Phonème éphelcystique

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Un phonème éphelcystique (du grec ἐφελκυστικός, « attiré à la suite ») est, en phonétique, un phonème — la plupart du temps une consonne — ajouté à la fin d'un morphème ou d'un mot (c'est dans ce cas une paragoge) pour des raisons euphoniques, lesquelles sont le plus souvent la résolution de l'hiatus. On parle, plus couramment, de « son de liaison » bien que le terme de liaison appliqué au français renvoie à une notion différente : c'est un phonème éphelcystique dont l'origine est étymologique (c'est un ancien son qui réapparaît entre deux voyelles). Les phonèmes éphelcystiques sont des cas de sandhi.

Sommaire

[modifier] En français

Le /t/ euphonique français est un phonème éphelcystique : Pour éviter un hiatus, un T , entre deux traits d’union : -t-, s’intercale entre une forme verbale qui finit par une voyelle, et un pronom qui commence par une voyelle (ex: « Y a-t-il ? », « Existe-t-il ? », « Parle-t-elle le français ? », « Où va-t-on ? », etc.) par analogie avec finit-il, vend-il. Le -t- entendu et écrit n'a aucune origine étymologique ; il a été ajouté par les locuteurs aux verbes du premier groupe pour permettre une prononciation plus fluide, sur le modèle du /t/ audible en liaison à la fin des verbes des autres groupes. Il ne faut pas confordre ce T avec celui qui est l'abréviation de « Toi » (« Aide-t'en », « Va-t'en », « Rapproche-t'en », etc.

Il existe aussi un /z/ euphonique (écrit s), se présentant pour les mêmes raisons que le /t/, c'est-à-dire lors de l'ajout d'un pronom enclitique à initiale vocalique à un verbe terminé par une voyelle, qu'elle soit réelle ou possible (lorsque c'est un « e caduc » qui peut ne pas se réaliser). C'est le cas pour l'impératif des verbes du premier groupe ainsi que pour celui de aller suivis des pronoms enclitiques en et y : donne + endonnes-en [dɔn(ǝ)z‿ɑ̃], va + yvas-y [vaz‿i]. Ce /z/ euphonique est inséré par analogie avec celui, étymologique, résultant de la liaison produite entre le -s final du verbe et la voyelle initiale du pronom : fais-en [fɛz‿ɑ̃], cours-y [kuʁz‿i]. Cf. Cuir, Velours et Pataquès.

En revanche, le /l/ qui précède parfois le pronom personnel indéfini on lorsque celui-ci est précédé d'un mot se terminant par une voyelle (ex. : « Ici l'on fume, ici l'on chante, ici l'on dort. », L'Auberge, Paul Verlaine) n'est pas à proprement parler un phonème éphelcystique. Il s'est effectivement conservé dans des contextes littéraires pour des raisons euphoniques, mais c'est le vestige de l'article défini qui précédait le on substantif (ancien français on, om ou hom, « homme », du nominatif latin homo)[1].

[modifier] En grec ancien

En grec ancien, un phonème /n/ éphelcystique vient se placer à la suite de certaines désinences verbales et nominales en fin de phrase ou quand le mot suivant débute par une voyelle (parfois aussi devant une consonne) ; on le nomme « ν nu euphonique » ou « ν nu éphelcystique ». On le rencontre après les désinences ou mots suivants :

  • après le « suffixe » verbal (en fait la voyelle thématique) -ε -e ;
  • après le suffixe -σι -si utilisé pour le datif pluriel ou dans la conjugaison ;
  • à la fin des mots εἴκοσι eíkosi « vingt » et ἐστί estí « (il) est ».

Par exemple :

  • οἱ ἄγγελοι λέγουσι τἀληθῆ = hoi ángeloi légousi talêtễ (« les messagers disent la vérité ») ;
  • λέγουσιν ἄγγελοι τἀληθῆ = légousin ángeloi talêtễ (« des messagers disent la vérité ») ;
  • οἱ ἄγγελοι ἔλεγε τἀληθῆ = hoi ángeloi élege talêtễ (« les messagers disaient la vérité ») ;
  • οἱ ἄγγελοι τἀληθῆ ἔλεγεν = hoi ángeloi talêtễ élegen (« les messagers disaient la vérité »).

[modifier] En turc

[modifier] Remarque

La notion de « phonème éphelcystique » est une sous-catégorie des phonèmes ajoutés par euphonie ; on peut aussi y compter les sons de liaison en début de mot ; c'est dans ce cas une prothèse, comme en russe, où, suivant l'analyse diachronique, un /n/ non étymologique s'ajoute devant le pronom possessif de troisième personne précédé d'une préposition : к + емук нему « vers eux »[2]

Contrairement aux apparences, le /n/ apparaissant dans l'article anglais (a devant consonne, an devant voyelle) n'est pas un phonème éphelcystique : au contraire, c'est la forme a qui est secondaire, le /n/ étymologique ayant cessé d'être prononcé devant une consonne. An est une forme altérée de one, d'où la présence du /n/.

[modifier] Notes

  1. Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, Paris, 1998 (1re éd. 1992)
  2. Suivant une analyse synchronique, ce н- provenant des prépositions primaires par fausse-coupe ne s'analyse pas comme une prothèse mais comme la substitution d'un /n'/ mou au /j/ initial: к + /jemu/ → к /n'emu/).

[modifier] Articles connexes

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