Mordechai Vanunu

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Mordechai Vanunu à Jérusalem en 2004, 2 jours après sa libération.
Mordechai Vanunu à Jérusalem en 2004, 2 jours après sa libération.

Mordechai Vanunu (Mardochée Ouanounou, hébreu מרדכי ונונו) est un technicien nucléaire et militant israélien né au Maroc le 13 octobre 1954. Vanunu s'est fait connaître du grand public en révélant au journal anglais The Sunday Times l'existence de la centrale nucléaire de Dimona en Israël, photos à l'appui. Dimona sert à la production d'armes nucléaires pour Israël. Vanunu a été jugé et condamné pour « trahison de secret d'État ».

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Une jeunesse israélienne

Mordechai Vanunu est né à Marrakech au Maroc le 13 octobre 1954. Sa famille nombreuse émigre dans les années soixante en Israël à Beer-Sheva grâce au Mossad. Son éducation est religieuse car ses parents sont très pratiquants. Comme tous les jeunes de son nouveau pays, il intègre l'armée et devient caporal dans le génie. À la sortie, il échoue à l'examen pour rentrer à la faculté de Sciences. Il répond à une petite annonce pour devenir technicien à la centrale nucléaire de Dimona. Il est embauché dans cet établissement en 1977 après une enquête de moralité du Shabak, le service de sécurité intérieur d'Israël.

[modifier] Un travail particulier

L'activité dans la centrale est cloisonnée et très secrète. Il signe à son entrée un engagement de confidentialité, valable même en interne. Après des études approfondies sur l'uranium et le plutonium, il accède à un poste opérationnel de chef d'équipe au sein de Machon 2, bunker souterrain dédié à l'armement. Son nouveau travail lui confère un statut particulier puisqu'il échappe aux périodes de réserve de l'armée. En parallèle à son activité secrète, sa vie publique connait de grands changements.

[modifier] Une vie publique mouvementée

Vanunu commence par abandonner sa religion pour devenir laïc. Il rejoint à cette période les mouvements de gauche en réaction à l'invasion israélienne au Liban en 1982. Il se lie à des militants au sein de l'université de Beer-Sheva où il étudie la philosophie pendant son temps libre. Il participe à de nombreuses manifestations de solidarité avec les peuples arabes victimes d'oppression. Le Shabak met du temps à détecter ce comportement pour un employé d'un site aussi sensible pour le pays. Il est rappelé à l'ordre en 1985, mais cet avertissement ne modifie pas sa ligne de conduite. Il est donc licencié en même temps que plusieurs employés. Une réduction d'effectif pour motifs économiques est en effet opérée à cette période. Mais auparavant, Vanunu a réussi à introduire dans l'enceinte de Machon 2 un appareil photo. Il y réalise 60 clichés.

[modifier] Le temps des révélations

Vanunu utilise l'argent de son licenciement pour voyager et se détendre. Il visite plusieurs pays avant d'atterrir en Australie. Ce pays le transforme : il lie de nouvelles amitiés et se convertit au christianisme au sein de l'église anglicane. Il rencontre Oscar Guerrero, un journaliste free-lance colombien, auquel il révèle son histoire et montre pour la première fois les photos de la centrale nucléaire de Dimona. Guerrero flaire le bon coup et promet à Vanunu qu'il peut vendre ce scoop pour un gros montant. Le pigiste contacte donc plusieurs rédactions. Le Sunday Times à Londres montre de l'intérêt pour cette révélation et dépêche Peter Hounam, diplômé de physique. La direction souhaite faire valider toutes les informations avant publication. Des scientifiques comme Theodore Taylor, élève de Robert Oppenheimer ou Frank Barnaby confirment les propos de Vanunu. L'exclusivité des informations est achetée pour 50 000 dollars et la promesse de publication d'un livre. Vanunu est pris en charge par la rédaction qui le fait venir à Londres le 12 septembre 1986. Guerrero n'apprécie pas sa mise à l'écart et révèle l'affaire à un autre organe de presse anglais : le Sunday Mirror, qui publie l'histoire de façon sommaire. Vanunu sait que son pays punit de 15 années de prison une telle révélation et avertit le quotidien qu'il a besoin de quelques jours pour récupérer.

