Léon Gard

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Léon Gard par lui-même en 1945
Léon Gard par lui-même en 1945

Léon Gard (1901-1979) est un peintre et un écrivain d'art.

Sommaire

[modifier] Biographie

Léon Gard naît à Tulle le 12 juillet 1901. La famille Gard s'installe à Morigny, puis dans le 13° arrondissement de Paris, au 21 de la rue du Champ-de-l'Alouette.

Le jeune Léon ne tarde guère à manifester ses dons artistiques. En 1913, âgé de douze ans, il exécute son propre portrait au fusain. À quatorze ans, il adresse une lettre au conservateur du musée des Arts-Décoratifs, Louis Metman, qui le prend sous sa protection et l'inscrit à l'académie Ranson. Il est placé en même temps comme clerc dans une étude de notaire. À seize ans, il copie des tableaux anciens pour une pièce de théâtre, "Petite reine" (histoire d'un antiquaire et d'un faussaire), interprétée par Gabriel Signoret, dont il fera le portrait.

Il a dix-sept ans quand il se présente pour la première fois au salon d'automne avec son Portrait de Louis Metman. Il reçoit à cette occasion un encouragement spécial de l'État et est proposé comme sociétaire du salon. Ce succès ne se renouvellera pas et Léon Gard dira ironiquement : "Mon œuvre était-elle si mauvaise, ou bien ces messieurs du jury étaient-ils bouleversés par le vin d'un banquet ? Qui le saura jamais ! En tout cas, s'ils ont commis une erreur ce jour-là, ils se sont bien corrigés depuis."

Vers 1922, il entre à l'École nationale des Beaux-Arts de Paris (atelier d'Ernest Laurent), mais il supporte mal les théories de ses professeurs et l'ambiance qui règne dans cette école ("agitée, tapageuse, débraillée, se donnant des airs de ruer dans les brancards, de chambarder l'autorité, mais en réalité ne détruisant que l'art que, personne, dans cette auguste enceinte, ne songe à défendre, ponctuant toutes ces secousses sismiques pour pucerons par le chant du "pompier", le seul principe vraiment profond de ce conservatoire de médiocrités."[1]) En fait de maîtres, il ne veut reconnaître que les grands peintres du passé et, surtout, celle que Léonard de Vinci appelait "la maîtresse des maîtres" : la nature. Il est remarqué par Albert Besnard. Il échoue au Grand Prix de Rome, mais il reçoit le prix Chenavard.

A sa sortie de l'école de la rue Bonaparte, il noue un contrat avec le marchand de tableaux Chéron qui a parmi ses "poulains", Soutine, Foujita et Van Dongen. Louis Metman lui alloue une petite pension qui lui permet d'aller peindre à Toulon d'où il expédie ses toiles à Chéron.

La crise économique de 1931 interrompt ces séjours et l'oblige à prendre un emploi dans un atelier de restauration de tableaux dont il deviendra le patron quelques années plus tard. Il continue d'envoyer au salon de la Nationale et d'exposer (galeries Bernheim, Charpentier).

C'est par son travail de restaurateur de tableaux qu'il rencontre Sacha Guitry. Ils deviennent amis. Léon Gard fait le portrait de l'actrice Jeanne Fusier-Gir, celui de Sacha Guitry et celui de la dernière femme de Sacha, l'actrice Lana Marconi.

En 1946, Léon Gard fonde la revue d'art Apollo, dont il rédige, au début, l'essentiel des articles sous son nom ou sous des pseudonymes. Il entreprend alors une véritable croisade contre la peinture non-figurative et explique sa propre conception de l'art, dont le seul critère intelligible lui semble être l'imitation de la nature.

Ce labeur d'écrivain joint à celui de restaurateur ralentissent sa production picturale sans l'interrompre, non plus que ses expositions personnelles qu'il donne à la galerie Jeanne Castel.

En 1957, avec la mort de Sacha Guitry, il perd à la fois un ami, un admirateur et un soutien de poids.

En 1960, l'État lui achète une toile ("Les Roses rouges"). Désormais, dés qu'il peut s'évader de son atelier de restauration, il court se réfugier dans le parc des Bonshommes en forêt de l'Isle-Adam, où il peint des toiles sur des thèmes de toujours, aussi simples à concevoir qu'ardus à réaliser : la vie des étangs, les caprices de la lumière et du vent sur les feuillages et sur les ciels, l'évolution des saisons, etc.

Trois ans avant sa mort, il remet son fonds d'atelier à son fils, et lui écrit : "J'avais espéré que dans le métier d'art que je fais, je rencontrerais quelque véritable amateur d'art : j'ai renoncé à cette idée car je n'ai trouvé que des spéculateurs ou des gens soucieux d'entretenir des portraits de famille par vanité. J'ai pensé finalement que ton sens artistique valait mieux que celui de tous ces faux collectionneurs."

Il ne peint plus que deux toiles, la dernière (Le Géranium rouge) un mois avant sa mort.

Dans son atelier de la rue des Bourdonnais, où les clients se font de plus en plus rares, il continue d'écrire tout ce qu'il a encore à dire sur l'art et sur la vie.

Il s'éteint le 12 novembre 1979, seul dans son studio du quai des Grands-Augustins où le dénuement s'est installé.

