Sac de Limoges

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Le sac de Limoges est le pillage de la ville de Limoges en France et le meurtre d'un certain nombre de ses habitants par le Prince Noir en 1370.

Sommaire

[modifier] Cadre

Au Moyen-Âge, la ville de Limoges était clairement séparée en deux parties, la Cité (en occitan "la Citat") et le Château (en occitan "lo Chatèu") . Autour de la Cité fut construite une nouvelle enceinte qui atteint la Vienne, pour protéger l'accès au pont Saint-Étienne construit par l'évêque.

Comme tout le Limousin, la Cité de Limoges fut incluse dans la principauté d'Aquitaine créée en 1362 pour le Prince Noir (surnom donné au XVIe siècle à Edouard de Woodstock, prince d'Aquitaine (1362-1372) et de Galles) par son père, le roi d'Angleterre Edouard III. Johan de Cros, évêque de Limoges, réputé comme étant un des proches du Prince Noir, fut contacté par les émissaires du roi de France, Charles V. Le 23 août 1370, il ouvrit les portes de la Cité aux troupes françaises, déclenchant la colère d'Edouard de Woodstock, qui se trouvait alors à Angoulême.

[modifier] Le sac de 1370

Le Prince Noir, bien que malade, vint assiéger la Cité de Limoges, mal défendue par la petite garnison laissée par les Français. Une tour de l'enceinte, la tour Alérésia, fut minée par les Anglais et, le 19 septembre 1370, Limoges fut victime d'un sac destiné à punir ce qu'Edouard de Woodstock considérait comme une trahison.

Le célèbre chroniqueur Froissart affirme dans sa Chronique que la population de la Cité fut alors massacrée faisant 3000 victimes. En réalité, une chronique contemporaine de Saint-Martial de Limoges rétablit la vérité: le nombre de victimes ne fut que de 300 personnes : "En l'an mil CCC LXX a XIX de septembre fut preise et ardude (brûlée) la Citat et meis a mort may de IIIc personas a cause de la rebellion qu'avian fach contre mossen Oudouart, duc d'Aquitaine"[1]. Le Héraut Chandos précise bien dans son poème que les membres de la garnison installée par les Français étaient au nombre de 300[2] :

Quar la fut Rogier de Beaufort,
Qui de tenir se faisait fort,
Et monsieur Johan de Villemur,
Qui dist qu’il garderait le mur,
Et des gentz d’armes bien iii. centz,
Sans les burgeis de par dedenz,
Mais tous y furent mortz ou pris.

Ce sac de la Cité de Limoges fut donc fortement exagéré par ses habitants, sans doute pour obtenir des compensations financières. Une chronique de Limoges, très postérieure à l'événement, indique même le chiffre de 18.000 victimes, ce qui est plus que la population entière de Limoges, Cité, Château et fauxbourgs[3].

[modifier] Diverses opinions sur l'évènement

A partir du XIXe siècle, l'historiographie traditionnelle française - teintée fortement de nationalisme - a, elle aussi, exagérée cet évènement en développant une réputation négative autour du Prince Noir. Plus récemment, certains auteurs ont même tenté un rapprochement avec le massacre d'Oradour-sur-Glane (10 juin 1944).

Voilà l'opinion la plus récente concernant ce sac de Limoges. Elle provient de Jean Tricard, professeur d'histoire médiévale à l'Université de Tours:

Le Prince Noir, parti de Cognac, se présente devant la Cité qu'il prend d'assaut et livre au pillage. On sait, grâce au récit plein de verve et de fureur qu'en a fait Froissart, quel retentissement a eu cet épisode: assaut spectaculaire, duels chevaleresques, fleuve de sang et pillage, rien n'a manqué pour en faire le prototype de la prise d'une ville. On n'ignore plus, particulièrement depuis la mise au point d'Alfred Leroux, que le chroniqueur, par souci de la beauté du récit et de l'amplification épique, a largement exagéré la ruine de la ville. Il fut suivi en cela par certains de ses contemporains soucieux d'en tirer des avantages financiers. Avec autant de talent que d'exagération, les chanoines de la cathédrale ont évoqué, dans une célèbre supplique au pape, le sort d'une population réduite à quelques habitants. La critique moderne a fait justice de ces témoignages intéressés sur le sac de Limoges. De plus, la Cité n'est pas tout Limoges. L'autre ville, le Château, était une agglomération plus considérable qui n'eut pas à souffrir du passage du Prince Noir. Elle lui avait gardé, face aux armées françaises, une fidélité méritoire. Tout au plus peut-on retenir les pertes que subirent alors les maisons, les terres et les vignes dans la Cité et la banlieue de Limoges[4].

[modifier] Notes

  1. Henri Duplès-Agier, "Chroniques de Saint-Martial de Limoges", Paris, 1874, p. 154.
  2. Héraut Chandos, La vie du Prince Noir, vers 4067 à 4072.
  3. Annales manuscrites de Limoges, dites annales de 1638, publiées par Ruben, Achard et Ducourtieux, Limoges, 1872, p. 273.
  4. Jean Tricard, Les campagnes limousines du XIVe au XVIe siècle, Paris, 1996, pp 17-18.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Chroniques de Saint-Martial de Limoges, éd. H. Duplès-Agier, Paris, 1874, p 154.
  • La vie du Prince Noir, Héraut Chandos, éd. Diana B. Tyson, Tübingen, 1975.
  • Le sac de la Cité de Limoges et son relèvement 1370-1464, Bulletin de la société archéologique et historique du Limousin, Alfred Leroux, LVI, 1906, pp 155-233.