[modifier] Enlèvement par les services secrets israéliens

Les services secrets de plusieurs pays préviennent le Mossad qu'un ressortissant israélien vend des informations concernant Dimona. Les espions concoctent un plan pour capturer le « traître » sur ordre du Premier Ministre, Shimon Peres. Enlever un homme à Londres risque de mettre à mal les relations de l'état hébreu avec Margaret Thatcher. Il faut donc lui faire quitter le territoire de la Grande-Bretagne. Deux espions israéliens surveillent les déplacements de Vanunu toute la journée. Ils placent à un moment opportun une jeune femme sur sa route. Il succombe aux charmes de Cindy, alias Cheryl Bentov, agent du Mossad.[1] Après plusieurs rencontres, elle persuade le technicien de se reposer à Rome en sa compagnie. Le 30 septembre 1986, Vanunu la suit à bord du vol 504 de la British Airways malgré les conseils du Sunday Times de ne pas quitter Londres. Le Mossad attend Vanunu dans la capitale italienne, le kidnappe et l'expédie en secret par voie maritime jusqu'en Israël pour le juger. La rupture de contact pousse le Sunday Times à publier son scoop le 5 octobre 1986. L'armement nucléaire d'Israël est révélé à la une du quotidien. Photos de Machon 2 à l'appui, l'arsenal est évalué à plusieurs têtes .[2]

[modifier] Le procès

Vanunu est interrogé par de nombreux services. Le monde entier est désormais au courant de sa mésaventure. En arrivant, au tribunal de Jérusalem pour une audience, il inscrit sur sa main plusieurs informations. En la plaquant sur la vitre du bus, il révèle son enlèvement. La photo de cet incident fera la une des journaux partout dans le monde. Il est condamné à 18 ans de prison le 24 mars 1988 pour trahison, espionnage et révélation de secrets d'État.

[modifier] Prisonnier d'opinion

Sa libération intervient le 21 avril 2004 après 18 années de prison, dont onze passées en isolement total. Les autorités israéliennes lui interdisent de communiquer avec l'extérieur (journalistes, ambassade, etc.). Il ne peut quitter Israël. Passant outre ces interdictions, Mordechai Vanunu a été inculpé en mars 2005 de 21 infractions à cette décision de justice, et laissé en liberté dans l'attente du jugement. Pour chacune de ces infractions, il encourt un maximum de deux ans d'emprisonnement.

Vanunu est considéré par les associations de défense des droits de l'homme comme un prisonnier d'opinion. Le gouvernement israélien, quant à lui, le considère comme un traître, alors qu'il reste très critique à l'égard de la politique israélienne. Vanunu a été jugé coupable en avril 2007 d'avoir parlé à des étrangers, en infraction avec les interdictions imposées par l'armée. La sentence devait être déterminée le 18 mai.[3] Mordechai Vanunu a été condamné le 2 juillet 2007 à « 6 mois de prison ferme et 6 mois avec sursis pour avoir brisé « sa promesse de silence », c’est-à-dire non pas pour avoir tenu des propos illégaux, mais pour s’être exprimé ».

[modifier] Références et sources

  • RAVIV, Dan, et MELMAN, Yossi, Tous les espions sont des princes, Ed. STOCK, 1990, ISBN 2234023505
  1. (en) Vanunu 'honeytrap' spy seeks quiet life in Florida, The Times, 20 avril 2004.
  2. (en) Mordechai Vanunu: The Sunday Times articles, Sunday Times, 5 octobre 1986.
  3. (en) Vanunu convicted for media links, BBC News, 30 avril 2007