Tonneaux monstres

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Des premiers tonneaux, de faible capacité, conçus en Gaule cisalpine pour la transport puis la conservation du vin, aux tonneaux monstres du XVIIIe siècle construits pour récolter la dîme, il y a tout l'art du tonnelier, son évolution et ses limites techniques. Celles-ci ont sans doute été atteinte en 1950. Depuis on a fait mieux mais en béton armé.

Sommaire

[modifier] Les premiers tonneaux

Bas-relief de Cabrières-d'Aigues avec la première représentation connue de tonneaux.Musée Calvet d'Avignon
Bas-relief de Cabrières-d'Aigues avec la première représentation connue de tonneaux.
Musée Calvet d'Avignon

Au musée Calvet d’Avignon, se trouve sur un bas-relief, découvert à Cabrières-d’Aigues, la première représentation connue de tonneaux. La scène montre deux esclaves halant une barque dirigée par un nautonier, dans celle-ci deux barriques cerclées en bois[1] et, positionnées au-dessus, quatre amphores à fond plat avec trois autres récipients ressemblant à des bonbonnes.

Il s’agit, très certainement, du reste d’un monument à la gloire d’un négociant spécialisé dans le trafic des vins du «pagus aquensi »[2] sur la Durance.

[modifier] Les tonneaux d’Heidelberg

La visite du château d’Heidelberg, dans le Bade-Wurtemberg, est célèbre pour ses caves, auxquelles on accède par une vaste cour ayant servi de place d’armes. Creusées sous un bâtiment qui n’a pas résisté à l’outrage des hommes, elles abritent deux gigantesques tonneaux. Chefs d’œuvres sous tous les rapports (capacité, ornementation, perfection du travail de tonnellerie), ils ont été construits, en 1751, sous le règne du Grand Électeur Charles-Théodore et lui auraient coûté la somme de 80 000 florins.

Un des tonneaux du château d'Heidelberg
Un des tonneaux du château d'Heidelberg

Le plus petit contient 3 000 hectolitres et le plus gros 4 400. Ce dernier était orné de sculptures de bois, aujourd’hui disparues, représentant l’apothéose de Bacchus. Son sommet reçut, dès le XVIIIe siècle, une plate-forme, où l’on pouvait boire, manger et danser tout à son aise, elle était desservie par deux escaliers.

Chaque année, les châtelains buvaient un centième de leur contenu, que remplaçait une égale quantité de vin apporté en dîme par les vignerons du Rhin.

On raconte, à Heidelberg, que pendant les guerres de l’Empire, les soldats de Napoléon, burent tout le contenu des tonneaux, et que, très courroucée, la cité wurtembergeoise réclama une indemnité après Waterloo.

En face des tonneaux, contre la muraille, se trouve une statue de bois représentant un petit homme grotesque, le célèbre Perkéo, bouffon de la Cour. Suivant la légende, il buvait ses dix-huit litres de vin par jour ! Ce qui ne laissait, en tout et pour tout, qu’une consommation journalière de 2,27 litres à ses maîtres. L’horloge, auprès de cette statue, aurait été construite par le bouffon lui-même. Et, comme on peut être ivrogne et facétieux, quand on tire l’anneau, suspendu au dessous, le cadran se lève, une queue de renard caresse le visage du curieux, tandis que retentit la sonnerie.

[modifier] Le tonneau de Ludwigsburg

Malgré leur réputation, les tonneaux du château d’Heidelberg, ne sont ni les plus grands, ni les plus beaux, ni les plus anciens. La palme revient au gigantesque foudre qui repose dans les caves du vieux château de Ludwigsburg, sur les bords du Necker, près de Stuttgart.

D’après les documents, soigneusement conservée dans le bibliothèque du château, il fut construit, en 1719, sur ordre du duc Eberhard-Louis, par son tonnelier J.W. Aekermann, et le sculpteur Kaspard Selfried fut chargé de l’ornementation. Cette réalisation exigea l’emploi de trente chênes, cinq hêtres et un poirier ! Mais son coût de construction n’a pas excédé 1108 florins et 43 kreutzers.

