Misha Defonseca

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Misha Defonseca, née Monique De Wael, est une écrivain belge née le 2 septembre 1937 à Etterbeek de parents catholiques. Elle est connue pour être la protagoniste de « l’incroyable histoire vraie d’une rescapée de la Shoah », le récit d’une petite fille qui aurait traversé l’Europe à pied et parcouru 3 000 km, à la recherche de ses parents, protégée par des loups. Cette histoire a été retracée dans un livre à succès, Survivre avec les loups écrit en collaboration avec Vera Lee[1] et un film français du même nom. Ce récit de voyage est en fait une invention de même que la judéité des parents[2] et de l’autrice à l’époque des faits qu’elle relate[3].

[modifier] Biographie

Elle a quatre ans quand ses parents sont arrêtés par les nazis, le 23 septembre 1941, pour résistance à l’occupant. Selon certaines sources, Robert De Wael, son père aurait accepté le marché proposé par les nazis : pouvoir voir sa fille Monique De Wael s’il livrait les noms des membres de son groupe. Il aurait même participé aux interrogatoires de ses compagnons d’armes et aidé ainsi au démantèlement du Groupement des Grenadiers, le réseau de résistance qu’il avait lui-même fondé en novembre 1940. Il est ensuite envoyé à Cologne puis emprisonné dans différents endroits avant d’être transféré à Sonnenburg à la frontière germano-polonaise où il meurt d’épuisement en 1944. Joséphine Donvil, son épouse, passe elle aussi de prison en prison avant d’être déportée à Ravensbruck où elle meurt en février 1945[4].

À la libération, le nom de son père a été effacé de la plaque de pierre apposée sur les murs de la mairie de Schaerbeek en l’honneur des fonctionnaires locaux victimes des nazis[4].

À l’arrestation de ses parents, la petite Monique est recueillie par son grand-père puis son oncle. Ils l’appellent la "fille du traitre". Elle commence alors à s’identifier aux victimes de la shoah et peu à peu s’invente une autre vie, celle de Misha, une petite fille juive qui a traversé l’Europe pour rejoindre ses parents internés en camp de concentration[5]. En même temps, elle se passionne pour les loups. Elle raconte : Et j’ai tout mélangé. Il est des moments où il m’est difficile de faire la différence entre ce qui a été la réalité et ce qu’a été mon univers intérieur[6]. Convertie au judaïsme, elle émigre aux États-Unis en 1985. Son mari Maurice Defonseca parvient à la convaincre de parler de son histoire. Après l’avoir raconté dans la communauté juive. Jane Daniel, à la tête d’une toute petite maison d’édition, Mt. Ivy, la remarque et parvient à la convaincre d’écrire son histoire. Vera Lee, une ancienne universitaire qui maîtrise parfaitement le français aide Misha à mettre en forme ses souvenirs. En 2001, elle confie au confie au Boston Globe que au fur et à mesure de l’avancement du récit, l’éditrice s’est de plus en plus impliquée dans la rédaction réclamant plus d’émotion et de sentiments. Daniel, elle, prétend n’être intervenu que pour sauver le manuscrit[7].

À sa sortie le livre, Misha: A Memoire of the Holocaust, n’est vendu qu’à 5 000 exemplaires aux États-Unis[8]. Aux États-Unis, l’historienne Deborah Dwork, auteur d’un livre sur les enfants juifs dans l’Europe nazie[9] et Lawrence L. Langer[10] ont dès avant la publication de l’ouvrage exprimé leur scepticisme, mais Elie Wiesel et la présidente de la Fondation nord-américaine pour les loups ont accepté d’écrire d’élogieuses notes de jaquette pour le livre[8]. L’ouvrage est traduit en 18 langues (titre français : Survivre avec les loups[11]) et obtient un certain succès en France et en Italie[8],[12]. Le livre commence à intéresser les productions Walt Disney et la présentatrice Oprah Winfrey. Mais tout s’arrête quand on apprend que Misha Defonseca et Vera Lee ont attaqué Jane Daniel en justice pour non respect du contrat[7].

