Théorème fondamental de l'analyse

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Isaac Newton, historiquement reconnu comme l'auteur du théorème fondamental de l'analyse, portrait par Godfrey Kneller (1689)
Isaac Newton, historiquement reconnu comme l'auteur du théorème fondamental de l'analyse,
portrait par Godfrey Kneller (1689)

Le théorème fondamental de l'analyse (ou théorème fondamental du calcul différentiel et intégral) déclare que les deux opérations de base de l'analyse, la dérivation et l'intégration, sont réciproques l'une de l'autre.

Ceci signifie que si une fonction est d'abord intégrée et ensuite dérivée, alors la fonction initiale est retrouvée.

Une conséquence importante de ce théorème, appelée parfois le deuxième théorème fondamental du calcul différentiel et intégral est de permettre de calculer une intégrale en utilisant une primitive de la fonction à intégrer.

Sommaire

[modifier] Explication intuitive

Intuitivement, le théorème dit simplement que si vous connaissez tous les petits changements instantanés d'une certaine quantité, alors vous pouvez calculer le changement général de cette quantité en additionnant tous les petits changements.

Pour se donner une idée de cette affirmation, commençons par donner un exemple. Supposons que nous voyagions sur une ligne droite, et que nous partions à l'instant t = 0, et avec une vitesse variable. Si t\mapsto d(t) indique notre distance à l'origine et t\mapsto v(t) représente notre vitesse à l'instant t, alors v(t) est le taux d'accroissement « infinitésimal » de d et est la valeur de la dérivée de d en t. Supposez que nous n'ayons qu'un compteur de vitesse qui indique la vitesse v(t), et que nous voulions retrouver notre distance d(t). Le théorème fondamental de l'analyse dit que nous devons primitiver v afin d'obtenir d. Et ceci est exactement ce que nous aurions fait, même sans connaître ce théorème : enregistrer la vitesse à des intervalles réguliers, peut-être toutes les minutes, et alors multiplier la première vitesse par 1 minute pour obtenir une estimation de la distance parcourue dans la première minute, puis multiplier la deuxième vitesse par 1 minute pour obtenir la distance parcourue dans la deuxième minute etc., et enfin ajouter toutes les distances précédentes. Pour obtenir une même meilleure estimation de notre distance actuelle, nous avons besoin d'enregistrer les vitesses à des intervalles de temps plus courts. La limite quand la longueur des intervalles tend vers zéro est exactement la définition de l'intégrale de v.

[modifier] Écriture formelle du théorème

[modifier] Première partie

Formellement, le théorème affirme que si la fonction f est continue sur un segment [a,b], alors la fonction F définie sur [a,b] par

F(x)=\int_a^x f (t)\,\mathrm dt .

est dérivable sur l'intervalle et sa dérivée est égale à f. Ici, t est une variable muette qui est seulement utilisée dans le but de l'opération d'intégration. De plus, si G est une fonction dérivable sur [a,b] telle que G'(x) = f(x), alors la fonction FG est constante.

Voici une démonstration du théorème ci-dessus. Soit x0 un réel de I, h un réel non nul et x_0+h \in I. D'après la relation de Chasles :

F(x_0+h)-F(x_0)=\int_a^{x_0+h} f (t) \mathrm dt-\int_a^{x_0} f (t) \mathrm dt=\int_{x_0}^{x_0+h} f (t) \mathrm dt
  • Si h > 0, appelons mh et Mh la borne supérieure et la borne inférieure de f(t) sur l'intervalle [x0;x0 + h]. D'après les propriétés de base de l'intégrale, on a
      hm_h\le \int_{x_0}^{x_0+h}f(t)\mathrm dt \le hM_h,
    ou encore
      m_h\le \frac{ F(x_0+h) - F(x_0)}{h} \le M_h
    (on a utilisé ici le fait qu'une fonction continue sur un intervalle fermé borné est bornée et atteint ses bornes). D'après le théorème des accroissements finis, il existe un nombre \xi_h\in [x_0;x_0+h] tel que
     \frac{ F(x_0+h) - F(x_0)}{h} = f(\xi_h).
    Quand h tend vers zéro, ξh tend vers x0, et en vertu de la continuité de f, fh) tend vers f(x0).
  • Si h < 0, on procède de même en faisant attention aux signes. Pour montrer la dernière partie, il suffit de voir qu'une fonction continue à dérivée nulle sur un intervalle est constante. Cela résulte du théorème des accroissements finis.

Remarque. Si on suppose f monotone, la démonstration se simplifie. Par exemple, si f est croissante et h > 0, on a mh = f(x0) et Mh = f(x0 + h).

[modifier] Seconde partie

La partie Ⅱ du théorème donne une méthode importante pour calculer l'intégrale de la fonction continue f : si F est une primitive quelconque de la fonction f (c.-à-d. si F vérifie \forall x\in [a,b], F'(x) = f(x)), alors

\int_a^b f(x) \mathrm dx = F(b) - F(a)

Comme exemple, supposons que nous ayons à calculer

\int_2^5 x^2 \mathrm dx

Ainsi, f(x) = x2 et nous pouvons utiliser F définie par F(x) = x3 / 3 comme primitive. On a :

\int_2^5 x^2 \mathrm dx = F(5) - F(2) = \frac{125}{3} - \frac{8}{3} = \frac{117}{3} = 39

Ceci est la méthode inventée par Leibniz et Newton.

[modifier] Généralisations

Nous n'avons pas besoin de supposer la continuité de f sur tout l'intervalle. La partie I du théorème s'écrit alors :

Si f est une fonction intégrable au sens de Lebesgue sur [a,b] et si x0 est un point de Lebesgue de f (c'est en particulier le cas si f est continue en x0), alors F définie sur [a,b] par

F(x) = \int_a^x f(t) \mathrm dt

est dérivable en x = x0 et vérifie F^\prime (x_0) = f(x_0).

La partie Ⅱ du théorème est vraie pour n'importe quelle fonction f intégrable au sens de Lebesgue qui admet une primitive F (toutes les fonctions intégrables n'en admettent pas).

La formule de Taylor avec reste intégral qui exprime le terme d'erreur comme une intégrale peut être vue comme une généralisation du théorème fondamental.

Il existe une version du théorème pour les fonctions de la variable complexe. Supposons que U soit une partie ouverte de \Complex et que f:U\to\Complex admette une primitive F qui soit une fonction holomorphe sur U. Alors pour toute courbe \gamma : [a, b] \to U, l'intégrale sur cette courbe peut être obtenue par :

\int_{\gamma} f(z)\,\mathrm dz = F\bigl(\gamma(b)\bigr) - F\bigl(\gamma(a)\bigr)

Le théorème fondamental peut être généralisé à des intégrales sur des contours ou sur des surfaces dans des dimensions supérieures et sur des espaces vectoriels (voir le théorème de Stokes).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Référence

Walter Rudin, Analyse réelle et complexe : cours et exercices [détail des éditions]