Drogue dans l'Égypte antique

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La découverte de traces de nicotine (depuis 1976) puis de cocaïne (depuis 1992) dans des momies égyptiennes, confirmée par des examens ultérieurs - particulièrement en ce qui concerne la nicotine - interroge les archéobotanistes et les archéologues :

  • des espèces – aujourd’hui disparues - produisant ces substances étaient-elles cultivées en Afrique ou en Eurasie ?
  • existait-il un commerce susceptible de faire parvenir jusqu’en Égypte des produits américains ?

Sommaire

[modifier] Découvertes

La première découverte de composants du tabac dans une momie égyptienne remonte à l'examen en France de la dépouille de Ramsès II en 1976 à l'initiative de l'historienne Christiane Desroches Noblecourt :

« Au moment de la momification, son torse avait été rempli de nombreux produits désinfectants : les embaumeurs avaient utilisé un fin « hachis » de feuilles de Nicotiana L., trouvé contre les parois internes du thorax, à côté de dépôts de nicotine, certainement contemporains de la momification, mais qui posent un problème, car ce végétal était inconnu en Égypte, semble-t-il[1]. »

L'étude botanique de la momie est confiée à madame Michèle Lescot, taxinomiste et spécialiste en anatomie végétale du laboratoire de phanérogamie du Museum d'Histoire Naturelle de Paris. La découverte de composants de Nicotiana parmi les débris végétaux du baume viscéral laisse la spécialiste perplexe. Les railleries de ses confrères accompagnent sa première constatation, car la Nicotiana L. est un élément constitutif du tabac américain[2].

Elle confie quelques échantillons à M. Steffan, spécialiste du laboratoire d'entomologie du Museum, et non seulement celui-ci confirme les recherches de sa confrère mais en plus y découvre la présence d'un coléoptère parasite du tabac américain[2].

Elle décide alors d'envoyer d'autres échantillons de baume au professeur Metcalfe en Angleterre, mondialement connu pour ses travaux d'anatomie végétale. Ce dernier confirme après une étude minutieuse la présence de tabac à l'intérieur de la momie[2].

En 1992, Svetla Balabanova, toxicologue et médecin légiste du laboratoire du musée des antiquités égyptiennes de Munich[3], met aussi en évidence la présence, non seulement de nicotine, mais aussi de cocaïne et de produit actif du haschisch dans les momies du musée. Si la présence de cette dernière substance n’étonne pas, les deux premières ne sont pas censées avoir fait leur chemin en Eurasie à l'époque précolombienne.

En 1995, Nerlich et ses collaborateurs identifient la présence des trois substances dans de nombreux organes d’une momie datée d’environ -950, avec la plus forte concentration de nicotine et de cocaïne dans l’estomac, de haschisch dans les poumons[4].

En 1997, Mme David, conservatrice du département d’égyptologie du musée de Manchester, se rend à Munich pour une contre-expertise sponsorisée par la chaîne de télévision Discovery. Elle n’a pas accès à toutes les momies ; bien que certaines, fragmentaires, semblent des faux, d’autres lui semblent authentiques. Elle n’y découvre pas de cocaïne, mais confirme la présence de nicotine[4].

Des dizaines de momies royales et princières vont révéler des composants à base de tabac et même de coca, en proportions parfois très importantes, dans les baumes et les cheveux des momies[5].

[modifier] Hypothèses

La validité des procédures d’analyse et donc des résultats n’est plus remise en question. Ainsi, dans le cas de la momie de Ramsès II, la présence d'une plante appartenant au genre Nicotiana L. uniformément répartie dans tous les prélèvements et jusque dans les endroits les plus inaccessibles de la momie exclut l'hypothèse d’une supercherie[1]. Différentes hypothèses ont été proposées[4] :

[modifier] Faux ou artefact

Le trafic de fausses momies est un fait attesté et les corps pourraient être relativement récents. Cette explication n’est cependant pas envisageable dans tous les cas. La momie de Ramsès II ainsi que les momies examinées par Balabanova, Nerlich et David sont considérées comme anciennes.

L’imprégnation de nicotine par les fumeurs au contact des momies - lorsque celles-ci n’étaient pas protégées comme elles le sont actuellement - ou la fumigation, attestée dans certains cas, de tabac comme insecticide ou désinfectant ont été évoquées. Néanmoins, l’examen montre une présence importante de nicotine ou de tabac, inexplicable par une contamination extérieure.

[modifier] Emploi de plantes inconnues ou disparues

En 1975, Merxmüller et Butler découvrirent en Namibie une variété de nicotiana native (nicotiana africanum), permettant d’envisager l’existence d’un tabac africain, malgré l’absence de traces d’un commerce égypto-namibien en la matière. La cocaïne reste inexplicable. Certains font remarquer que le lotus bleu utilisé en Égypte pour ses propriétés psychotropes, trop recherché, s'est trouvé en danger d'extinction. Il aurait pu exister une plante contenant de la coca ayant disparu.


[modifier] Usage de ces plantes

L'usage exact de ces plantes exotiques reste indéterminé. Étaient-elles utilisées exclusivement pour l’embaumement, ou avaient-elles un rôle de stupéfiant permettant aux prêtres de se mettre dans un état de transe hallucinatoire pour entrer en contact avec les divinités ?

Étaient-elles réservées à certaines catégories de défunts ?[réf. nécessaire]

[modifier] Notes

  1. ab Cf. Ch. Desroches Noblecourt, Ramsès II, p. 50
  2. abc Science et Avenir, n° 441 de novembre 1983, L'affaire Ramsès II
  3. Balabanova, Parsche, Prisig, First identification of drugs in Egyptian mummies, Naturwissenschaften, 1992, vol. 79, n° 8, p.358, fiche sur le site du CNRS
  4. abc Drogue dans les momies égyptiennes, sur le site de l’université de Californie.
  5. Franz Parsche et Andreas Nerlich, Presence of drugs in different tissues of an egyptian mummy, Fresenius' Journal of Analytical Chemistry, volume 352, numbers 3-4 / January 1995, p. 380-384, résumé

[modifier] Bibliographie