Antihéros

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L'antihéros est le personnage central d’une œuvre de fiction lorsqu’il ne présente pas les caractéristiques du héros conventionnel.

Il peut s’agir d’un personnage qui n’effectue pas une noble quête, ou n’est pas animé de sentiments altruistes, est mauvais, etc.

Il peut aussi s’agir d’un « bon » héros, mais ayant des caractéristiques physiques loin d’être celles que l’on devrait lui reconnaître d’après son rôle (par exemple : le poids, la taille, l’apparence, une certaine condition physique, psychologique ou un handicap quelconque). Le personnage peut aussi devenir « héros malgré lui », en accomplissant des exploits sans pour autant chercher la gloire ou la justice.

L’antihéros est cependant aussi, assez souvent, un héros, en ce sens que, « héros malgré lui » ou « personnage sans quête », il peut au cours des péripéties auxquelles il est confronté, réaliser des exploits qualifiables d’héroïques, ne serait-ce qu'à son corps défendant.

Dans les représentations du monde moderne, dans lesquelles la figure héroïque a disparu (voir désenchantement du monde), l’antihéros peut tenir des identifications telles que le has-been ou le maladroit attachant.

[modifier] Typologie

On peut considérer quatre types principaux d’antihéros:

  • le personnage « sans qualités », l’être ordinaire vivant une vie ordinaire dans un cadre ordinaire ;
  • le héros négatif, porteur de valeurs anti-héroïques et en général antisociales, mais sans qualités « héroïques » (en ce sens, Fantomas par exemple est un héros négatif mais non un antihéros car il est porteur de qualités héroïques, mais au service du mal) ;
  • le héros déceptif, un personnage ayant potentiellement des qualités héroïques mais qui n’en fait pas usage ou les utilise mal ou à mauvais escient, ou qui tend à perdre ces qualités, ou enfin qui se trouve dans un cadre où ces qualités ne sont plus appréciées ou admises ;
  • le héros « décalé », un personnage ordinaire, sans qualités, qui par les circonstances se trouve plongé dans une situation extraordinaire.

Le premier cas concerne surtout les personnages principaux d’œuvres comiques de la littérature (les héros de Trois hommes dans un bateau de Jerome K. Jerome par exemple), de la bande dessinée (Gaston Lagaffe, Jean-Claude Tergal), du cinéma (beaucoup des personnages incarnés par Woody Allen), mais on peut aussi les trouver dans des œuvres sérieuses, quoi que non dénuées d’humour, comme pour le personnage principal de la recherche du temps perdu de Proust et bien sûr celui de l'Homme sans qualités de Musil, deux paradigmes du « non héros » dans le roman moderne. Beaucoup de personnages principaux des films de Clint Eastwood en tant que réalisateur, tels ceux de Honkytonk Man et de Bronco Billy, sont aussi de cette veine du héros « sans qualités ».

Le deuxième cas domine dans la littérature et le cinéma « noirs » centrés sur la figure du gangster et dans le roman ou le film : les « héros » obéissent à des principes dépréciés ou dénigrés par la société, sont le plus souvent sans envergure et, par souci moral (le code Hays aux États-Unis, par exemple) ou par la trajectoire de vie même de ces personnages, tendent à un destin tragique (mort ou emprisonnement). On en trouvera des exemples dans la plupart des romans de David Goodis et dans des films noirs comme les Tueurs de Robert Siodmak, ou dans la trilogie le Dragon rouge, Le Silence des agneaux et Hannibal dont un des principaux protagonistes, Hannibal Lecter, est porteur de « normes » particulièrement déviantes et antisociales.

Le héros déceptif est un antihéros de bien plus ancienne origine et figure dans nombre de contes populaires ; c’est dans ce cas le héros qui, par sa propre faute ou du fait des circonstances, ne parvient pas à accomplir sa quête. Il figure parmi les archétypes définis par les formalistes russes, puis par A.J. Greimas dans ses travaux de sémiotique narrative. On retrouve abondamment cette figure de héros déceptif dans le cinéma, et principalement dans le genre western à partir du début des années 1950, les premiers réalisateurs allant clairement vers cette voie étant Nicholas Ray (avec Johnny Guitare et Les Indomptables) et Elia Kazan (avec Viva Zapata !), deux films de 1952. Cependant, il existe d’autres films de ce genre qui, sans avoir la radicalité de ces deux-là, ont introduit une image de héros déceptif, comme Le Fils du désert (1948) de John Ford, où les « héros », des hors-la-loi, vont au bout de leur aventure mourir ou finir en prison, malgré leurs actes héroïques, ou Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston où l’on assiste à une succession de quêtes trompeuses, les « héros » échouant l’un après l’autre à les réaliser. Ce dernier film est bien sûr à rapprocher de la veine du film noir, de laquelle son réalisateur fut partie prenante.

