Loi des Douze Tables

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La Loi des Douze Tables constitue le premier corpus de lois romaines écrites. Leur rédaction est l'acte fondateur du droit romain.

Sommaire

[modifier] Historique

Au début du Ve siècle av. J.-C., les lois de Rome étaient orales, et leur application à l’appréciation des consuls. En 462 av. J.-C., pour mettre fin à ce qu’il considérait comme un arbitraire dont pâtissait la plèbe, le tribun Gaius Terentilius Harsa émit un projet de loi (Lex Terentilia), pour créer une commission de cinq membres qui définirait par écrit les pouvoirs consulaires, et empêcherait tout excès. Les patriciens s’opposèrent immédiatement à ce projet, repris année après année par les tribuns de la plèbe[1]. Après un long conflit politique de neuf ans, trois représentants partirent à Athènes en 453 av. J.-C. transcrire les lois de Solon[2].

A leur retour d'Athènes et des villes grecques d'Italie du sud[3], une commission extraordinaire, les Décemvirs, Decemviri, fut établie pour rédiger des lois écrites. Nommés pour un an, ils furent munis de l'imperium consulaire[4].

Les tables furent rédigées en deux fois, dix en 451 av. J.-C., et deux en 450 av. J.-C. et publiées la seconde année sur le Forum romanum sur douze tables en bronze [5]. La seconde commission de Décemvirs tenta de maintenir son pouvoir absolu, mais devant la sécession de la plèbe, retirée sur le Mont Sacré, ils durent démissionner[6].

[modifier] Le contenu législatif

Ni le texte complet, ni les six livres de commentaires faits par le juriste Gaius ne nous sont parvenus. On ne les connaît que par des citations faites par des auteurs latins, qui ont néanmoins permis une reconstitution dont l’authenticité n’est aujourd’hui plus guère contestée[7]

[modifier] L'inspiration grecque

Elle est difficilement contestable, les sources concordant sur ce point : l'historien grec Denys d'Halicarnasse évoque une double influence des lois grecques et des coutumes romaines non écrites[8]

Elle se manifeste principalement dans l'apparition de la peine compensatoire.

[modifier] Le droit privé

Pour les crimes politiques, elle impose une nouvelle procédure, menée sous l'instruction des questeurs (comissia)

Une des dispositions de la loi a fait débat par son excès. Le débiteur de plusieurs créanciers pouvait, selon certains, être découpé en autant de morceaux que de créanciers (partes secanto)[9]. Mais la disposition n'aurait que peu, voire jamais, été appliquée en raison de son manque d'intérêt évident pour les créanciers.

[modifier] La limitation de l'imperium consulaire

Elle se fait essentiellement dans le domaine de la justice.

[modifier] La portée de la loi

Les auteurs modernes considèrent qu’il y a eu une codification et une laïcisation du droit, qui passe de ce qui est permis par la religion à ce qui relève du droit civil[10]. Pierre Grimal constate que la séparation n’est pas totale, car la loi contient encore des prescriptions rituelles sur les funérailles, ou des traces du châtiment par la consécration aux dieux[11]. Grimal souligne néanmoins l’effort de modernisation et même de laïcisation par rapport aux lois de l’époque royale. A la condamnation divine se substitue la réparation, si possible convenue entre les parties[12].

La loi apporte l'égalité juridique entre la plèbe et les patriciens. En revanche, l’additif des deux dernières tables maintient une stricte séparation entre les deux classes, car elle interdit le mariage mixte[13]. Par l’interdiction des mariages mixtes, le patriciat semble avoir la volonté arrêtée de séparer juridiquement deux ordres qui ne l’étaient jusqu’alors que par un état de fait. Elle n’apporte enfin aucune satisfaction aux revendications agraires de la plèbe, ni des avantages politiques concrets, comme l’accès aux magistratures.

[modifier] Notes

  1. Tite-Live, Histoire romaine, livre III, 9-10
  2. Tite-Live, Histoire romaine, livre III, 31
  3. Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines, livre X, 54, 3
  4. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Livre XII, 9 ; Tite-Live, Histoire romaine, livre III, 33
  5. En bronze et exposées près des Rostres selon Diodore de Sicile, Livre XII, 10, ce qui est un anachronisme car les Rostres n’existaient pas à l’époque
  6. Tite-Live, Histoire romaine, livre III, 34-35, 52
  7. Marcel Le Glay, , Rome, Grandeur et Déclin de la République, Ed Perrin, 1990, réédité en 2005, (ISBN 2262018979), p 62, où il cite l’édition de Girard & Senn, Les lois des Romains, Naples, 1977, pp. 22-73
  8. Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines, livre X, 5`, 5
  9. Disposition citée par Aulu-Gelle, Nuits attiques, livre XX, chapitre 1
  10. Michel Christol, Daniel Nony, Rome et son empire, des origines aux invasions barbares, Hachette, collection HU, 2003, (ISBN 2011455421), 43
  11. « Si un patron commet une tromperie à l’égard d’un client, qu’il soit sacer » (Servius, ad Aen., 6, 609 ) ; « 
  12. Pierre Grimal, La civilisation romaine, Flammarion, Paris, 1981, réédité en 1998, (ISBN 2-080-81101-0), pp 99-100
  13. Cicéron, de Republica, 2, 37, 63

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens connexes

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