Ásatrú

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Odin chevauchant Sleipnir
Odin chevauchant Sleipnir

L’Ásatrú (qui signifie littéralement « loyauté aux Æsir », en islandais) est une religion ethnique polythéiste basée sur la mythologie nordique[1] qui comporte deux familles de dieux, les Æsir et les Vanir. C'était la religion dominante en Europe non romaine avant la conversion des tribus germaniques et scandinaves au christianisme. Cette religion, en sommeil depuis le XIIe siècle, est en phase de réveil depuis le XIXe siècle. Le nom d’Ásatrú est apparu d’ailleurs à cette époque ; les pratiquants préchrétiens ne donnaient pas de nom à leur religion. On rencontre également cette religion sous le nom d’odinisme. Ásatrú est souvent utilisé pour qualifier la croyance purement scandinave et l'Odinisme s'étend aux peuples germaniques (voir le chapitre Croyances).

Les pratiquants de l’Ásatrú sont parfois appelés asatruer ou asatruar ou encore truar.

Sommaire

Forme historique

La mythologie nordique plonge ses racines dans les religions proto-indo-européennes, dont elle est la branche nordique. Cette particularité explique les points communs nombreux qu’on peut trouver entre cette religion et les religions grecque, slave ou celte, par exemple, cependant, une fusion avec des religions plus anciennes, lapones ou finlandaises, expliquerait nombre de ses particularités.

Les informations qui sont arrivées jusqu’à nous sont assez rares et fragmentaires et d’autant plus sujettes à caution qu’elles ont pour la plupart été rédigées par des chrétiens, pendant l’âge d’or de la culture islandaise (XIIe - XVe siècle). Cependant des poèmes comme l' Hávamál, attribué à Odin sont spécialement importants pour comprendre les racines de la religion nordique. On peut trouver d’autres guides dans le folklore allemand ou nordique, toujours imprégnés de leur passé près de huit siècles après la conversion du roi de Suède.

La forme moderne

De nos jours, l’Ásatrú est une religion reconstruite. Ce n’est pas une religion néopaïenne au sens usuel, et la majorité des fidèles rejettent cette étiquette. La pratique est basée sur les enregistrements historiques disponibles, leurs interprétations et leur extension. Les rites varient d’un groupe ou d’une église à l’autre, mais seulement dans leurs détails. L’Ásatrú se propage grâce à un fort fond littéraire.

Après avoir peu, voire pas, de pratiquants durant des siècles, l’Ásatrú réapparut au cours du XIXe siècle sous l’impulsion du romantisme. Des groupes organisés apparurent en Allemagne au début du XXe siècle. Plusieurs membres fondateurs du nazisme faisaient partie de la Société de Thule, un groupe d’étude sur l’Antiquité germanique, bien qu’il semble que ce ne fut qu’un élément marginal qui ne se soit pas généralisé au parti entier.

La seconde renaissance de l’Ásatrú débuta à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix. En 1973 le gouvernement islandais reconnaît l’Ásatrú comme une religion d'État officielle, principalement grâce aux efforts de Sveinbjörn Beinteinsson. Dans le même temps, Else Christiansen débuta l'édition du journal « The Odinist » au Canada. Aux États-Unis, Steve McNallen, un officier de l’armée de terre américaine, lança l'édition d’un journal intitulé « The Runestone » et créa The Ásatrú Free Assembly renommée par la suite Ásatrú Folk Assembly.

De nos jours, on peut trouver des fidèles asatruer à travers le monde entier, mais principalement en Scandinavie, en Europe de l’Ouest, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il n’existe en revanche pas d’estimation fiable du nombre exact de fidèles.

Les groupes Ásatrúar sont en général en faveur d’organisation démocratique, inspirée des Things parlementaires des Vikings. Elles sont également en faveur de la libre expression des fidèles, restant ainsi fidèles aux sagas. Il n’existe aucune autorité centrale, et les groupes religieux sont en général de petites tailles et fractionnés.

Les asatruar modernes se rencontrent souvent via Internet pour organiser des rencontres et des cérémonies (voir blót et sumbel).

Depuis le 22 juin 2007, l'Odinisme est reconnu officiellement par l'Espagne comme religion.

