Émigration française (1789-1815)

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Entre 1789 et 1800, la France voit environ 140 000 personnes quitter le territoire, en raison des troubles révolutionnaires et ceci dès le lendemain du 14 juillet et la prise de la Bastille : ces émigrés, tenant de la monarchie et du pouvoir absolu, craignaient l'effondrement de celui-ci. La plupart d'entres eux sont donc nobles, riches bourgeois ou bien prélats.

Sommaire

[modifier] Sous La Révolution (1789-1799)

[modifier] Adversaires de la Révolution Française

Cette émigration s'est constituée en plusieurs vagues successives.

  • La première a suivi la prise de la Bastille. Derrière le jeune frère de Louis XVI, le comte d'Artois, futur Charles X de France, les grands du royaume comme Louis V Joseph de Bourbon-Condé, prince de Condé, le duc Jules de Polignac et Louis Antoine de Bourbon-Condé, duc d'Enghien, partent tous ceux visés par le nouveau partage de richesse imposés par la Révolution. Il s'agit surtout de la noblesse de cour.
  • S'en suit l'exil des officiers de l'armée et de la marine ainsi que les prêtres refusant la Constitution civile du clergé, votée le 12 juillet 1790. La fuite et l'arrestation de Louis XVI à Varennes, le 21 juin 1791, génèrent une nouvelle vague d'émigrants. On constate qu'entre 1789 et le 10 août 1792, date de la prise des Tuileries, 30 000 personnes quittent le pays.
  • Enfin ceux qui émigrent plus tard, à la suite du massacre des Tuileries et du début de la Terreur, sont des opposants à la République mais venant de tous les milieux sociaux : artisans, commerçants ou encore, plus étonnant, un bon nombre de paysans.

[modifier] Les zones d'établissement des ressortissants

Ces différents lieux dépendent surtout de la provenance géographique de l'émigrant. En effet les zones d'émigration sont variées :

  • l'Angleterre où, devant l'afflux des émigrés français, le gouvernement britannique autorise l'ouverture de chapelles catholiques à Londres, comme dans le sud du pays à Southampton et dans les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey.
  • la Suisse, principalement à Fribourg, Berne, Bâle et Neuchâtel. On a recensé 3700 ressortissants français dans le canton de Fribourg en 1793, dont deux tiers d'ecclésiastiques.
  • l'Allemagne, dans des villes comme Hambourg, Cologne et surtout dans la zone de l'électorat de Trèves.
  • l'Espagne.
  • l'Italie, à Triste et Turin surtout.
  • les colonies d'Amérique : Talleyrand y réside, d'ailleurs, quelques mois en 1794-95.

[modifier] Politique du Gouvernement Républicain

Si en 1789 et 1790, il était relativement aisé de plier bagages, même avec ses biens, son argenterie, son or, cela devint beaucoup plus compliqué à partir de 1791. Les autorités révolutionnaires se rendent comptent qu'il s'agit d'une fuite des capitaux qui peut s'avérer néfaste à l'économie nationale si elle continue. Des lois sont donc votées pour restreindre le pouvoir de mobilité des possibles émigrants et le 31 octobre 1791, l'Assemblée législative, par un décret, ordonne aux émigrés de rentrer avant le 1er janvier de l'année suivante.

C'est en 1792 que les directives les plus dures envers les émigrés, sont prises. On prend des mesures particulières pour les "complices d'émigrés" ; on ordonne la confiscation des biens des émigrés (le 30 mars 1792) ; puis la peine de mort pour tout émigré "pris les armes à la main". En effet, à la frontière se masse ce qu'on appelle l'Armée des Princes, formée de royalistes, qui attendent la première occasion pour renverser la jeune République. Mais avant même les considérations purement sécuritaires, "ce sont avant tout les contingences économiques qui déterminèrent les persécutions menées contre les émigrés"[1]. La fuite de ces émigrants était, en quelque sorte, contrôlée par l'État, pour mieux s'approprier leurs richesses et les transformer en biens nationaux.

