Toraja

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Les Toraja sont une population du sud de l'île indonésienne de Célèbes. On estime leur nombre à environ 650 000, dont 450 000 dans le kabupaten (département) de Tana Toraja ("pays des Toraja").

Le nom "toraja" viendrait du bugis to ri aja, "gens des hautes terres".[réf. nécessaire]

La langue toraja appartient au groupe dit "sulawesien" de la branche malayo-polynésienne des langues austronésiennes.

Ensemble de maisons typiques Toraja près de Makale
Ensemble de maisons typiques Toraja près de Makale
Tombes Toraja à flan de collines près de Makale
Tombes Toraja à flan de collines près de Makale

Sommaire

[modifier] Culture

L'opinion la plus répandue oppose les Toraja à leurs voisins Bugis.

Sur le plan linguistique, la langue la plus proche du bugis est le toraja.

Sur le plan des croyances, on trouve des similitudes dans les mythes des origines des deux populations, à savoir que leurs ancêtres, soit sont descendus du "monde supérieur", soit sont montés depuis le "monde inférieur" pour mettre de l'ordre sur terre.

Toutefois, un autre mythe toraja raconte que leurs ancêtres sont venus d'au-delà des mers pour venir s'installer dans leur terre actuelle en remontant la rivière Sa'dang (ou Saddang). Ce deuxième récit traduit peut-être une certaine réalité concernant l'origine des classes dominantes, non seulement toraja mais aussi bugis, makassar et mandar.

L'opinion la plus répandue voit également dans les Bugis l'ennemi héréditaire des Toraja. En réalité, au cours de l'histoire, les relations entre les deux peuples furent bien plus souvent pacifiques que belliqueuses. Très tôt, Toraja et Bugis ont entretenu des relations commerciales, échangeant le fer, l'or, les produits de la forêt et plus tard, le café du pays toraja contre le sel, le poisson séché, les buffles albinos, la soie et la verroterie.

Les Toraja entretenaient des liens étroits avec les princes bugis et de Luwu'. La tradition bugis elle-même veut que plusieurs petites principautés bugis aient été fondées par des princes toraja de Sangalla' au XIVe siècle.

Toraja et Bugis partagent bien plus de traits culturels communs qu'on ne le perçoit de prime abord. Certains chercheurs pensent que par exemple, ce sont les Toraja qui ont appris aux Bugis l'art de travailler l'or, l'argent et le fer. Jusqu'au XVIe siècle, les rites mortuaires bugis étaient semblables à ceux des Toraja, qui les observent encore aujourd'hui.

L'essor depuis les années 1970 d'un certain tourisme exigeant l'"authenticité" et la "différence" a poussé les guides locaux et étrangers à insister sur ce qui distingue les Toraja des Bugis.

[modifier] Religion

Aujourd'hui, près d'un Toraja sur deux est chrétien. Les autres sont soit musulmans, soit adeptes de la religion traditionnelle, aluk, qui est encore très vivante. Le gouvernment reconnaît désormais cette religion traditionnelle sous le nom d'Aluk To Dolo ("la voie des ancêtres").[réf. nécessaire]

Isolés dans leurs montagnes, les Toraja sont longtemps restés à l'écart des grands courants d'échanges maritimes et commerciaux qui a permis la diffusion de l'Islam dans l'archipel indonésien. À la fin du XIXe siècle, les Hollandais s'inquiètent de plus en plus de la diffusion de l'Islam dans le sud de Célèbes, notamment parmi les Bugis et les Makassar. Ils voient dans les populations des hautes terres des chrétiens potentiels. Dans les années 1920, l'"Alliance Missionaire Reformée" de l'Eglise réformée hollandaise entreprend un travail missionaire avec le soutien du gouvernement colonial.

[modifier] Les rites funéraires

Chez les Toraja, les rites funéraires sont très importants. L'enterrement officiel peut avoir lieu longtemps après la mort. Tant que la cérémonie funéraire n'a pas eu lieu, la personne est considérée comme "malade", to masaki' en langue toraja.

La caractéristique unique est l'enterrement dans des tombes creusées dans des falaises, avec des balcons où sont posées des poupées à l'effigie des défunts. Chaque caveau, fermé par un système de verrouillage secret, abrite les membres d'une même famille. Les corps sont enveloppés dans des linceuls ornés d'or, et le pillage des sépultures est considéré comme le crime le plus grave. Les tau-tau (mot dérivé de tau ou to, "personne", la réduplication indiquant un affaiblissement du sens), effigies de bois, sont placées dans des niches à côté des tombeaux. Sculptées à l'image des défunts, elles honorent leur souvenir. Ainsi les vivants peuvent contempler les morts et inversément. Les tau-tau en bois de jacquier sont sculptés par des spécialistes qui ont, aussi, une fonction religieuse : ils intercèdent auprès des dieux. La position des mains est rituelle, une main, paume tendue vers le ciel, reçoit les bienfaits que l'autre rend. Seuls les nobles, to parange' (c'est-à-dire les garants de la tradition) ont droit à leur effigie. Le coq symbolise le courage, le sens de la justice. Les combats de coqs organisés lors des funérailles sont des témoignages de la grandeur d'âme du défunt.

Alignés devant le tongkonan, la maison familiale, ces édifices en bambou, décorés avec des feuilles de cordyline, une plante sacrée aux couleurs chatoyantes, servent à transporter les porcs dont le sacrifice apportera fertilité et fécondité lors de la grande fête Ma'bua'. Qu'il serve aux sacrifices, à la nourriture ou qu'il nettoie les allées en mangeant les ordures, le porc joue un rôle essentiel. Les festivités s'étendent sur deux ans. Elles sont offertes par de riches familles qui, parfois, s'associent. Les fêtes réunissent souvent jusqu'à plusieurs milliers de personnes. Les rituels mortuaires donnent lieu à de nombreux sacrifices de buffles. Le premier buffle immolé l'est toujours à l'ouest de la maison. La gorge tranchée par un violent coup de parang (sorte de machette), celui-ci va tomber et agoniser en quelques secondes. Des enfants se précipitent pour recueillir son sang dans des tubes de bambou. Les Toraja croient que les buffles accompagnent le défunt au pays des morts. Pour l'aider à tenir son rang dans l'au-delà, on en immole le plus grand nombre. C'est là un signe de prestige. L'enterrement a parfois lieu des années après la mort. La mise au tombeau constitue un moment important du rituel. Le cortège funèbre s'arrête sur le chemin de la sépulture, les femmes et les enfants retournent au village car ils ne sont pas admis à escorter le mort jusqu'à son tombeau, aménagé dans une grotte. Enveloppée dans un linceul rouge et or, la dépouille est hissée le long d'un échafaudage, tandis que l'on ouvre la porte du caveau de la famille.

Chez les Toraja, quand le tambour résonne, "un feu s'éteint" : quelqu'un se meurt. Comment les vivants l'aideront-ils à réussir sa mort et sa survie dans l'au-delà ? Deviendra-t-il lui-même un dieu ou un ancêtre bienfaisant ? A la lumière des rites funéraires, mythes et croyances, le culte des morts en pays toraja est très complexe mais très fascinant.

[modifier] Bibliographie

  • Pelras, Christian, The Bugis, Hardcover, 1996
  • Rappoport, Dana, Musiques rituelles des Toraja Sa'dan ; musiques du soleil couchant, musiques du soleil levant (Célèbes-Sud, Indonésie), Lille, Atelier National de Reproduction des Thèses (ANRT), 1997

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

Cultural Survival Quarterly, 31 janvier 1990 : "Cultural Commoditization in Tana Toraja, Indonesia" par Kathleen M. Adams