Citation apocryphe

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Une citation apocryphe est une citation, souvent célèbre, attribuée à une personne qui n’a pourtant jamais tenu les propos rapportés, ou alors sous une forme différente. Il peut s’agir de modifications légères, qui donnent toutefois un aspect plus impressionnant aux propos. Dans la plupart des cas, il s’agit de pure invention.

Sommaire

[modifier] Citations inventées

  • Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire. »

À croire certains commentateurs (Norbert Guterman, A Book of French Quotations, 1963), cette citation reposerait sur une lettre du 6 février 1770 à un abbé Le Riche où Voltaire dirait : « Monsieur l'abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. » En fait, cette lettre existe mais la phrase n'y figure pas, ni même l'idée. On la considère alors comme pseudo-citation ayant sa source dans le passage suivant :

« J’aimais l’auteur du livre de l’Esprit [Helvétius]. Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble ; mais je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces vérités mêmes. » (Questions sur l’Encyclopédie, article « Homme »).

Elle a été employée pour la première fois en 1906 dans The friends of Voltaire, livre anglais d’Evelyn Beatrice Hall écrivant sous le pseudonyme de S. G. Tallentyre, pour résumer la position de Voltaire : « I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it », car elle correspondait à l'idée que Hall se faisait de Voltaire.

Galilée n’a pas défié ainsi le Saint-Office, et accepta de se renier. Cette légende a été publiée en 1761 dans Querelles Littéraires[1], un siècle après sa mort.

  • Albert Einstein : « L’astrologie est une science en soi, illuminatrice. J’ai beaucoup appris grâce à elle et je lui dois beaucoup. Les connaissances géophysiques mettent en relief le pouvoir des étoiles et des planètes sur le destin terrestre. À son tour, en un certain sens, l’astrologie le renforce. C’est pourquoi c’est une espèce d’élixir de vie pour l’humanité. »

Citée par Élisabeth Teissier, vraisemblablement un mauvais argument d'autorité puisque, en réalité, Einstein avait un avis très négatif envers l’astrologie.

  • Général Pierre Cambronne sur le champ de bataille de Waterloo : « La garde [napoléonienne] meurt, mais ne se rend pas », démentie d'ailleurs par l'intéressé lui-même « puisque je ne suis pas mort et que je me suis rendu ». Victor Hugo affirmera dans Les Misérables qu'il a simplement répondu « merde ».
  • Henri IV, roi de France lorsqu'il accepte de renoncer à la foi réformée pour entrer dans Paris : « Paris vaut bien une messe ! ». La phrase tire vraisemblablement son origine des propos prêtés au « duc de Rosny » (Sully) dans Les Caquets de l'accouchée (récit anonyme de 1622) : « Comme disoit un jour le duc de Rosny au feu roy Henry le Grand, que Dieu absolve, lors qu'il luy demandoit pourquoy il n'alloit pas à la messe aussi bien que lui : Sire, sire, la couronne vaut bien une messe ; aussi une espée de connestable donnée à un vieil routier de guerre merite bien de desguiser pour un temps sa conscience et de feindre d'estre grand catholique[2] ».
  • « Lafayette nous voici ! » par le général en chef des armées américaines à l'arrivée de ses troupes en France, durant la Première Guerre mondiale. Cette citation a été inventée par Gaston Leroux, qui n'avait pu assister au discours et l'avait donc inventée pour son article.
  • André Malraux : « le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas ».

[modifier] Auteur modifié

En fait, les pamphlétaires lui ont attribué une citation des Confessions de Jean-Jacques Rousseau, publiées en 1778 : « Je me rappelai le pis-aller d’une grande princesse à qui l’on disait que les paysans n’avaient pas de pain, et qui répondit : Qu’ils mangent de la brioche. J’achetai de la brioche. » (Livre sixième : 1736).

  • Hermann Göring : « Quand j'entends le mot "culture", je sors mon revolver » (en allemand : Wenn ich "Kultur" höre, nehme ich meine Pistole).

Cette phrase, souvent attribuée à un autre nazi, Baldur von Schirach, qui l'a effectivement prononcée[3], vient d'une pièce de théâtre allemande jouée en 1933, Schlageter, de Hans Johst[4], et était devenue une plaisanterie récurrente en Allemagne[5].

