Crise du 16 mai 1877

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Au cours de la IIIe République, et alors que la Commune de Paris est encore dans les esprits, les républicains (conduits par Ferry et Léon Gambetta) ne cessent de gagner du terrain. Ils finissent par l'emporter en proposant d'en finir avec les insurrections par l'instauration d'un régime démocratique. Thiers se rallie à eux, et leur coalition fait voter en 1875 trois lois constitutionnelles. Ces textes instaurent bien un régime républicain et parlementaire, mais laissent au président des pouvoirs forts et font du Sénat une seconde chambre modératrice.

L'audience des républicains grandit : ils gagnent les élections de 1876. Ces élections donnant pourtant des résultats contradictoires :

  • Sénat : les monarchistes ne conservent que deux voix de majorité en janvier (151 contre 149 républicains) ;
  • Chambre : large victoire des républicains en mars (350 sièges contre 80 monarchistes et 75 bonapartistes)
  • La présidence est monarchiste.

Refusant ce verdict électoral, Mac-Mahon tergiverse plusieurs mois avant de nommer le républicain Jules Simon à la tête du gouvernement. Le conflit entre la chambre et les deux autres instances de pouvoir apparaît inévitable.

Sommaire

[modifier] La crise du 16 mai 1877 est ouverte par Mac-Mahon

Sous prétexte que Jules Simon (président du conseil et républicain modéré) ne s'est ni opposé à un vote des députés hostiles aux manifestations "ultramontaines" (favorables au pape), ni aux attaques anticléricales de Gambetta[1], le Président Mac-Mahon le blâme officiellement, suscitant sa démission.

En effet pour Mac-Mahon, il est un dirigeant élu, responsable devant le pays : il ne peut se permettre d'être neutre. Pour cette raison, il estime que le gouvernement doit suivre ses vues et qu'il est nécessaire d'avoir sa confiance. Pour les républicains, au contraire, c'est la chambre qui est l'organe prépondérant, et c'est donc d'elle que doit émaner le gouvernement.

Mac-Mahon, qui était poussé par son entourage et par la droite bonapartiste, envoya le 16 mai 1877 une lettre à Jules Simon, publiée aussitôt au Journal officiel. Le président de la République lui reprochait, là encore, son silence, devant certains votes de la Chambre des députés, infligeant une sorte de blâme au président du Conseil. Mac-Mahon s'estimait clairement responsable devant le pays, et opposait donc la souveraineté du président et celle des élus, suscitant un conflit de principes sur les responsabilités respectives des deux fonctions. Il interprétait aussi à sa manière la Constitution ; un nouveau problème était posé.

[modifier] La suite de la crise du 16 mai

Mac-Mahon installe alors un nouveau gouvernement d'Ordre moral dirigé par Albert de Broglie. C'est l'ordre ancien contre l'ordre nouveau qui s'affrontent. La chambre refuse d'accorder sa confiance au gouvernement : Mac-Mahon, toujours aussi conciliant, la dissout. Les nouvelles élections législatives du 14 octobre partagèrent le corps électoral de manière assez égale : 54% des voix pour les républicains, 46% pour les monarchistes. Les républicains perdaient 40 sièges, ils n'étaient plus que 323, au profit des conservateurs qui passaient de 160 à 208, nombre dont les bonapartistes représentaient exactement la moitié. Mais les républicains avaient toujours une majorité à la Chambre des députés.

C'est le désaveu : Mac-Mahon doit se soumettre comme l'avait exigé Léon Gambetta au moment de la dissolution : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre. » Mac-Mahon rappelle le républicain modéré, Jules Dufaure, qui avait déjà été président du conseil en 1876, et accepte l'interprétation de la constitution que celui-ci lui soumet :

  • Les ministres sont responsables devant la Chambre des députés (le Sénat obtient de contrôler les ministres suite à la crise institutionnelle de 1896) ;
  • Surtout, le droit de dissolution doit rester exceptionnel. Il n'est d'ailleurs plus employé de toute la Troisième République. Même le Maréchal Pétain, en 1940, n'osa pas dissoudre.

[modifier] Conclusion

La crise du 16 mai donne l'interprétation définitive des lois constitutionnelles de la Troisième République. Le régime est définitivement et absolument parlementaire moniste. Dans la mythologique républicaine, la tentative de coup de force de Mac-Mahon est à ranger avec le 18 Brumaire ou le 2 décembre 1851, dans les démonstrations de la force honnies par une République qui ne conçoit pas de concilier fort pouvoir exécutif, démocratie et république.

[modifier] Notes et références

  1. « Le cléricalisme ? Voilà l'ennemi ! »

[modifier] Bibliographie

  • Dominique Lejeune, La France des débuts de la IIIe République, 1870-1896, (p 42,43,44) , quatrième édition, Armand Colin, Paris, 2007
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