Nombre définissable

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.


Un nombre réel définissable est un réel qui peut être décrit comme un objet mathématique, de sorte que ceux qui en parlent soient assurés qu'ils parlent d'un même et unique nombre.[1]

Dans la littérature une relation est quelquefois établie entre cette notion et la théorie de la calculabilité dans le corps des nombres réels. Le problème de l'arrêt et la constante Oméga de Chaitin sont au centre de ces travaux - voir dans la section "lien externe" ci-dessous.

Sommaire

[modifier] Problème soulevé par le concept de définissabilité en théorie des ensembles

N'importe quelle suite infinie de décimales étant censée correspondre de manière univoque à un réel compris entre 0 et 1 , l'intervalle [0,1] n'est pas un ensemble dénombrable, ce qui avait été démontré par l'argument de la diagonale de Cantor, et donc l'ensemble des réels ne l'est pas non plus.

Si maintenant il existe un ensemble E des nombres réels définissables, et s'il est dénombrable, on peut aussitôt appliquer le même argument diagonal pour définir un nouveau nombre réel µ non élément de E, et E ne serait donc pas l'ensemble des réels définissables, contradiction.

Icône de détail Articles détaillés : Paradoxe de Richard et Paradoxe de Berry.

[modifier] Historique

Pythagore, qui ne laissa aucun écrit, était, selon la tradition, convaincu que tout se pouvait définir par les nombres et leurs rapports.

Il est supposé avoir sacrifié cent taureaux aux dieux dans sa joie d'avoir découvert le théorème qui porte son nom et par suite la preuve que les côtés d'un rectangle étaient incommensurables avec sa diagonale [2] ; en réalité il n'est pas certain, ni qu'il soit l'auteur de cette trouvaille[3], ni qu'il aie effectué ce sacrifice[4], ni qu'il aie été particulièrement heureux que certains "nombres" ne puissent être définis comme rapport de nombres entiers, ce qui, pour ce que l'on sait de sa doctrine, était censé révéler une imperfection dans l'harmonie du monde. [5] De fait, cette découverte réagit durablement sur la conception du "nombre" chez les grecs, et les conduisit à développer une algèbre à caractère géométrique, cherchant le plus possible à résoudre des équations "par la règle et le compas" - mais alors surgirent les problèmes transcendants....[6]

L'invention du calcul différentiel et du calcul intégral permit d'écrire beaucoup de nombres transcendants sous forme d'expressions de longueur finie ; ainsi le rapport constant de la longueur du cercle à son diamètre peut se définir par \pi = \int_0^\infty \frac{2}{1+t^2} \,dt\,.


Puis avec l'avènement de la théorie des ensembles, on réalisa vers la fin du XIXe siècle que, puisque toute formule est une suite finie de symboles pris dans un langage dénombrable, il devait exister des nombres qu'aucune formule ne pourrait exprimer.

La question du caractère non opérationnel du continu indénombrable se posa en particulier dans un débat au début du XXe siècle entre Baire, Borel, Hadamard et Lebesgue, où au début le sujet était l'axiome de choix ; Lebesgue élargit le débat en contestant la validité des propositions portant sur des objets qui n'ont pas été définis. Hadamard se démarque de ses trois interlocuteurs en acceptant la construction cantorienne, alors que Baire par exemple refuse de considérer "l'ensemble des parties" d'un ensemble infini[7]. Cependant, ces objections ne purent déboucher sur une théorie effective et quand Zermelo entreprit d'axiomatiser la théorie des ensembles, les idées de Cantor furent essentiellement préservées, ce qui entraînait l'indénombrabilité de \mathbb{R}.

Cette fois-ci, il semblait n'y avoir en vue aucun moyen de sauver l' "harmonie du monde".... Une infinité non dénombrable de réels sont inaccessibles, leur existence seule étant connue. Et cependant, s'ils ne peuvent prétendre au statut d' objet mathématique défini, leur considération joue un rôle important, dit Borel,[8] qui y consacra son dernier ouvrage paru en 1952.

[modifier] L'apparence des nombres réels, éloignée de leur origine

Après quelques commentaires sur le caractère "relativement inaccessible" des très grands nombres entiers, et donc des longues suites de décimales, Borel revient au chapitre II sur le concept général de nombre réel : tout nombre incommensurable résulte d'une division en deux classes du corps \mathbb{Q} des nombres rationnels, sous la condition que tout élément de la première classe soit inférieur à tout élément de la seconde : c'est le principe des coupures de Dedekind.

Dans quelques cas simples, il est possible de préciser de quelle coupure il s'agit ; par exemple la coupure entre la classe des fractions p/q telles que q2-2p2<0 et celle des fractions p/q telles que q2-2p2>0 définit la racine carrée de 2. Mais dans l'immense majorité des cas, les propriétés que devrait avoir une telle division apparaissent comme extrêmement compliquées.

Borel remarque qu'il n'y a pas de méthode générale pour séparer en deux classes l'ensemble des rationnels compris entre 0 et 1 ; et quand on peut y arriver, c'est seulement parce que l'on connaît déjà une autre définition du nombre en question.

[modifier] Homogénéité du continu et hétérogénéité du dénombrable

Borel montre que le calcul des probabilités peut être utilisé pour l'étude d'ensembles dont les éléments sont pour la plupart inaccessibles ; cependant parler de probabilité d'évènements appartenant à une classe dénombrable par rapport à un univers non dénombrable peut poser quelques problèmes. Le calcul des probabilités est dominé par la question du choix. Borel distingue deux sous-classes dans les mathématiques : il y a, selon lui, des mathématiques euclidiennes et des mathématiques zermeliennes[9] (les géométries courbes diffèrent moins fondamentalement de la géométrie d'Euclide que ne le font les démonstrations basées sur le choix d'un élément distingué inaccessible).

[modifier] Notes et références

  1. Emile Borel Les nombres inaccessibles, Gauthier-Villars Paris 1952 p. 21
  2. Euclide, Elements, 47ème livre
  3. Bourbaki, Eléments de mathématiques, Diffusion CCLS Paris 1977, EIV 35 note 2 ISBN 2 903684 003 0
  4. Le Brewer's dictionary of Phrase and Fable de 1898 dit ceci : "He sacrificed to the gods millet and honeycomb, but not animals. [Again] He forbade his disciples to sacrifice oxen — Iamblichus: Life of Pythagoras, xviii. pp. 108–9 " - http://www.bartleby.com/81/8094.html
  5. une autre tradition rapporte que le pythagoricien Hippas de Métaponte aurait été jeté à la mer par la secte pour avoir divulgué l'information - Jean-François Revel, Histoire de la philosophie occidentale, Vol. 1 Penseurs grecs et latins, Editions Stock, Paris p. 61 ISBN 2 253 00934 2
  6. Bourbaki, Algèbre chapitres 4 à 6 Masson, Paris 1981, A V Note historique pp. 171-172 ISBN 2 225 68574 6
  7. R. Baire, E. Borel, J. Hadamard, H. Lebesgue, Cinq lettres sur la théorie des ensembles, Bulletin Soc. Math. de France, t. XXXIII 1905 document d'archive
  8. Emile Borel Les nombres inaccessibles, Gauthier-Villars Paris 1952 p. 21
  9. Emile Borel Les nombres inaccessibles Gauthier-Villars Paris 1952, pp. 21 à 27

[modifier] Lien externe

Autres langues