Fanfare des Beaux-Arts

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Carnaval de Paris 2003 : des fanfarons des Arts Déco et d'Olivier de Serres, participants à la Promenade du Bœuf Gras, place Gambetta.
Carnaval de Paris 2003 : des fanfarons des Arts Déco et d'Olivier de Serres, participants à la Promenade du Bœuf Gras, place Gambetta.

Il existe, aujourd'hui en France, des dizaines de fanfares dites des Beaux-Arts, dont une trentaine en région parisienne. Leur esprit et leur habitude de se déguiser, les rattachent aux traditions carnavalesques. Elles participent aussi à des Carnavals, de nos jours, comme elles l'ont déjà fait dans le passé.

Elles sont un des principaux charmes de Paris et d'autres villes françaises où on peut les entendre, comme Tours, Bordeaux, Montpellier, Nîmes, Nice, Brest, etc. C'est aussi une tradition spécifiquement française. Par exemple, il n'existe pas au Portugal d'équivalent des fanfares des Beaux-Arts (la tradition musicale des étudiants portugais, ce sont les tunas).

L'origine des fanfares des Beaux-Arts est ancienne. En 1889, est attestée, à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, l'existence d'une fanfare, jouant d'instruments caricaturaux, en carton.

Sommaire

[modifier] La fanfare des Beaux-Arts de Paris, en 1889

Extrait d'un livre sur l'École des Beaux-Arts, paru en 1889 :[1]

Chez les architectes qui sont épris par métier du décoratif et du solennel, la pompe est plus grandiose encore.[2]
On fixe une chaise sur une planche; l'élève qui a remporté le grand prix (de Rome) s'assied sur la chaise :
— Une! deux! trois!
Quatre vigoureux gaillards enlèvent la planche, l'installent sur leurs épaules, et voilà le vainqueur sur le pavois, ni plus ni moins qu'un chef de tribus franques; une couronne de feuillage orne son front; en guise de sceptre, il brandit un grand rouleau de papier, d'où pend un énorme sceau de cire rouge.
On se met en marche.
En tête du cortège, se balance une haute bannière rouge, ornée d'une oie en toile blanche, l'oie du Capitole; au dessus du volatile sacré tremblent des médailles de carton de différents modules, blanches ou dorées, et pareilles à celles qu'arborent les orphéons.
Derrière la bannière, la fanfare, plusieurs rangs d'instruments en carton, plus ou moins étranges, saxophones ventrus qu'on tient à deux mains, trombones à coulisse ou à pistons, altos et bugles. Tout cela gémit, grince, siffle, rugit sur des rythmes divers, sans souci du chef, qui bat la mesure consciencieusement.
Après la fanfare, vient le pavois; les élèves ferment la marche, costumes de ville ou costumes d'atelier.
Organisée dans la première cour, la procession descend la rue Bonaparte, suit le quai et s'arrête devant le portique de l'Institut;[3] le chef de la fanfare monte sur les marches, non sans caresser au passage les lions de bronze qui sommeillent; il tourne le dos à la porte, et, après un signe de la main, se met à battre la mesure :
— Largo! crie-t-il. Forte! Piano! Crescendo! Rinforzando!... Pianissimo! Amoroso! Appassionato! Allegro! Presto!
Et sa pantomime souligne chacune de ces indications.


Les cuivres de carton une fois apaisés, les chiens mêlés à la foule ont cessé leurs hurlements plaintifs; les élèves tous ensemble poussent trois cris; le prix de Rome se lève, et, de son sceptre en papier, salue l'Institut et la multitude; le cortège tourne alors sous la petite arcade, monte la rue de Seine, prend la rue des Beaux-Arts; tous les vingt pas il s'arrête pour pousser les trois cris; tous les vingt pas le Prix se lève et, de son sceptre, salue le peuple; musiciens et assistants, tous sont graves et dignes; on croirait assister à la rentrée d'un général triomphateur , rapportant les dépouilles opimes des peuples vaincus... Les citoyens et les matrones s'empressent le long de la voie sacrée; là-haut, sur les degrés du temple de Jupiter Capitolin, les grands prêtres et les vestales attendent le vainqueur; lui, calme, comme il sied aux héros, se tient debout dans le char d'or attelé de quatre chevaux blancs, inattentif aux outrages de l'esclave insulteur; il touche du front la nue, et sa narine se gonfle, aspirant les flots d'encens qui fument sur les trépieds d'airain. La fortune de Rome, c'est lui; et le vol de l'aigle sacré suit sa course glorieuse...
— Halte!
Le cortège s'arrête devant une maison; la devanture est ornée d'une grille; sur la porte, une tête de Silène s'épanouit, encadrée de pampres. Un comptoir d'étain reluit dans l'ombre.
Cela ressemble assez aux tavernes où la plèbe allait boire du vin de Crète dans des écuelles d'argile.
Au dessus de l'imposte s'étalent ces mots, écrits en grosses lettres : MARCHAND DE VINS.
Une dernière fois, les trois cris retentissent; une dernière fois, le sceptre s'incline vers la foule...
Précédé de la bannière et de la fanfare, et suivi de ses camarades, le triomphateur entre chez le mastroquet.

