Syndrome d'aliénation parentale

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Le syndrome d’aliénation parentale (SAP) a été défini et décrit[1] en 1986 par Richard Gardner, professeur de pédopsychiatrie à l'université de Columbia. Selon lui, il s’agit d’un désordre psychologique qui atteindrait l'enfant lorsque l’un des parents effectue sur lui, de manière implicite, un «lavage de cerveau» visant à détruire l’image de l’autre parent. Lorsque l’opération réussit, l’enfant rejette ou diabolise ce parent qu’il aimait auparavant, et fait indissolublement corps avec le parent aliénant, conformément au désir de celui-ci. Extrêmement controversée, cette théorie, jamais scientifiquement démontrée, fait l'objet de débats d'experts.

Sommaire

[modifier] La théorie du SAP

[modifier] Parents aliénants

Le divorce ou la séparation sont très souvent des moments douloureux. L'amour devient parfois haine, et il arrive qu'un des parents cherche à se venger de l'autre en captant l'enfant. De même, il arrive qu'un parent ne veuille pas « perdre » l'enfant après avoir perdu son partenaire. Il crée donc avec celui-ci un bloc indissociable, dressé contre l'autre parent qui devient le « méchant », responsable de tous leurs malheurs. Certaines fausses accusations d'abus sexuel peuvent être comprises comme une tentative de se convaincre qu'il doit protéger l'enfant.

Selon la description donnée par R. Gardner, quatre critères permettent de diagnostiquer l’action du parent aliénant :

  • l’entrave à la relation et au contact;
  • les fausses allégations d’abus divers;
  • la réaction de peur des enfants;
  • la détérioration de la relation depuis la séparation.

[modifier] Les manifestations cliniques

Richard Gardner a décrit huit manifestations chez l'enfant :

  • Campagne de rejet et de diffamation : le parent rejeté est complètement dévalorisé, quoique l'enfant soit incapable de motiver cette dévalorisation par des exemples concrets.
  • Rationalisation absurde : à l'appui du rejet, l'enfant invoque des motifs dérisoires ou sans rapport avec la réalité.
  • absence d'ambivalence normale : le parent rejeté est décrit comme mauvais exclusivement, le parent aliénant est décrit comme bon exclusivement.
  • Réflexe de prise de position pour le parent aliénant, lorsque les deux parents sont présents, et même avant que le parent rejeté se soit exprimé.
  • Extension des hostilités à toute la famille et à l'entourage du parent rejeté (grands-parents, amis, proches) qui sont à leur tour rejetés avec autant de force.
  • Affirmation d'une « opinion propre » artificielle : il s'agit en fait de l'opinion du parent aliénant, que l'enfant est conditionné à présenter comme venant de lui.
  • Absence de culpabilité du fait de la cruauté supposée du parent adversaire.
  • Adoption de « scénarios empruntés », qui ont été fabriqués par le parent manipulateur : l'enfant les reprend à son compte.

De même, sont décrits plusieurs degrés d'expression et d'intensité des symptômes :

  • Intensité faible : tous les symptômes ne sont pas manifestes, leur degré est moindre et la relation parent-enfant est encore fonctionnelle.
  • Intensité moyenne : tous les symptômes sont présents, mais l'enfant se calme lorsqu'il est en visite chez le parent rejeté.
  • Intensité sévère : dans 5 à 10% des cas la relation avec le parent rejeté est définitivement rompue ou en voie de l'être.

[modifier] Le SAP et le divorce

Dans le cadre des procédures de séparation ou de divorce, l'appropriation, voire la capture de l'enfant peut devenir un enjeu important, soit parce qu'elle permet de détruire moralement le conjoint, soit parce qu'elle permet d'obtenir le contact exclusif avec l'enfant. Pour ce faire, certains parents n'hésitent pas à instrumentaliser leurs enfants, afin de faire basculer le jugement en leur faveur. Les théoriciens du SAP soutiennent donc l'idée que les instances judiciaires doivent avoir connaissance de son processus. Selon les pays, le SAP ne tient pas la même place dans les tribunaux. Ainsi, dans des procédures québécoises, il n’est pas rare que les experts le diagnostiquent chez un enfant, et que des juges en tiennent compte explicitement dans leurs décisions, tandis qu'il est rare qu'il en soit fait mention en France.

