Momification

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Momies au British Museum
Momies au British Museum

La momification dans l'Égypte antique s'inscrivait dans un véritable rituel funéraire. Dès que le décès avait lieu, le corps était remis aux embaumeurs au milieu des pleureuses professionnelles, puis était emmené à l'ouest de la ville, dans un endroit élevé, pour que les crues du Nil ne puissent pas l'atteindre.

Sommaire

[modifier] Les étapes de la momification

Dans un atelier, les embaumeurs lavaient le corps et procédaient aux diverses opérations de momifications, dont la durée était de sept décades, soit 70 jours. Le corps éviscéré était séché au soleil, et enduit de plusieurs couches d'huiles végétales et animales. Puis, commençait la pose des bandelettes non sans avoir disposé des amulettes sur le défunt. Ensuite, le corps était placé dans un sarcophage peint et gravé. Parfois on recouvrait le visage d'un masque aux traits de son apparence.

La famille et les pleureuses venaient ensuite chercher le corps et une procession conduite par les prêtres emmenait le défunt jusqu'à sa dernière demeure. Là, le grand prêtre, selon un rituel bien défini procédait aux dernières incantations : il touchait d'un geste sacré les sept ouvertures de la tête de la momie pour faire revivre les sens. Les offrandes étaient disposées, et on scellait la tombe.

Bien sûr, si tout se passait ainsi lors de la mort de personnes aisées, c'était différent pour des gens moins fortunés. Mais cependant, une momification avait lieu, moins poussée, mais toujours présente, car tout égyptien devait pouvoir atteindre une vie après la mort.

Bien sûr, toutes ces étapes ont beaucoup évoluées au cours du temps, et la description qui va être faite ici est celle décrite par Hérodote.

Lors de la mort d'un égyptien, sa famille apportait le corps aux embaumeurs, et négociait longuement les tarifs de la prestation.

« Lorsque le mort leur a été apporté, les embaumeurs montrent aux porteurs des modèles de cadavres en bois, imités par la peinture, et ils indiquent celui qu'ils disent le plus digne d'attention, qui fut celui du dieu dont je ne peux prononcer le nom ici. Ils font voir après celui-là le second, qui est d'un prix moindre ; et enfin le troisième le moins coûteux[1]. »

Les familles apportaient en général elles-mêmes le lin, récupéré de vieux draps ou vêtements, pour faire les bandelettes indispensables à l'embaumement.

L'embaumement le moins fréquent chez les Égyptiens de classe moyenne, mais de rigueur chez les personnages royaux était un « embaumement de première classe ». Il était composé de quatre étapes.

[modifier] L'excérébration

La première étape consistait à extraire le cerveau en passant par les fosses nasales. Cette étape se faisait grâce à un crochet de fer.

Aidé de ce crochet, l'embaumeur traversait l'ethmoïde et accédait au cerveau. L'encéphale était réduit en bouillie puis s'écoulait par l'orifice pratiqué. Dans un deuxième temps, le natron (solution de soude naturelle trouvée dans les lacs salés) était coulé dans le crâne pour dissoudre les restes du cerveau, puis le crâne était vidé. Puis, ils coulaient un liquide fait de résines de conifères complétées de cire d'abeille et d'huiles végétales parfumées.

[modifier] L'éviscération

« Ensuite, avec une pierre éthiopienne aiguisée, ils fendent le flanc, font sortir tous les intestins de l'abdomen, le lavent avec du vin de palmier, le saupoudrent de parfums broyés et finalement le recousent après l'avoir rempli de myrrhe pure concassée, de cannelle et d'autres parfums, dont l'encens seul est exclu[2]. »

Plus précisément, l'incision permettait de sortir les intestins et les divers organes : seul le cœur - siège de la pensée et des sentiments - restait ou était remis en place après momification. Parfois, cependant, il était remplacé par un scarabée. Les viscères étaient donc retirés, nettoyés puis placés en paquets. Ces paquets étaient alors, soit remis dans le corps, soit disposés dans quatre vases sacrés qui se nomment les canopes.

[modifier] La déshydratation

Le corps était alors traité au natron. Les embaumeurs plaçaient à l'intérieur du tronc des linges contenants du natron et des substances aromatiques. Ce mélange de carbonate et de bicarbonate de soude possède des propriétés hygroscopiques et attire l'humidité des tissus.