À part le publiciste allemand Henryk M. Broder qui, après avoir rencontré Misha Defonseca, faisait part dès 1996 dans Der Spiegel de ses sérieux doutes quant à la plausibilité de ce récit[13], personne en Europe n’ose à cette époque mettre en cause sa véracité. Mais un différend commercial oppose Misha Defonseca à son éditrice[14]. Jane Daniel est condamnée à verser une somme de 22 millions de dollars à Misha Defonseca[15]. À partir d’août 2007, Jane Daniel publie sur son blog[16] des pièces : extrait d’acte de naissance, inscription à l’école dévoilant le faux. Après la sortie du film de Vera Belmont en janvier 2007, la polémique enfle, finalement reprise par le quotidien belge Le Soir. Après s’être défendue avec véhémence, l’autrice finit le 28 février par révéler la supercherie[17]. Elle ajoute à la fin de ses « aveux » : Je demande pardon à tous ceux qui se sentent trahis, mais je les supplie de se mettre à la place d’une petite fille de quatre ans qui a tout perdu, qui doit survivre, qui plonge dans un abîme de solitude et de comprendre que je n’ai jamais rien voulu d’autre que de conjurer ma souffrance[17].

Ce n’est pas le premier cas de mystification dans la littérature de la shoah. Binjamin Wilkomirski dans son livre Fragments d’une enfance, 1939-1948 rapporte le traumatisme psychologique connu par un adulte qui a été déporté enfant dans un camp de la mort et recouvre une partie de sa mémoire par bribes. Ce récit était en fait un faux, lui aussi.

[modifier] Notes et références

  1. Écrit aussi avec la collaboration de Marie Thérèse Cuny pour la nouvelle édition (XO éditions en 2005
  2. Ses parents étaient des résistants, pas des juifs déportés : le vrai dossier de « Misha », Marc Metdepenningen, Le Soir, 23 février 2008
  3. Misha Defonseca déclare : C’est vrai que, depuis toujours, je me suis sentie juive et plus tard, dans ma vie, j’ai pu me réconcilier avec moi-même en étant accueillie par cette communauté. Les Aveux de Misha Defonseca, Marc Metdepenningen, Le Soir, 28 février 2008.
  4. ab Marc Metdepenningen, Le sombre passé du père de Misha, Le Soir, 2 mars 2008.
  5. « Survivre avec les loups » : l’éditeur présente ses excuses, voir les 2 derniers paragraphes : « Pour survivre à une situation traumatique, […], la fillette de 4 ans s’est raconté une histoire héroïque. Devenue adulte, elle a raconté le souvenir de cette histoire, comme si elle l’avait vécue pour de vrai. »
  6. Interview de Misha Defonseca par Valérie Sasportas, Le Figaro du 29 février 2008
  7. ab David Mehegan, Incredible journey, The Boston Globe, 31 octobre 2001
  8. abc (en)Blake Eskin, Crying Wolf, Slate, 29 février 2008
  9. Children with a Star: Jewish Youth in Nazi Europe, Yale University Press, 1993
  10. auteur de Holocaust Testimonies: The Ruins of Memory, Yale University Press, 1993
  11. édité en 1997 aux éditions Robert Laffont
  12. La quatrième de couverture des éditions Pocket précise que le livre s’est vendu à 430 000 exemplaires.
  13. (de) [1] les fameux doutes de Henryk M. Broder (Verliebt in eine tote Kobra) publie en 1996 dans le Spiegel
  14. (en) Les dommages à verser à Misha Defonseca sont au final triplés ; elle obtient un total de 22,5 millions de dollars
  15. Misha Defonseca plaide sa bonne foi
  16. (en)Le blog de Jane Daniel
  17. ab Marc Metdepenningen, Les aveux de Misha Defonseca, Le Soir, 28 février 2008

[modifier] Articles connexes