Le héros décalé se trouve dans tous les arts, mais particulièrement dans la bande dessinée, du fait que cette technique allie l’immédiateté visuelle du cinéma et la facilité de réalisation de la littérature, ce qui lui permet de jouer avec les genres sans que ces décalages induisent la mobilisation de moyens du cinéma, et avec l’avantage par rapport à la littérature que les lecteurs de bande dessinée admettent assez facilement ce jeu. De nombreuses bandes dessinées de science fiction, et assez de nouvelles et de romans de ce genre, jouent de ce décalage où le héros (souvent éponyme) est un personnage ordinaire se retrouvant dans une situation extraordinaire. Dans la littérature, plusieurs auteurs ont souvent utilisé ce procédé, Fredric Brown, R. A. Lafferty et James Tiptree, Jr. sur le mode comique, humoristisque ou décalé, Serge Brussolo, Philip K. Dick et Thomas M. Disch dans des genres plus sérieux quoi que souvent non dénués d’ironie.

[modifier] Exemples

  • Alex, personnage principal d'Orange mécanique, roman d'Anthony Burgess et film de Stanley Kubrick, joué par Malcolm McDowell. Alex est un punk-délinquant errant la nuit avec ses amis dans les rues en commettant des passages à tabac gratuits, des bagarres et même un viol. Bien que charismatique et attachant, il n'en demeure pas moins pervers, immoral mais néanmoins intelligent et raffiné dans ses goûts, ce qui ne le rend que plus effrayant. Il est décrit comme étant " l'archange du Mal à l'état pur".
  • le pícaro, avec par exemple Gil Blas de Santillane, personnage créé par A. R. Lesage.
  • Elric de Melniboné : contemporain littéraire du Conan de Howard, il est chétif, aristocrate « fin de race » cultivant une nostalgie maladive. Ses caractéristiques le situent donc à l’opposé du personnage du héros à la positivité musculaire. Ses arcanes de magie l’amènent à faire appel aux forces démoniaques, ce qui renforce son côté ambivalent.
  • John Difool : grand fuyard dans l'Incal, bande dessinée de Moebius.
  • Gaston Lagaffe : garçon de bureau maladroit, rêveur et paresseux, créé en 1957 par l’auteur de bandes dessinées André Franquin.
  • Mario et Luigi : petits, gros, plombiers et peureux (pour Luigi).
  • L’ogre Shrek, dont le physique autant que la mentalité font du personnage un antihéros comique.
  • Adrian Monk, dans la série télévisée américaine Monk : enquêteur victime de troubles obsessionnels compulsifs.
  • Rincevent mage raté du livre de fantasy le Disque-Monde.
  • Artemis Fowl, issu d’une grande famille de voleurs.
  • John Constantine, du comics Hellblazer, victime de sa propre force, ayant involontairement entraîné la mort de nombreuses personnes, la plupart étant même ses amis, voire sa famille.
  • Donald Duck, personnage de dessin animé des studios Disney, canard anthropomorphe, pauvre, pas très intelligent, naïf et qui plus est, horriblement malchanceux.
  • Bugs Bunny, personnage de dessin animé de la Warner Bros. Pictures, lapin anthropomorphe sympathique et rusé, mais cynique, qui n’a d’autre idéal qu’une vie tranquille dans son terrier.
  • Anakin Skywalker, personnage central de la saga Star Wars, chevalier Jedi tiraillé entre le Bien et le Mal.
  • Sasuke Uchiwa, personnage de Naruto, ne pensant qu'à la puissance pour tuer son frère ennemi
  • La famille Simpson particulièrement Homer Simpson et Lisa Simpson, personnages des Simpson.
  • Roberto Zucco, personnage principal de la pièce de théâtre homonyme, est « le meurtrier de son père, de sa mère, d’un agent de police et d’un enfant ».
  • Mendoza, navigateur et aventurier, un des personnages principaux du dessin animé Les Mystérieuses Cités d'or. Rompant avec la dichotomie gentil/méchant, habituelle dans des les séries destinées à la jeunesse, Mendoza apparaît au contraire comme un être fort ambigu ne cachant guère sa vénalité et dont on ne sait si la protection qu’il offre aux enfants est mue uniquement par sa cupidité ou par une réelle affection envers eux.
  • Ferdinand Bardamu, dans Voyage au bout de la nuit de Céline. Outre sa lâcheté, il faut noter le caractère cynique de cet antihéros.
  • Max Payne, héros du jeu vidéo du même nom. Personnage dépressif, alcoolique et violent.
  • Antoine Roquentin, personnage principal de la Nausée de Sartre, jeune homme ordinaire s’interrogeant sur le sens de son existence.
  • L’acteur Clint Eastwood a interprété de nombreux antihéros, parmi lesquels Blondin, hors-la-loi ténébreux et cynique, ironiquement appelé « le Bon », dans le Bon, la Brute et le Truand, ou Harry Callahan, policier aux méthodes aussi efficaces que moralement contestables, dans l'Inspecteur Harry.
  • Certains personnages de la table ronde, dans la série Kaamelott sont dépeints comme des anti-héros: Karadoc et Perceval sont idiots, Merlin est incompétent, Yvain est peureux, etc.
  • Le Punisher est également un anti-héros, car bien qu'il lutte contre le crime, c'et au travers de moyens expéditifs et illégaux qu'il lutte (il tue les criminels, il emploie des bombes, ...).

[modifier] Lien interne