Le processus de dessication était alors favorisé par le climat très sec de l'Égypte. Le corps était ainsi exposé au soleil. Ce traitement durait entre trente et quarante jours.

Après dissécation des tissus, les embaumeurs lavaient le corps et l'oignaient avec diverses huiles et résines, afin de rendre à la peau une certaine souplesse.

[modifier] Le bandelettage

Cette opération commençait par la mise en place d'amulettes entourées de papyrus sur le corps du défunt, puis on remplissait les cavités abdominales et la cage thoracique à l'aide de tampons de lin imprégnés de résine, de sciure de bois ou même d'un lichen aromatique (momies des pharaons Siptah et Ramsès IV).

L'énucléation était souvent pratiquée et les yeux remplacés par des prothèses. Venait ensuite la pose des bandelettes, bandelettes également en lin. La pose commençait par les extrémités pour remonter vers la racine des membres. Le corps était emmailloté dans son intégralité avec souvent sept enveloppes d'étoffes successives. On entourait alors la momie d'un suaire et la plaçait dans un sarcophage.

Pour les gens moins fortunés, le procédé était beaucoup plus sommaire :

« Pour ceux qui préfèrent l'embaumement moyen et veulent éviter de grandes dépenses, les embaumeurs font les préparatoires suivants. Après avoir rempli leurs seringues d'huile de cèdre, ils injectent cette huile dans l'abdomen du mort, sans l'ouvrir, ni en retirer les entrailles, et ils ont soin de retenir le liquide de telle sorte qu'il ne puisse s'échapper. Ensuite, ils plongent le corps dans du natron et l'y laissent le temps prescrit, puis ils font sortir des cavités l'huile de cèdre […] elle a assez de force pour tout emporter avec elle, intestins et viscères ; elle a tout liquéfié. Extérieurement le natron a desséché les chairs, il ne reste du mort que la peau et les os. Ces choses faites, ils le rendent en cet état[3]. »

Il existait même un embaumement encore plus sommaire à l'usage de la classe pauvre :

« Les embaumeurs font dans les intestins une injection de raifort et sèchent le corps dans le natron pendant les soixante-dix jours ; ensuite ils le rendent pour qu'on l'emporte[4]. »

On peut donc voir en suivant ce long procédé qu'il demandait un grand savoir-faire et une grande application de ses techniciens, les embaumeurs.

[modifier] La momification : une véritable filière technique

[modifier] Définition d'une filière technique

Une première notion à définir est celle d'objet technique. Si l'on cherche sa définition dans le dictionnaire, on trouve : « Chose solide considérée comme un tout, fabriquée par l'homme et destinée à un certain usage ». On peut en fait donner une définition plus précise selon quatre points de vue :

  • Tout d'abord, l'objet provient d'un artefact existant. Sa création peut être le fruit de l'état du savoir-faire de l'époque, comme d'une découverte hasardeuse.
  • Il peut être ensuite considéré simplement comme une machine, c’est-à-dire un appareil qui permet d'effectuer un certain travail ou de remplir une certaine fonction, soit sous la conduite d'un opérateur, soit d'une manière autonome.
  • Selon le point de vue du fabricant ou producteur, l'objet technique est un produit. En effet, un objet résulte d'une activité, d'un procédé de fabrication mettant lui-même en jeu d'autres objets, mais aussi un savoir-faire du technicien.
  • Selon enfin le point de vue du commerçant et du consommateur, l'objet devient une marchandise, un produit qui se vend et qui s'achète.

Cette définition de l'objet technique permet de donner une définition d'une filière technique. C'est une activité technique qui permet la création puis la commercialisation d'un objet technique. Plus généralement, une filière technique globalise et décrit les interrelations dans toute une branche technique et montre l'enchaînement et la bifurcation de ses différents ensembles.

On peut résumer une filière technique par le schéma :

De plus, une filière ne vit pas seule, elle coexiste avec d'autres filières qui l'alimentent. Elle se nourrit également des besoins du groupe humain auquel elle correspond. On peut ainsi comprendre une filière technique selon quatre types de besoins :

  • se nourrir,
  • se défendre,
  • se déplacer,
  • se distraire.