Croyances

La plus grande majorité des pratiquants ne voient pas la mythologie comme une vérité littérale, mais comme une vérité métaphorique. Il n’existe pas de théologie orthodoxe de la religion asatruar, bien qu’il existe des écoles de pensées. La nature est adorée, relativement à sa représentation dans le Panthéon nordique, mais également révérée dans la pratique. Cependant, l’Ásatrú n’est pas une religion repoussant les innovations techniques.

La comparaison entre l’Ásatrú et d’autres religions est assez délicate et consisterait plutôt à mettre en lumière leurs différences que leurs points communs. Dans la religion asatruar, les dieux ne sont pas les êtres omnipotents et infaillibles, ni même immortels et on ne les adore pas comme tels. Ils sont plus considérés comme des amis dont la sagesse et la puissance peuvent venir en aide à point nommé. De plus, il est important de souligner que les dieux du nord ne sortent pas tout en armes de la tête de leur géniteur et qu’ils ne restent pas immuables devant le passage du temps. Ils sont le produit de leur existence, comme on peut le voir en étudiant la vie de Loki, le géant du feu ou mieux, celle de Freyr, le dieu de la vie. Les hommes, créés par Odin et ses frères, sont très proches des dieux, par leur comportement et les relations hommes/dieux sont en quelque sorte familiales.

Autrefois, il n'était pas rare qu’un Scandinave punisse le dieu qui l’avait trahi en lui retirant (pour un temps) son adoration et ses offrandes. C’est d’ailleurs ce trait de caractère qui rendit l’implantation de la religion chrétienne si délicate dans ces contrées : au moindre revers, Jésus était mis au coin au profit des Æsir et des Vanir.

La religion asatruar, depuis son origine, ne comporte aucune liste de comportements à proscrire, à la différence de la plupart des autres religions. La recherche d’un compromis entre la liberté et la responsabilité est en revanche un thème central dans la littérature légendaire, mystique et historique de cette religion, littérature que les membres des églises asatruer sont tenus d’étudier sérieusement. Certains comportements condamnés dans d’autres religions (comme la fierté) sont considérés comme des qualités, à condition qu’ils soient correctement exprimés. Il n’est jamais question de rédemption, de sauvegarde, ni même de perfection dans l’Ásatrú, et la théorie de la vie après la mort est sans doute le reflet de la justice expéditive des temps anciens.

De même, cette religion voit d’un assez mauvais œil le prosélytisme. Pour elle, le croyant doit venir de lui-même.

Bien qu’elle descende d’une culture guerrière, l’Ásatrú n’est pas une religion misogyne : Odin fit l’homme et la femme de deux branches distinctes, la déesse de l’amour est également une déesse guerrière et dans l’Antiquité nordique, hommes et femmes pouvaient être appelés à se battre (voir par exemple l’article sur les Berserkir). C’est pourquoi hommes et femmes sont considérés à de nombreux égards comme égaux, bien que différents et les femmes ont un rôle important à jouer dans les rites asatruer.

Le culte des dieux nordiques et germaniques est sujet à des variations régionales, dues à l’interprétation subjective des pratiquants les plus influents (goðis). Par exemple, en Islande, beaucoup considèrent l’Ásatrú comme une religion orientée politiquement à gauche, alors que certains pratiquants allemands ou américains sont parfois clairement d’extrême droite. Entre autres choses, elles ne réservent l’adhésion à leur Église aux seules personnes d’origine germanique ou nordique. Dans tous les cas, le pratiquant devra se rapprocher avec prudence des associations religieuses qu'il ne connait pas.

En France, l’Ásatrú ne tient pas compte de l'origine des individus : chacun peut se réclamer de l’Ásatrú, quelle que soit son origine ethnique, tant qu'il a la foi. D’autres estiment que l’Ásatrú est la religion naturelle des Scandinaves, des Germains et des Anglo-Saxons : il n’y aurait donc aucune raison que d’autres peuples puissent se réclamer de l’Ásatrú.

Rites

Le blót

Un blót est un rite asatruer qui honore les dieux, généralement centré autour d’un dieu du panthéon. Ce rituel peut-être très formel, mais l’idée sous-jacente est plus proche de l’invitation d’un membre de la famille à sa table que d’une messe. Nourriture et boisson sont souvent offertes à cette occasion. La plupart seront consommées par les participants, et la partie destinée à la divinité sera versée au sol, comme offrande. La boisson traditionnelle à cette occasion est l’hydromel ou la bière.