D’une capacité de 5 430 hectolitres, il était lui aussi réservé à la dîme seigneuriale, il fut rempli pour la dernière fois en 1847. Sa moindre renommée face à son rival wurtembergeois est sans doute dut à son emplacement sous une voûte basse et sombre, qui n’a jamais permis de faire sur son dos les festivités bachiques si chères aux visiteurs d’Heidelberg.

[modifier] Le tonneau de Nagykanisa

A l’exposition universelle de 1878, la Hongrie envoya, dans trois wagons, un énorme tonneau qui fut l’attraction de son stand. Il était l’œuvre de M. Gutmann, tonnelier à Nagykanisa. Ce «petit » chef d’œuvre d’une longueur de 5,50 m et d’un diamètre égal à la bonde, avait nécessité des douelles de 20 cm d’épaisseur et pouvait contenir 1 000 hectolitres. Sa façade était ornée d’une scène de vendanges. Son prix de revient fut estimé, à l’époque, aux environs de 10 000 florins. Durant l’exposition, il fut ouvert au public et 160 personnes pureent se tenir à l’aise à l’intérieur.

[modifier] Le tonneau de Thuir

Mais ces records des siècles passés on largement été dépassé par la technique moderne. Aujourd’hui le record de la plus grande cuve du monde appartient à la maison Byrrh, à Thuir, dans les Pyrénées Orientales, avec une contenance de 10 002 hectolitres – soit plus d’un million de litres – Ce géant, construit par la société française de tonnellerie Marchive-Fruhinsholz[3], a une hauteur de 10 m, pour un diamètre de base de 12,42 m, celui du haut atteignant 10,48. Ses douelles en chêne ont un épaisseur de 16 cm pour le fond et de 14 cm pour les parois. La cuve pèse à vide 110 tonnes et pleine 1100.

Pour résister à la pression son cerclage a nécessité des rondins d’acier de 4 cm d’épaisseur. Pour la petite histoire la maison Byrrh passa sa commande en 1935 et réceptionna sa cuve en 1950. Il est à signaler que ce «monstre » a un petit frère de 4 205 hectolitres qui plafonne à 7,20m, avec un diamètre de 9,30 m. Ce bébé pèse à vide 35 tonnes et 455 quand il est plein.

[modifier] L’astuce argentine

Il faut croire que la cuve catalane marquait une limite pour la tonnellerie. Quand, en 1971, les «Bodegas y Vinedos Penaflor » voulurent faire construire une cuve d’une contenance de 52 520 hectolitres, pour leurs entrepôts de Coquimbito, dans la province de Mendoza, en Argentine, ce fut le béton armé qui fut choisi.

Ce monument a 6 mètres de haut pour un diamètre intérieur de 36 mètres avec des parois épaisses de 50 cm. Pour loger cette cuve il a fallu creuser une excavation de 33 000 m³, sa réalisation a nécessité 120 000 kg de fer, 575 000 de ciment et 1146 m³ de sable et de gravier.

[modifier] Notes et références

  1. Martine Sciallano, op. cité, signale un autre cas de cerclage en bois : «Une bacholle (tinette) sculptée dans la pierre, conservée au musée d’Arles, présente des ligatures de ces cerclages. Les extrémités amincies se chevauchent et sont maintenues par des brins d’osier. Dans tous les cas les fûts apparaissent entourés de plusieurs cercles de bois (noisetier, châtaignier).
  2. Cette dénomination latine a été déclinée sous deux formes : le pays d'Aigues, au nord de la Durance ; le pays d'Aix, au sud.
  3. La tonnellerie Marchive-Fruhinsholz, patrimoine de France

[modifier] Bibliographie

  • Adolphe Bitard, La tonnellerie in Les Arts et Métiers illustrés, T. II, Éd. Jules Rouff & cie, Paris, s.d. mais après 1883.
  • Martine Sciallano, L’art du tonnelier, Istres,1993.

[modifier] Voir aussi

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