Enfin, une filière se nourrit des ressources et innovations de son époque, mais peut être également ralentie ou même bloquée par un groupe ou une société.

[modifier] Comment la momification répond à la définition de filière technique

Si l'on suit donc la définition présentée précédemment, il nous faut d'abord comprendre en quoi une momie peut être considérée comme un objet technique à l'époque des pharaons.

L'objet momie est bien un artefact existant. En effet, les premières momies furent créées accidentellement par le désert. Les Égyptiens le remarquèrent et utilisèrent leurs connaissances afin d'utiliser cet avantage pour mieux passer dans l'autre monde. Une momie est également une machine. En effet, pour les Égyptiens, la mort est la dissociation entre le contenant (l'enveloppe charnelle) et le contenu impalpable (l'âme). Pour assurer l'éternité de la vie, il faut alors conserver également le contenant : le corps. La momie est ce moyen. C'est en une véritable machine à traverser le passage vie-mort sans encombre.

Selon le point de vue de l'embaumeur, la momie est un produit. En effet, elle résulte d'une activité, d'un long procédé de fabrication mettant lui-même en jeu d'autres objets et outils, mais aussi un véritable savoir-faire du technicien.

Enfin, une momie est une marchandise. Une momie se commande et coûte cher. Il en existe même une gamme selon le prix que l'on peut y mettre.

On peut donc tout à fait considérer la momification sous le regard d'une filière technique et même, c'est de cette manière qu'il faut la considérer. En effet, le peu d'écrits retrouvés à ce sujet nous montre le peu d'importance qu'avait pour les Égyptiens la pratique en elle-même. Ce qui était essentiel, c'était pour eux de pouvoir atteindre la vie après la mort, et la momie était leur moyen d'y arriver. Les embaumeurs étaient de véritables techniciens dont la mission était d'empêcher le processus naturel de décomposition des corps. Pour ce faire, ils ont utilisé toutes les techniques disponibles alors pour mener à bien cette mission : médecine, biologie, chimie, textile, commerce …

On peut alors représenter la momification avec le schéma :

De plus, la technique de la momification n'a cessé d'évoluer. Elle a connu des débuts techniques difficiles, a traversé toutes les réformes religieuses égyptiennes, et a même perduré pendant l'invasion romaine, pour s'éteindre avec la prépondérance de l'Église au IIe siècle. Pendant cette longue période, cette filière a profité des apports techniques et culturels de tous les courants qui pouvaient traverser l'Égypte.

[modifier] Sources

Anubis
Anubis

Pour comprendre les techniques de momification, on a pensé jadis s'inspirer de certaines peintures murales. En fait, ces peintures ne représentaient que la fabrication de sarcophages. Deux scènes sont sorties du lot. Elles ont été trouvées sur le sarcophage de Murtirdiès au IIe-Ier siècle av. J.-C.. On peut y voir un corps nu, noir, allongé devant des prêtres et un personnage portant un masque d'Anubis, dieu patron des embaumeurs, puis, debout sur lequel deux prêtres déversent des libations.

On a également retrouvé des récits contenant des allusions à la momification sur des papyrus, comme celui d'une lettre que le pharaon adresse à Sinouhé : « Le soir, lui explique le pharaon, tu seras oint avec de l'huile de pin et enveloppé de bandelettes confectionnées par Taït, la déesse du tissage. »

Malheureusement, ces documents se contentent d'évoquer brièvement l'embaumement et n'en donnent pas une explication technique précise. Ce ne sont en aucun cas des manuels pouvant rendre compte d'un savoir-faire. Il devait être simplement transmis de père en fils, ou de maître à apprenti.

Le seul véritable document écrit concernant les différentes étapes de la momification est la vision qu'en a eue Hérodote lors d'un de ses voyages en Égypte au Ve siècle av. J.-C.. Ses écrits ont permis de mieux connaître cette technique, et ont été étoffés et corrigés par les découvertes actuelles faites grâce aux outils comme la radiographie.

[modifier] Notes

  1. Hérodote, Histoires, II, 86
  2. Hérodote, Histoires, II, 86-87
  3. Hérodote, Histoires, II, 88
  4. Hérodote, Histoires, II, 89

[modifier] Voir aussi

[modifier] Lien externe

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