Le sumbel

Le Sumbel est un rite dans lequel une boisson est passée d’un membre à l’autre d’une assemblée réunie en cercle. À chaque passage de la boisson, les participants font une déclaration, un toast, ou un serment.

Le toast honore un goði (mentor), un dieu ou un proche. La déclaration est en général une opportunité pour le participant de s’enorgueillir d’un succès. Le serment est en général la promesse d’accomplir une action dans un futur proche. Les participants sous serment sont liés par la promesse et sont tenus de la respecter.

Le Seydr (ou Seith ou sayth)

C’est un rite shamanique, réservé aux initiés permettant de prédire l’avenir ou de modifier le hamr, c’est-à-dire la nature de la forme physique, à la suite d’une transe.

Les Corps et hauts festivals

Selon les croyances Asatruar (et aussi dans l'Odinisme et l'Odalisme), l'homme est constitué de cinq corps que sont :

  1. le corps physique, lík,
  2. le corps éthérique, várðr,
  3. le corps astral, Hamr,
  4. le corps mental, Hugr,
  5. le corps spirituel ou ánd.

L'amélioration du corps éthérique peut débuter seulement quand le corps physique est satisfait. L'amélioration du corps astral peut débuter seulement quand le corps éthérique est satisfait. L'amélioration du corps mental peut débuter seulement quand le corps astral est satisfait. L'amélioration du corps spirituel peut débuter seulement quand le corps mental est satisfait. Le but du paganisme et des rites païens est de satisfaire tous nos corps, nous instruire et de nous élever finalement au divin.

Pour réaliser ceci, les hauts festivals païens ont plusieurs étapes. Le voyage vers l'emplacement des rites (un théâtre, un monticule funèbre, le sommet d'une montagne, un espace boisé, une source sainte ou autres endroits) est la première étape. Ce déplacement fait partie intégrante de la cérémonie : il représente un effort physique parfois épuisant tout en créant une atmosphère propice à la solennité du rituel.

Le jeu religieux est la deuxième étape. Les prêtres et prêtresses jouent une scène (une tragédie ou une comédie, selon le type de haut festival), avec des masques et des costumes pour personnifier les dieux et les déesses. C'est un moment fort pour la congrégation, stimulant les émotions, l'imaginaire et les capacités de concentration des membres. La musique et divers types d'expressions artistiques font souvent partie intégrante des cérémonies. Ils sont utilisés comme catalyseurs émotifs. Lors d'une cérémonie d'initiation le candidat participe au jeu le plus souvent démasqué, ignorant ce qui va se produire. Naturellement de tels rituels ne peuvent être vus que par les individus de la congrégation qui sont déjà passés par cette initiation particulière.

L'examen est la troisième étape. Pendant la cérémonie d'initiation, le candidat doit dire ou faire quelque chose pour influencer la conclusion, pour que la cérémonie se termine comme il se doit. Le candidat a été normalement instruit à l'avance par un Mystagog (un précepteur religieux) sur la façon de réagir à différentes éventualités, ainsi lui ou elle devrait savoir quoi dire ou faire, mais parfois les candidats doivent se figurer d'eux-mêmes.

La graduation (des candidats) ou la conclusion est la quatrième étape. Le « but » du jeu est dévoilé au candidat, qui est accepté ou rejeté par les dieux et les déesses(incarnés par les prêtres et les prêtresses). La présente partie de la cérémonie se termine quand le soleil se lève, et que le candidat a été accepté en tant qu'élément de la congrégation ou dans un certain sens, a un nouveau rôle dans la congrégation.

La célébration est la cinquième étape. Quand le jeu rituel est terminé, la cérémonie se clôt avec un grand festin, le premier pour le candidat maintenant initié. La cérémonie se termine dans le silence et le repos.

Critiques

Le FBI, dans le texte du Projet Megiddo, a désigné les croyances odinistes comme "racistes" et susceptibles de commettre des actes terroristes aux États-Unis à l'approche de l'an 2000[2]. Trois groupes religieux mis en cause ont réagi à la suite de ces accusations.[3]

Voir aussi

Articles connexes

Notes

  1. On se reportera à l’article mythologie nordique ou aux ouvrages de Georges Dumézil, H. R. Ellis Davidson ou Hans Günther pour plus de détails sur cette période.
  2. "adherents of racist belief systems such as Odinism"
  3. Dépêche de trois groupes "odinistes"