En 1793, les autorités fondent une "liste des émigrés" : la liste fut réalisée dans le but non dissimulé de recenser les émigrants, afin de mieux pouvoir les spolier de leurs biens restés en France.

La Révolution dure jusqu'en 1799 et, sous l'Empire et Napoléon, ces lois révolutionnaires à l'encontre des émigrés sont pour la plupart abrogées. Cependant la majeure partie des français exilés ne rentrent pas, et font souche dans leur pays d'adoption.

[modifier] Les tentatives contre-révolutionnaires

  • l'Armée des Princes[2] : dans l'électorat de Trêves, à Coblence, les émigrés lèvent des troupes sous les ordres du prince de Condé avec l'appui du comte de Provence, futur Louis XVIII et frère du roi Louis XVI. Ces rassemblements armés inquiètent l'Assemblée législative. Elle émet un décret le 29 novembre 1791 qui invite le roi Louis XVI à demander aux princes allemands qui accueillent les émigrés, de disperser les attroupements et d'interdire les recrutements pour l'armée des Princes. Le 14 décembre 1791, Louis XVI fait donc savoir à l'électeur de Trêves que si le 15 janvier 1792 il n'a pas dispersé les émigrés, il sera considéré comme ennemi de la France. L'électeur, peu enclin à voir son territoire envahi, cède et interdit les rassemblements militaires et le recrutement de l'armée des Princes dans ses États.
  • Conspiration de Pichegru : après s'être illustré à la tête des armées républicaines, le général Jean-Charles Pichegru était entré en relation avec les émigrés par l'intermédiaire de Louis Fauche-Borel. Remplacé aux armées, il est destitué et déporté en Guyane après la découverte de la conspiration le 4 septembre 1797 (18 fructidor[3]). Il s'évade et rejoint les émigrés à Londres, et participe à la conspiration de Cadoudal, puis retourne clandestinement en France. On le retrouvera étranglé en prison en avril 1804.
  • Conspiration de Cadoudal : en février 1804, voir le personnage de Georges Cadoudal.

[modifier] Sous Napoléon (1799-1814)

[modifier] Le Concordat et le retour des Pasteurs

Le 15 juillet 1801 (25 messidor an IX)[4] est signé le Concordat[5] entre le gouvernement français et le Pape Pie VII, qui remet en cause la Constitution Civile du Clergé de 1790. En effet, en 1790, les ecclésiastiques français avaient dû prêter serment de fidélité à la Constitution, ce qui les faisait devenir en quelque sorte fonctionnaires. Le Concordat annule cet acte de 1790. Le gouvernement reconnaît donc que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des citoyens français (ce qui constitue le début de la disparition progressive de l'église gallicane[6] en France) et la papauté redevient la source de l'institution canonique puisqu'elle nomme de nouveau les évêques. Dans ce contexte, les prêtres réfractaires émigrés ou réfugiés à l'étranger signent les actes de soumission, acceptent la nouvelle organisation de l'Église de France et regagnent leur pays.

L'exemple de Monseigneur d'Agoult de Bonneval : évêque de Pamiers (au sud de Toulouse) en 1786, puis président des États de Foix, il avait émigré au début de la Révolution. Il regagne la France après s'être démis de son siège. Auteur de nombreuses brochures et pamphlets politiques, l'évêque était également connu pour ses études économiques. Dans une lettre du 5 août 1802, il adresse sa soumission au consulat de France à Hambourg : "Charles, Constant, César, Loup, Joseph, Mathieu d'Agoult, ancien évêque de Pamiers, désirant rentrer dans ma patrie, déclare que je suis dans la communion des évêques de France nommé en exécution du concordat passé entre le gouvernement françois et Sa Sainteté Pie VII, que je serai fidèle au gouvernement établi par la constitution et n'entretiendrai ni directement, ni indirectement aucune liaison ni correspondance avec les ennemis de l'État"[7].