Cette phrase présente en fait les trois types des citations apocryphes, puisqu'elle est :

  • inventée : les chroniqueurs contemporains ne la mentionnent pas, et c'est seulement la chronique de Césaire de Heisterbach, rédigée entre 1219 et 1223, qui le premier en parle. La chronologie des évènements au cours de la prise de Béziers rend cette citation improbable. Mais il faut reconnaitre que des déclarations d'Arnaud Amaury antérieures à la prise de la ville ne sont pas éloignées de cette citation[6].
  • auteur modifié, car Césaire de Heisterbach la place dans la bouche d'Arnaud Amaury le légat du pape pour la croisade des Albigeois. Simon de Montfort n'étant à ce moment qu'un obscur participant de la croisade des Albigeois, il parait étonnant que les croisés lui aient demandé son avis.
  • propos modifié, car les paroles que Césaire prête à Arnaud Amaury sont : « Massacrez-les, car le Seigneur connaît les siens »[7].

[modifier] Propos modifiés

  • Mirabeau : « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous ne quitterons nos places que par la force des baïonnettes ! »

La phrase exacte est plus probablement : « Cependant, pour éviter tout équivoque et tout délai, je déclare que si l’on vous a chargés de nous faire sortir d’ici, vous devez demander des ordres pour employer la force ; car nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes. », mais la version emphatique est la plus connue[8].

Le candidat n’avait pas exactement prononcé cette phrase au débat télévisé du second tour de l'élection présidentielle française, mais « Vous n’avez pas, monsieur Mitterrand, le monopole du cœur, vous ne l’avez pas. »[9].

En réalité, la phrase exacte énoncée par Sheridan était: « Les seuls bons Indiens que j'aie jamais vus étaient morts. », en réponse au chef comanche Tosawi qui s'était présenté à lui en disant « Tosawi, bon Indien. »

Cette phrase est souvent utilisée dans un contexte de racisme anti-amérindien et a été attribuée à tort à plusieurs personnalités de la Conquête de l'Ouest, dont George Armstrong Custer et Buffalo Bill.

  • Neil Armstrong : « C'est un petit pas pour l'homme, mais un grand bond pour l'humanité. »

Armstrong avait en fait dit: « C'est un petit pas pour un homme, mais un grand bond pour l'humanité. » La réception par radio avait déformé les propos.

  • Pascal Sevran : « La bite des noirs est responsable de la famine en Afrique. »

Cette phrase est en fait une paraphrase de Lionel Paoli, journaliste à Nice-matin. La citation originale est: « Des enfants, on en ramasse à la pelle dans ce pays (le Niger) -est-ce un pays ou un cimetière ?- où le taux de fécondité des femmes est le plus élevé du monde, neuf enfants en moyenne par couple. Un carnage. Les coupables sont facilement identifiables, ils signent leurs crimes en copulant à tout va, la mort est au bout de leur bite, ils peuvent continuer parce que ça les amuse, personne n’osera leur reprocher cela, qui est aussi un crime contre l’humanité : faire des enfants, le seul crime impuni. On enverra même de l’argent pour qu’ils puissent continuer à répandre, à semer la mort . »

  • Michel Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. »

Cette phrase, souvent employée dans le débat sur l'immigration, signifie presque le contraire de la version non tronquée, qui était « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part ».

[modifier] De personnages fictifs

La phrase exacte est « Non, je suis ton père. ».

Des personnages de la série ont dit des phrases ressemblantes, mais pas exactement celle-là. La phrase la plus proche qui soit est dans le film Star Trek IV : Retour sur Terre, où c'est « Scotty, beam me up. ». Le film est sorti après que la citation apocryphe circulait dans la communauté des fans.

Sherlock Holmes disait de temps en temps « Élémentaire » et appelait Watson « Mon cher Watson », mais la phrase exacte « Élémentaire, mon cher Watson » n'apparait pas parmi les 60 histoires écrites par Sir Arthur Conan Doyle. Elle n'est apparue pour la première fois qu'à la fin du film Le Retour de Sherlock Holmes sorti en 1929.

[modifier] Références

  1. A. Rupert Hall, « Galileo nel XVIII secolo », Rivista di filosofia, 15 (Turin, 1979), pp. 375-78, 83.
  2. Les Caquets de l'accouchée, page 172 de l'édition de Le Roux de Lincy, numérisée sur Google Books
  3. On le voit dans le film De Nuremberg à Nuremberg
  4. « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ! » (Hermann Göring)
  5. Voir aussi l'article anglais sur Hermann Göring
  6. Retour sur le Sac de Beziers
  7. Dominique Paladilhe, Simon de Montfort, Librairie Académique Perrin, 1988 (réimpr. 1997), 324 p. (ISBN 2-262-01291-1), p. 92-96
  8. Assemblée nationale - Séance du 23 juin 1789
  9. Historia, avril 2007
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