[modifier] Les fanfares des Beaux-Arts, des années 1960 à aujourd'hui

Au début des années 1960, les musiciens qui jouaient trop bien étaient chassés des fanfares des Beaux-Arts.

Les fanfares des Beaux-Arts ne sont pas simplement des ensembles de cuivres. Ce sont d'abord et avant tout des sociétés festives d'étudiants (ou d'anciens étudiants ou d'amis des étudiants) qui ont une vocation d'animation musicale.

Les fanfares des Beaux-Arts portent souvent des noms comiques, comme : la Ripaille à sons, d'Annecy, la Fanfare Zébaliz, de Brest, les Fines Pôlettes, de Paris, etc.

Le qualificatif « des Beaux-Arts », utilisé ici, a plusieurs significations possible :

  • Il s'agit d'un genre musical, qu'on reconnaît, en particulier, à un certain nombre d'airs très connus et populaires (comme Le Grand Lion est mort ce soir). Les fanfarons appellent ceux-ci les saucissons. La connaissance de ces saucissons permet à des fanfarons de fanfares différentes, qui se rencontrent, de jouer ensemble, c'est à dire faire un bœuf, voire même créer de nouvelles fanfares ![4]
  • Il s'agit d'un style d'interprétation (on n'est pas ici à l'abri d'une fausse note!). On est même fier de jouer FFPP (c'est à dire : Faux, Fort et Pas en Place). Mais, en dépit de ce genre de boutade, la prestation musicale des fanfarons est belle, agréable et appréciée par ses auditeurs
  • « Des Beaux-Arts » signifie aussi qu'on a affaire à des étudiants des Beaux-Arts. En fait, ce sont aujourd'hui, officiellement, des étudiants d'écoles d'architecture. L'enseignement de l'architecture a été partie prenante de l'Ecole des Beaux-Arts jusqu'en 1968 et en a été progressivement séparé depuis. Mais les fanfares d'étudiants en archis sont restées « des Beaux-Arts ».
  • « Des Beaux-Arts » peut, enfin, avoir pour signification qu'on a à faire aux membres d'une association : la Grande Masse des Beaux-Arts, qui regroupe des étudiants et ex étudiants des Beaux-Arts et des écoles d'architecture. Cette association a été fondée en 1926, mais ses racines sont antérieures à 1892. Ses déterminations sont nombreuses (liens culturels, etc.) et très loin de concerner simplement les fanfares... Elle a son berceau et son siège dans le 6e arrondissement de Paris, 1 rue Jacques Callot, où elle dispose d'une galerie d'art où ont lieu des expositions. La Grande Masse organise, tous les 4 ans, un Concours National des Fanfares des Beaux-Arts.

[modifier] Notes

  1. Alexis Lemaistre « L'École des Beaux-Arts dessinée et racontée », Firmin-Didot éditeur, Paris 1889, chapitre XII, « Le pavois. », pages 265 à 267. Ce texte a été copié, à la bibliothèque de l'École des Beaux-Arts, qui en possède une photocopie.
  2. Que chez les étudiants en peinture, gravure, sculpture, de la même école, qui fêtent, eux aussi, leur grand prix de Rome.
  3. L'Institut de France.
  4. Le terme « saucisson » désignait, dans le temps, un morceau à succès, de l'année. Boris Vian, trompettiste, homme de lettres et ingénieur, trouvant le terme « saucisson », disgracieux, inventa d'utiliser à sa place le mot « tube ». Les fanfarons des Beaux-Arts paraissent être les seuls à avoir conservé l'ancienne terminologie, adaptée à leur milieu et leurs habitudes.

[modifier] Liens externes