Sillage de Kelvin

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Sommaire

[modifier] Introduction

Le passage d'un bateau ou d'un oiseau aquatique à la surface d'une eau calme produit des ondes de gravité qui forment un motif caractéristique où deux types d'ondes interviennent, les ondes divergentes, surtout visibles sur les bords du cône de sillage, et les ondes transverses (voir plus bas). C'est Lord Kelvin qui le premier a formalisé et résolu mathématiquement le problème.

Image:Wake.avon.gorge.arp.750pix.jpg

[modifier] Notations et équations utiles

On considère un bateau se déplaçant à la surface d'une eau initialement immobile dans le référentiel terrestre. Le bateau a un vecteur vitesse U dans ce référentiel. Soit \bold{r'} = (x',y',z') un système de coordonnées fixe dans le référentiel terrestre. Soit \bold{r} = (x,y,z) un système de coordonnées fixe dans le référentiel du bateau et tel que z corresponde à la verticale et que U soit porté par la droite des x. Le passage d'un repère à l'autre se fait donc par la transformation galiléenne suivante :

\bold{r'}=\bold{r}+\bold{U}t

On considère une onde plane progressive harmonique dont la fonction d'amplitude s'écrit, en notation complexe :

A=A_0\exp[i(\bold{kr'}-{\omega}t)]

A0 est l'amplitude maximale (éventuellement complexe), k est le vecteur d'onde (dont la norme est la pulsation spatiale) et ω est la pulsation temporelle de l'onde. En remplaçant r' par sa valeur en fonction de r, et en regroupant les termes, on obtient :

A=A_0\exp[i(\bold{kr}-(\omega-\bold{kU})t)]

Ainsi l'onde vue depuis le bateau est perçue avec une fréquence temporelle ω-kU différente de celle que perçoit un observateur immobile dans le référentiel terrestre, depuis la plage par exemple (ω). C'est une illustration de l'effet Doppler.

Il existe une relation entre les pulsations spatiale et temporelle, liée intrinsèquement à la nature physique du milieu de propagation, et qui s'appelle la relation de dispersion. Si l'on considère que l'océan est infiniment profond, celle-ci s'écrit :

ω2 = gk

g est l'accélération de la pesanteur. La vitesse de phase c des ondes de gravité, dans ce milieu, est donc :

c=\frac{\omega}{k}=\frac{g}{\omega}


[modifier] Utilisation de l'hypothèse des phases stationnaires

Depuis le bateau, les ondes du sillage semblent immobiles. Donc une condition nécessaire pour que l'onde précédemment décrite contribue au sillage est que l'amplitude de l'onde à r constant soit indépendante du temps, i.e. :

\omega=\bold{kU}

Sur la figure 1, le bateau se trouve au point O et se dirige vers les x négatifs. Le phénomène étant symétrique par rapport à l'axe des y, on restreint le raisonnement aux y positifs. L'instant où le bateau est en O est pris comme l'origine des temps. Les x positifs correspondent donc aux positions précédemment occupées par le bateau. Soit I le point où il se trouvait au temps -t. On a donc OI=Ut. Le cercle de rayon ct représente la position du front d'onde (à une pulsation ω donnée) né du passage du bateau en I.

Image:Sillage Kelvin Fig1.png Figure 1

En quel(s) point(s) la perturbation créée en I contribue-t-elle à former le sillage à l'instant zéro ? On s'est donné une pulsation temporelle ω, donnons-nous un vecteur d'onde k (et le vecteur d'onde unitaire correspondant, \bold{k_u}={\bold{k}}/{k}). Soit P l'intersection du demi-cercle de rayon OI et de la droite passant par I et dirigée par k. C'est la position au temps zéro de la composante de pulsation ω et de vecteur d'onde k de la perturbation créée en I au temps -t.

Supposons que la condition ω=kU soit vérifiée, i.e. en ce point la perturbation crée en I contribue au sillage à l'instant zéro. On a alors :


\begin{cases}
\bold{IO}=\bold{U}t \\
\bold{IP}=ct\bold{k_u}=\frac{\omega}{k}t\bold{k_u}=\frac{\bold{kU}}{k}t\bold{k_u}=(\bold{k_u U}t)\bold{k_u}
\end{cases}

Donc \bold{IP}=(\bold{k_u IO})\bold{k_u}. Autrement dit, IP est la projection orthogonale de IO sur la droite passant par I et dirigée par k. On en déduit que OP est perpendiculaire à IP. Donc P appartient au cercle de diamètre OI, dont le centre est noté O'. Tout en gardant le même k, on peut faire varier ω, ce qui revient à faire varier c=g/ω, et donc le rayon ct du cercle en pointillés longs. On voit alors que l'on peut trouver pour chaque point du demi-cercle de diamètre OI une valeur de ω telle que le demi-cercle de rayon ct intersecte le demi-cercle de rayon OI en ce point. Donc en chaque point du demi-cercle de rayon OI passe au temps zéro une onde stationnaire par rapport au bateau.