[modifier] Le Retour des Émigrés

Sous le Consulat, le retour des émigrés en France s'accélère. Napoléon Bonaparte a en effet pour objectif de mettre un terme aux divisions nées de la Révolution. Déjà, l'établissement de certificats de résidence avait favorisé une première vague de retour : ces certificats devaient permettre de distinguer les émigrés des présumés émigrés. Ils devaient être signés par des témoins - les signatures étaient ensuite authentifiées - et vérifiées par l'autorité municipale. Souvent faux et délivrés avec facilité, ils avaient permis les rentrées clandestines[8]. Pendant le régime consulaire, plusieurs autres mesures de pacification régularisent ces rentrées. La première, l'arrêté du 28 vendémiaire an IX (19 octobre 1800), permet aux Français émigrés qui ont fait l'objet d'une radiation provisoire ou définitive (des registres civiles), de rentrer en France. En échange, il doivent jurer fidélité dans les vingt jours à la publication de l'arrêté selon la formule suivante : "Je promets fidélité a la constitution". Le Sénatus-consulte du 6 floréal an X (25 avril 1802) complète un peu plus l'œuvre de pacification du Consulat puisqu'il accorde l'amnistie générale aux émigrés[9]. La loi des otages du 24 messidor an VII (12 juillet 1799) est également supprimée : cette loi permettait d'arrêter les parents d'émigrés et les rebelles coupables d'émeutes ou de troubles insurrectionnels.

[modifier] Sous la Restauration française

Le Premier Empire et Napoléon Ier chutent le 6 avril 1814. Dès lors, les émigrés reviennent après deux décennies d'absence, en même temps que le pouvoir monarchique : Louis XVIII, alors émigré à Londres, monte sur le trône de France. Certains reviennent, mais pas tous : la plupart des émigrés restent dans le pays où ils ont élu domicile, sans oublier les émigrés morts en exil, qui ne rentreront jamais en France.

Les émigrés rentrés au pays exigent la restitution de leurs biens, confisqués lors de la Révolution. Charles X règle la question de ces biens nationaux le 23 mars 1825, via la "loi du milliard des émigrés" : il s'agit d'une loi en faveur des émigrés de la Révolution, qui prévoit une somme légèrement inférieure à un milliard de Francs, qui doit être partagée entre cinquante milles nobles en l'espace de cinq ans. Cette loi permet donc, de régler définitivement le problème des biens nationaux puisque l'État entérine leur possession. Cette décision provoquera l'indignation de la population.

[modifier] Bibliographie

  • Ministère des Affaires Étrangères, Direction des archives, Les Français à l'Étranger et la Révolution, Nantes, 1989
  • Pinasseau Jean, L'Émigration militaire : campagne de 1792, Paris, Picard, 1971
  • De Diesbach Ghislain, Histoire de l'Emigration 1789-1814, Librairie académique, Perrin, 1984
  • Tulard Jean, La Contre Révolution, origines, histoire, postérité, Librairie académique, Perrin, 1990
  • Tulard Jean, Histoire et dictionnaire de la Révolution Française, Robert Laffont, 1998
  • Dupuy Roger, la Noblesse entre l'exil et la mort, Rennes, Édition "Ouest-France", 1989
  • Fourneron Henri, Histoire Générale des émigrés pendant la Révolution Française, Paris, Éditions Plon, 1884

[modifier] Notes et références

  1. Jean Tulard, Histoire et Dictionnaire de la Révolution Française, 1998
  2. voir Armée des émigrés
  3. voir Calendrier Républicain
  4. voir Calendrier Républicain
  5. voir Régime concordataire
  6. voir Gallicanisme
  7. Ministère des Affaires Étrangères, Direction des archives, Les Français à l'Étranger et la Révolution, Nantes, 1989
  8. voir la loi relative à http://ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/lois_penales_revolution_francaise/lois_penales_revolution_francaise_2.htm
  9. Ier Empire Documents - Bulletin des Lois