Théorème de Banach-Schauder

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En analyse fonctionnelle, le théorème de Banach-Schauder, également appelé théorème de l'application ouverte est un résultat fondamental qui affirme qu'une application linéaire continue surjective entre deux espaces vectoriels normés complets est ouverte. C'est une conséquence importante du théorème de Baire, qui affirme que dans un espace métrique complet (et donc en particulier dans un espace de Banach), tout intersection dénombrable d'ouverts denses est dense, ce qui permet de généraliser le théorème de Banach-Schauder aux espaces de Fréchet.

Sommaire

[modifier] Énoncé

Soit E et F deux espaces de Banach et f une application linéaire continue de E vers F.

Si f est surjective, alors f est ouverte, i.e l'image de tout ouvert de E par f est un ouvert de F.

[modifier] Démonstration

Pour montrer que f est ouverte, il suffit par linéarité de montrer que l'image de tout voisinage de 0 (dans E) par f est un voisinage de 0 (dans F), i.e

\forall \varepsilon > 0, \exists \eta > 0, B_F(0, \eta) \subset f(B_E(0, \varepsilon))

(Par homogénéité de f, il suffit même de le faire pour un seul \varepsilon). On introduit les fermés suivants :

F_n = \overline{f(B_E(0,n))}

Comme f est surjective, on dispose de l'égalite ensembliste :

F = \bigcup_{n \in \mathbb{N}} F_n

F est un espace de Banach, en particulier il vérifie la propriété de Baire, donc un de ces fermés, FN est d'intérieur non vide : il contient une boule BF(y,η).

Le fermé F2N contient donc la boule BF(0,η). Par homogénéité de f on dispose ainsi d'un entier M tel que :

B_F(0,1) \subset \overline{f(B_E(0,M))}

Il ne reste plus qu'à faire sauter la barre. Par homogénéité de f, on déduit de ce résultat que :

\forall n \in \mathbb{N}, B_F(0,1/2^n) \subset \overline{f(B_E(0,M/2^n))}

Montrons que B_F(0,1) \subset f(B_E(0,3M)). Pour cela, donnons-nous un z \in B_F(0,1)

  • Il existe x0 de norme inférieure à M tel que z1 = zf(x0) soit de norme inférieure à 1/2.
  • Il existe x1 de norme inférieure à M / 2 tel que z2 = z1f(x1) soit de norme inférieur à 1/4.

On construit par récurrence une suite (xn) de points de E telle que ||x_n|| \leq M/2^n et z_n = z - f(x_0 + \cdots + x_n) soit de norme inférieure à 1 / 2n.

La série \sum x_n est absolument convergente, donc comme E est un espace de Banach, elle converge. De plus,

\Big|\Big| \sum_{n=0}^{+ \infty} x_n \Big|\Big| \leq \sum_{n = 0}^{+\infty} ||x_n|| \leq M \sum_{n=0}^{+\infty} \frac{1}{2^n} = 2M

Et, par passage à la limite :

z = f\Big( \sum_{n=0}^{+\infty} x_n\Big) \in f(\overline{B_E(0,2M)}) \subset f(B_E(0,3M))

C'est ce qu'il fallait démontrer.

[modifier] Conséquences

[modifier] Théorème d'isomorphie de Banach

Le théorème de Banach-Schauder a une conséquence fondamentale (en fait, il s'agit d'une forme équivalente du théorème, et non d'un résultat plus faible), appelée théorème d'isomorphie de Banach, théorème de Baire-Banach ou plus simplement théorème de Banach :

Si f est une application linéaire bijective continue entre deux espaces de Banach, alors f est un homéomorphisme.

[modifier] Théorème du graphe fermé

Icône de détail Article détaillé : Théorème du graphe fermé.

Le théorème de Banach-Schauder est également à l'origine d'un puissant critère de continuité des applications linéaires entre deux espaces de Banach, il s'agit du théorème du graphe fermé :

Soit E et F deux espaces de Banach, et f une application linéaire de E dans F. f est continue si et seulement si son graphe est une partie fermée de E \times F.

[modifier] Supplémentaire topologique

Dans le cas de la dimension infinie, rien ne garantit que les projecteurs associés à des sous-espaces supplémentaires soit continus. C'est la raison d'être de la définition suivante :

  • Soient E un espace de Banach et F un sous-espace fermé de E. Un sous-espace G est un supplémentaire topologique si et seulement s'il est un supplémentaire algébrique et s'il est fermé.

Un supplémentaire algébrique, par définition est un sous-espace tel qu'il existe une et une unique manière d'écrire un vecteur de E comme somme d'un vecteur de F et d'un vecteur de G.

Le théorème de Banach-Schauder permet de démontrer la proposition suivante :

  • Les projecteurs associés à des supplémentaires topologiques sont continus.

Ce résultat est la conséquence de la proposition suivante, utilisée par exemple pour démontrer des propriétés d'orthogonalités dans un espace de Banach.

  • Soient E un espace de Banach, F1 et F2 deux sous-espaces vectoriels fermés tel que leurs somme soit fermée. Alors il existe une constante C strictement positive tel que tout x de E admette une décomposition de la forme x = x1 + x2 avec x1 élément de F1, x2 élément de F2 et :
\|x_1\|\le C\|x\|\quad\text{et}\quad \|x_2\|\le C\|x\|

La proposition précédente admet le corollaire suivant :

  • Avec les mêmes notations que la proposition précédente, il existe une constante C strictement positive telle que la distance d entre un élément x de E et l'intersection de F1 et F2 soit donnée par la formule suivante :
d(x,F_1\cap F_2) \le C \Big(d(x,F_1)+d(x,F_2)\Big)\;

Ce corollaire est aussi utilisé pour établir des propriétés d'orthogonalités.[1]

[modifier] Exemple d'application

Soient E=L^1(S^1)\, l'espace de Banach des fonctions intégrables sur le cercle, et F=c_0(\mathbb{Z})\, l'espace des suites complexes indexées par les entiers relatifs et tendant vers zéro. L'application f\mapsto \big(\widehat{f}(n)\big)_{n\in\mathbb{Z}} qui associe à la fonction f la suite de ses coefficients de Fourier est continue et injective de E dans F, mais n'est pas surjective. En effet, si tel était le cas, il existerait une constante C>O\, telle que, pour toute fonction f\in E,

\Vert f\Vert_1\le C\sup_{n\in\mathbb{Z}}\vert \widehat{f}(n)\vert

En appliquant une telle inégalité à la suite des noyaux de Dirichlet D_k\,, on arrive à une contraction. En effet, \Vert D_k\Vert_1=0(\log(k)) alors que les \vert \widehat{D_k}(n)\vert sont bornés par 1.

[modifier] Notes et références

  1. Ce paragraphe ainsi que les démonstrations s'inspirent de la référence : Haïm Brezis, Analyse fonctionnelle : théorie et applications [détail des éditions] p 21-22