Cependant le raisonnement doit être adapté au fait que la vitesse de phase c des ondes de gravité, i.e. la vitesse à laquelle la crête des ondes avance, est différente de leur vitesse de groupe cg, i.e. la vitesse à laquelle l'énergie de ces ondes est transportée. On a vu que c=ω/k=g/ω. A partir de la relation de dispersion, on a, pour une onde de gravité :

c_g=\frac{d\omega}{dk}=\frac{d}{dk}(\sqrt{gk})=\frac{1}{2}\sqrt{\frac{g}{k}}=\frac{1}{2}\frac{g}{\omega}=\frac{c}{2}

C'est cette vitesse de groupe qu'il faut prendre en compte pour la caractérisation du sillage, et non pas la vitesse de phase. Pour un ω, un k et un t donnés, on a vu qu'on déduisait la position du point P où, à l'instant zéro, l'onde possède la même phase qu'en I à l'instant -t où elle est née. Pour cette onde, le pic d'énergie n'est pas en P mais a voyagé deux fois plus lentement, à la vitesse de groupe. Donc ce pic, à l'instant zéro, se situe au point P', à mi-chemin entre I et P. Par une homothétie de centre I et de rapport 1/2, on en déduit que P' se trouve sur le demi-cercle de diamètre O'I (O' milieu de OI). C'est donc en P' que l'onde créée en I à l'instant -t participe au sillage à l'instant zéro.

[modifier] Cône de sillage

Inversement, en tout point appartenant à un demi-cercle de diamètre O''J, avec J quelconque sur la demi-droite Ox et O'' le milieu de OJ, une onde participera au sillage à l'instant zéro. Le cône de sillage est l'ensemble de ces points. Il est délimité par deux demi-droites symétriques par rapport à l'axe des x et d'origine O. Soit β0 l'angle formé par ces demi-droites avec Ox :

\sin{\beta}_0=\frac{Ut/4}{3Ut/4}=1/3

Figure 2


[modifier] Ondes transverses et ondes divergentes

Considérons maintenant le problème opposé. Soit P un point de coordonnées (x, y). Où se trouve(nt) le(s) point(s) de la droite Ox d'où est partie, à un instant précédent, une onde qui participe au temps zéro au sillage au point P ? D'après la figure 1, un tel point M vérifie MO=3MP. On a donc :

\bold{MO}^2=9\bold{MP}^2

\bold{MO}^2-9\bold{MP}^2=0

(\bold{MO}-3\bold{MP})(\bold{MO}+3\bold{MP})=0


Soit G le barycentre du système {(O, 1), (P, -3)} et G' le barycentre du système {(O, 1), (P, 3)}. On a donc MO-3MP=-2MG et MO+3MP=4MG'. Donc M vérifie MG.MG'=0, i.e. M appartient au cercle de diamètre GG'. Ce cercle a pour centre le point de coordonnées (9x/8, 9y/8) et pour rayon 3(x2+y2)/8. Un point de coordonnées (u, v) appartient au cercle si et seulement si ses coordonnées vérifient l'équation du cercle :

(u-\frac{9}{8}x)^2+(v-\frac{9}{8}y)^2=(\frac{3}{8})^2 (x^2+y^2)

Le point M de coordonnées (u, v), intersection du cercle avec la droite des x, vérifie donc :


\begin{cases}
(u-\frac{9}{8}x)^2+(v-\frac{9}{8}y)^2=(\frac{3}{8})^2 (x^2+y^2) \\
v=0
\end{cases}

Ce qui donne :

(u-\frac{9}{8}x)^2=\frac{9}{8}x^2(\frac{1}{8}-\frac{y^2}{x^2})

On voit donc que :

- Il n'y a pas de solution pour u si y/x>1/2\sqrt{2}, ce qui correspond à un point P situé hors du cône de sillage (on peut vérifier que 1/2\sqrt{2}=\tan\beta_0);

- il y a une unique solution si y/x=1/2\sqrt{2};

- et il y a deux solutions distinctes si y/x<1/2\sqrt{2}.

Ce résultat signifie qu'aux points situés strictement à l'intérieur du cône de sillage, deux (et seulement deux) ondes de direction de propagation différente participant toutes deux au sillage, nées à des points différents de l'axe Ox, M − 1 et M1, et à des temps différents, se croisent. Les abscisses x − 1 et x1 de M − 1 et M1 sont les deux solutions de l'équation ci-dessus :


\begin{cases}
x_{-1}=(\frac{9}{8}-\sqrt{\frac{9}{8}x^2(\frac{1}{8}-\frac{y^2}{x^2})})x \\
x_1=(\frac{9}{8}+\sqrt{\frac{9}{8}x^2(\frac{1}{8}-\frac{y^2}{x^2})})x
\end{cases}

Ces deux types d'ondes sont appelées divergentes et transverses. Elles seront caractérisées plus loin. Soit à présent θε l'angle entre MεP et MεO (ε = +ou- 1). C'est l'angle indiquant la direction de propagation de l'onde. On a :

\tan\theta_\epsilon=\frac{y}{4x_\epsilon/3-x}=...=\frac{\frac{2y}{x}}{1+\epsilon\sqrt{1-2(\frac{2y}{x})^2}}=\frac{1-\epsilon\sqrt{1-2(\frac{2y}{x})^2}}{2(\frac{2y}{x})}

Il est possible d'inverser cette relation, ce qui donne (le ε disparaît au cours du calcul) :

\frac{y}{x}=\frac{\tan\theta}{1+2\tan^2\theta}