hongroises, arméniennes ou géorgiennes. La création de ce corps d'armée janissaire répond aux ambiguïtés concernant l'application de la charia et les réalités de la conquête ottomane amorcée sous Orhan. Si la charia interdit la réduction en esclavage d'enfants et d'hommes musulmans, les esclaves chrétiens, capturés très jeunes, formés et islamisés contournent le problème dogmatique. Les janissaires ont donc le statut d'esclaves. Entièrement consacrés à la vie militaire, ils n’ont pas le droit de se marier.

L'armée ottomane, héritière des traditions militaires turco-mongoles, ne possédait pas d'infanterie. Les janissaires formèrent donc l'épine dorsale de l'armée et prouvèrent leur valeur, notamment à la bataille de Nicopolis en 1396 contre la croisade hongroise.

Ce recrutement permettait à l'Empire de renforcer son armée tout en affaiblissant ses sujets chrétiens potentiellement insoumis. Ce faisant, les Ottomans prenaient de gros risques qui leur coûteront très cher par la suite. L'exemple parfait fut le cas de Gjergj Kastrioti, dit le Skenderbeg (héros national albanais) qui, haut gradé de l'armée turque mais issu de famille albanaise, réussit à rassembler tous les janissaires albanais au sein de l'armée turque, et tint tête aux Ottomans durant plus de 25 ans. Par la suite, les Albanais payèrent cher cette résistance lors de la reprise de Krujë (capitale de l'Albanie à l'époque) par les Ottomans. Les Ottomans obligèrent par la force la plupart des Albanais à devenir des musulmans, même s'ils n'arrivèrent jamais à convertir tous les Albanais (les Albanais, catholiques et orthodoxes avant la conquête ottomane, sont aujourd'hui musulmans à 70 %). Un contre-exemple serait Vlad III l'Empaleur Dracula qui massacra des milliers de Turcs pour, dit-on, se venger de son passage dans cette milice, mais ce n'est qu'une hypothèse.

Les janissaires acquirent rapidement un rôle de « garde prétorienne », avec les implications politiques afférentes, notamment dans les crises de succession. Ils devinrent un pouvoir au sein de la Cour du sultan, et les réformes décidées par le sultan ne touchaient jamais leurs privilèges. A partir du XVIe siècle, l’histoire des janissaires est une suite de révoltes, assassinats et renversements de vizirs, aghas, et même de sultans : Bayezid II (1512), Mourad III (1595), Osman II (1622), Ibrahim Ier (1648), Mustafa II (1774), Selim III (1807) et Mustafa IV (1808).

Le sultan Mahmud II décide de se débarrasser de ce corps de plus en plus encombrant. Le 16 juin 1826, il donne le signal en faisant déployer l’étendard sacré du prophète. La masse populaire, préparée par les oulema, se précipite en renfort de l’armée. Les janissaires sont massacrés à coups de boulets, incendiés dans leurs casernes (plus de 8.000 morts), et égorgés dans les rues. Les jours suivants, des commissions militaires passent les rescapés par les armes, à Istanbul et dans les provinces. Sur un effectif de 140.000, 20.000 seront bannis, les autres étant, en majorité, massacrés ou exécutés.

Les janissaires furent présents en Algérie où, par mariage avec des femmes indigènes, ils donnèrent naissance à la communauté des Kouloughlis (du turc Köl o?ul : fils d'esclave).

Leur symbolique et leurs grades étaient associés à la cuisine ; les officiers portaient une louche dans leur coiffe, la soupière sacrée était révérée (les infidèles la touchant étant exécutés pour sacrilège, la renverser étant signe de révolte), et le sultan était appelé "père nourricier". La bannière des janissaires était surmontée d'une main en or tenant un exemplaire du Coran écrit par le calife Osman.

On notera que le principe d’armées composées d’esclaves fut pratiqué ailleurs dans le monde musulman, sous d’autres noms :

  • les Mamelouks en Égypte, esclaves turcs qui renversent leur sultan en 1250 et prennent sa place. Ils seront massacrés par le vice-roi d’Egypte Méhémet-Ali en 1811.
  • les Esclavons de l’Andalus, d’origine slave (d’où le mot français « esclave »).
  • les Ghurides en Inde, qui fonderont la dynastie des « Rois-Esclaves » de Delhi.

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