[modifier] Validité du "syndrome d'aliénation parentale" sur le plan scientifique

Ce "syndrome" est présenté comme un diagnostic scientifiquement prouvé mais il n'en est rien : il ne fait pas partie de la classification internationale des maladies (DSM IV, CIM+) et les bonnes raisons que les enfants auraient pour rejeter le parent prétendument "aliéné" sont laissées de côté, comme par exemple les violences domestiques. C'est ce que signale par exemple l'American psychological association. Le rapport de cette association signale notamment dans leur rapport à ce sujet :

« When children reject their abusive fathers, it is common for the batterer and others to blame the mother for alienating the children. They often do not understand the legitimate fears of the child. Although there are no data to support the phenomenon called parental alienation syndrome, in which mothers are blamed for interfering with their children's attachment to their fathers, the term is still used by some evaluators and courts to discount children's fears in hostile and psychologically abusive situations." »

Une fois ce soi-disant "diagnostic" posé, tout ce que dit l'enfant est décrédibilisé, un peu comme un innocent qui serait inculpé à tort et que personne n'écoute plus. Le traitement proposé par Gardner consiste à remplacer un prétendu lavage de cerveau" (aliénation parentale) par un autre, qu'il appelle la "déprogrammation", sans aucun respect du droit de l'enfant.

[modifier] En pratique

Le 20 juillet 2006, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu un arrêt en faveur d'un citoyen tchèque, Jiří Koudelka, qui l'avait saisie pour un problème de non-représentation d'enfant, en l'occurrence sa fille, après divorce. Cet arrêt condamne l'État tchèque, mettant en évidence son laxisme et son incapacité à faire respecter les droits de visite du père, pourtant établis par les différentes instances judiciaires. Concernant l'enfant et les pressions exercées sur elle par sa mère pour l'amener à rejeter son père, l'arrêt utilise à cinq reprises l'expression « syndrome d'aliénation parentale ».

[modifier] Controverse

[modifier] Remise en question du syndrome

Plusieurs points sont souvent reprochés à cette théorie du SAP. Tout d'abord, le terme même de syndrome dans l'appellation «syndrome d'aliénation parentale» est sujet à polémiques. En effet, de part sa définition, il induit qu'un enfant ayant tout ou partie des comportements décrits serait aliéné, sans laisser place au doute quant à la possible véracité de ses propos. La théorie du SAP est ainsi critiquée comme pouvant être utilisée pour cacher les comportements graves de certains parents.

Autre critique, la description du SAP ne laisse aucune place à la nuance, caricaturant le «bon» et le «mauvais» parent. Il n'est ainsi nullement fait mention des attitudes du parent dit «aliéné» qui pourraient sinon entrainer l'éloignement de l'enfant au moins l'alimenter (par exemple une faible affection, un manque d'empathie...).

Enfin, la personne de Richard Gardner, inventeur du syndrome d'aliénation parentale, est également à l'origine d'une bonne part de remises en question. En effet, il a passé une bonne partie de sa vie à minimiser la pédophilie sinon à en faire l'apologie[réf. nécessaire].

Pour plus d'informations, on peut se référer au document suivant : "Examen critique des théories et opinions du Dr Richard Gardner en matière de sexualité atypique, de pédophilie et de traitement" (Stephanie J. Dallam) [1]

[modifier] Un manque de fondements scientifiques

Initialement décrit par Richard Gardner, le syndrome d'aliénation parentale n'a jamais fait l'objet d'une étude méthodique et complète par ce dernier. Il a uniquement appuyé son analyse sur des observations cliniques éparses, affirmant ainsi la véracité de son analyse sans jamais en faire la démonstration.

C'est probablement la forte médiatisation qu'il en a faite, ainsi que l'utilisation de cette définition de syndrome dans plusieurs affaires de divorce qui a entrainé les débats scientifiques houleux autour de cette question. Ainsi, on trouve dans la littérature des publications[2] qui remettent nettement en cause l'étude faire par R. Gardner, et illustrent le manque de fondement notable de son argumentation. Il est également à noter que les articles et livres sur le SAP signés par Gardner n'ont jamais été soumis à un quelconque comité de lecture scientifique : ses livres étaient publiés à compte d'auteur et ses articles généralement publiés dans des revues de droit.

[modifier] Richard Gardner

[modifier] En pratique

Il est difficile de contrecarrer un SAP en place. D'où l'intérêt de pouvoir le diagnostiquer au plus tôt, et de prendre les mesures judiciaires appropriées, allant jusqu'à une inversion de la résidence principale de l'enfant du parent aliénant vers le parent aliéné. La justice commence à être informée de ce syndrome, récemment décrit dans la Gazette du Palais du 18 novembre 2007. De plus, un colloque sur l'aliénation parentale, mêlant magistrats et psychanalystes, a lieu à Avignon le 8 février 2008.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

En France, il existe plusieurs associations qui sont dédiées à l'aliénation parentales.

De la même manière, des associations sont impliquées dans la dénonciation de l'utilisation du syndrome d'aliénation parentale lors de séparation impliquant des enfants.

[modifier] Notes et références

  1. Richard A.Gardner. The Parental Alienation Syndrom. Creative therapeutics, Cresskill NJ, 1992 (deuxième édition, 1998)
  2. Warshak, R.A. Current controversies regarding Parental Alienation Syndrome. American Journal of Forensic Psychology, 19 (3), 29-59.