Tell Abu Hureyra

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Tell Abu Hureyra est un site de la vallée de l’Euphrate (nord de l’actuelle Syrie, nord-ouest de l’ancienne Mésopotamie), qui a été le siège d’une occupation humaine entre 9500 et 5900 avant JC. Site proche de l'Euphrate, il a été l’objet de fouilles (dirigées par A.M.T. Moore) en 1972 et 1973 avant son engloutissement sous les eaux du lac Assad à la suite de la construction du barrage de Tabqa et de la mise en eau de ce dernier en 1976. Ces fouilles ont donné lieu à deux articles publiés dans « Pour le Science » en 1979 et 1987. Les résultats de ces fouilles ont largement fait progresser les connaissances sur le processus de néolithisation au Proche-Orient.

Le premier article (« Un village pré-néolithique d’agriculteurs sur l’Euphrate ») publié dans le n° 24 de « Pour la Science » en novembre 1979[1], et repris dans le dossier thématique « L’Aube de l’humanité »[2] en 1983, contient les informations suivantes : A l’époque mésolithique, fin 10e-début du 9e millénaire avant JC, seule l’extrémité nord du site (Tell Abu Hureyra 1) est occupée par un simple village. Les outils retrouvés sont typiques de ceux présents à cette époque dans l’ensemble du Proche-Orient et la présence d’importants vestiges végétaux (légumineuses, céréales) et animaux (gazelles, moutons, chèvres, moules d’eau douce, poissons) implique une population déjà sédentarisée pratiquant, outre la chasse, une forme rudimentaire d’agriculture. Après que le village mésolithique ait été abandonné pendant quelques siècles (8500-7500 avant JC), l’ensemble du site fut réoccupé (Tell Abu Hureyra 2) par une population beaucoup plus nombreuse (plusieurs milliers d’habitants) et devint le plus grand établissement du néolithique ancien dans la région : le site était en relation avec l’ensemble du Proche-Orient (Turquie, Mer Rouge, Côte Méditerranéenne) et son développement reposait sur celui de l’agriculture, peut-être irriguée, et de l’élevage. Les objets retrouvés (silex, obsidienne, os, pierres semi-précieuses) ne comportent pas de céramique bien que la présence d’objets d’argile (perles d’argile, figurines) semble prouver que les habitants en connaissaient déjà les propriétés. Après avoir atteint sa taille maximale au 7e millénaire, Tell Abu Hureyra déclina au 6e millénaire et fut définitivement abandonné vers 5900 avant JC : selon Andrew Moore les causes de ce déclin, puis de cet abandon, sont à la fois climatiques (réchauffement de la température, baisse des précipitations) et démographiques (surexploitation des ressources naturelles).

Le second article « La chasse aux gazelles à l’âge de pierre »[3], publié 8 ans plus tard (en août 1987 dans « Scientific American » sous le titre "Gazelles killing in stone age Syria", en novembre 1987 dans « Pour la Science ») complète et réexamine les informations publiées en 1979 en prenant en compte l’étude des restes animaux découverts sur le site effectuée par ses auteurs.
Le village dont la population a évolué de 200 à 300 habitants au mésolithique à 2 000 à 3 000 au néolithique semble avoir été inoccupé entre 8000 et 7500 avant J C. Pendant le mésolithique et au début du néolithique, 80 % des os d'animaux retrouvés sont des os de gazelles de tous âges, ce qui implique des techniques de chasse massive : les chasseurs rabattent les gazelles, lors de leur migration saisonnière, vers de grands enclos (appelés "cerfs-volants" du désert) dans lesquels elles sont abattues. Dès le début de cette période, les habitants semblent avoir eu un mode de vie sédentaire et la présence, quoique minoritaire, d'os de chèvres et de moutons, semble prouver l'existence de l'élevage. Entre 6500 et 6000 avant J.C., l'économie animale du site connaît un bouleversement lié à l'anéantissement des troupeaux de gazelles (chassées alors dans toute la région) : les importances relatives des ossements s'inversent (les os de gazelles passent de 80 % à 20 % du total, alors que ceux des chèvres et de moutons passent de 10 % à 60 %). En conclusion, les auteurs mettent l'accent sur la lenteur et la transition progressive du passage d'une société de chasseurs-cueilleurs à une société d'agriculteurs-éleveurs.

[modifier] Références bibliographiques

  1. Moore, Andrew Michael Tangye.- Un village pré-néolithique d'agriculteurs sur l'Euphrate.- Pour la science, n° 24, novembre 1979, p. 104-113.
  2. Moore, Andrew Michael Tangye.- Un village pré-néolithique d'agriculteurs sur l'Euphrate.- In L'Aube de l'humanité.- Paris : Pour la science, 1983. ISBN 2-902918-30-5, ISSN 0224-5159
  3. Legge, Anthony J. et Rowley-Conwy, Peter.- La chasse aux gazelles à l'âge de pierre.- Pour la science, n° 120, octobre 1987, p. 96-104.- Publié sous le titre "Gazelles killing in stone age Syria", dans "Scientific American", août 1987