[modifier] Son oeuvre picturale

Le Petit pont de pierre, Etampes 1920
Le Petit pont de pierre, Etampes 1920
Autoportrait de Léon Gard en 1925
Autoportrait de Léon Gard en 1925

D'une originalité relativement discrète, elle ne pouvait que passer presque inaperçue aux yeux d'une époque essentiellement tapageuse dans le domaine de l'art. Pourtant, restant à l'écart des mouvement du XX° siècle qui se prétendaient héritiers des impressionnistes, de Cézanne ou de Van Gogh, elle est profonde et se rattache authentiquement, sans jamais les singer , à ces peintres français du XIX° qui avaient su (non sans douleur au milieu de l'académisme décadent officiel) réconcilier l'art pictural avec la vérité, la fraîcheur, la nature, en écartant les grandes compositions historiques ou mythologiques intempestives, en provoquant, comme le disait Léon Gard en parlant des impressionnistes, "l'ébranlement de ce qu'il peut y avoir de convenu sans raison dans la représentation des couleurs et de la lumière.".[2]

Jusqu'en 1926, alors que sévit la vogue fauve, cubiste ou abstraite, Léon Gard, à l'écart des théories, semble davantage suivre les leçons d'un Corot quand il plante son chevalet aux bords des chemins de Morigny ou d'Etampes et qu'il s'exerce avec une palette de tons doux et raffinés.



Nu assis, Toulon 1928,
Nu assis, Toulon 1928,
Nature morte aux Chrysanthèmes, Toulon 1930
Nature morte aux Chrysanthèmes, Toulon 1930
Femme à la lettre, Toulon 1929
Femme à la lettre, Toulon 1929

A partir de 1927, mettant à profit ses séjours à Toulon pour étudier la lumière et les harmonies de tons vifs, il s'exprime dans des natures-mortes aux volumes vigoureux baignants dans une atmosphère vibrantes et colorée, ou dans des nus à la chair éclatante. Il utilise la technique au couteau et les empâtements pour une touche vigoureuse, ostensible, tantôt large, tantôt plus serrée, au service d'harmonies à la fois vives et délicates. Cette peinture qui, de près, présente un aspect heurté, presque confus, offre, à distance voulue, une force et une luminosité extraordinaires. La couleur pure y est utilisée avec une dextérité qui n'appartient qu'aux grands coloristes, sans jamais tomber dans le criard. Il pose alors et résoud un des problèmes les plus complexes de la peinture : celui de l'ombre. "Pour que la partie ombrée, dit Léon Gard, ne cause pas la mort d'un tableau, c'est-à-dire en créant une zone inerte, il faut qu'elle soit lumineuse. Une ombre doit donner l'impression qu'elle peut changer de place et non pas ressembler à une tache figée : une ombre doit exprimer autant de vie qu'une lumière."


C'est aussi à cette époque que s'affirme dans ses toiles un phénomène de vibration colorée très particulier : l'aura. Curieusement à une époque où l'on voyait tant d'extavagances bien difficiles à justifier, l'aura colorée dont Léon Gard baignait les objets de ses tableaux, notamment les objets aux tons vifs (comme par exemple les fleurs), lui valu des regards sceptiques de la part de certains critiques qui lui reprochèrent ce qu'ils pensaient être une pure fantaisie. Pourtant, il n'en était rien. Léon Gard, avec son oeil apte à saisir les vibrations colorées les plus ténues, voyait réellement ces auras — et c'est bien-là le rôle du grand peintre que d'attirer l'attention sur des phénomènes qu'un oeil moins sensible ou moins exercé ne voit pas toujours d'emblée.

A partir de 1932, définitivement implanté à Paris, et bien que devant se passer de la lumière méditerranéenne, il continuera d'explorer ce domaine dans ses natures-mortes, ses tableaux de fleurs et ses portraits.


Jeune Femme au corsage rose, ,Paris 1942
Jeune Femme au corsage rose, ,Paris 1942
Tête de jeune femme,Paris 1947
Tête de jeune femme,Paris 1947

Les années 40, avec la rencontre de Sacha Guitry, sont marquées par plusieurs portraits "mondains" : Sacha Guitry, Lucien Daudet, le Comte Doria, la Baronne Hottinguer, Georges Renand, etc.


Les années 50 voient une série de natures-mortes et de fleurs où Léon Gard tente de fondre en une même oeuvre deux penchants chez lui qui, techniquement sont difficilement conciliable et pour lesquels il incline d'ordinaire tantôt vers l'un, tantôt vers l'autre, les deux tendances luttant, l'une cédant à l'autre à tour de rôle : l'amour du contour précis, du poids des choses, du détail, et l'amour de l'atmosphère, des vibrations colorées.

Nature-morte aux oranges et au chaudron,Paris 1950
Nature-morte aux oranges et au chaudron,Paris 1950
Roses rouges et carafe,Paris 1955
Roses rouges et carafe,Paris 1955
La Glycine du châteauL'Isle-Adam, 1960
La Glycine du châteauL'Isle-Adam, 1960
Cèdre et effet de cielL'Isle-Adam, 1969
Cèdre et effet de cielL'Isle-Adam, 1969

Dans les années soixante, il revient à l'esquisse, davantage guidé par les circonstances, sans doute, que par un choix délibéré. Son ami Sudreau, secrétaire d'Etat, met à sa disposition une chambre dans le chateau des Bonshommes situé en forêt de l'Isle-Adam. Le parc du chateau, avec ses arbres d'essences diverses, ses étangs et son aspect changeant au fil des saisons, offre au peintre une multitude de motifs. Comme il ne peut y faire que de très courts séjours d'un jour ou deux, il opte pour le tableau-esquisse dans lequel il s'efforce de saisir des effets de lumière, de vent, de brouillard, de neige, de pluie, etc. jouant dans les arbres, les prairies, les points d'eau ou le ciel. Les lumières sont exprimées par des empâtements proéminants sur une facture large, désinvolte, qui ne cherche pas à flatter l'oeil du profane. Pour le connaisseur, ces paysages sont une collection d'harmonies savantes et délicieuses qui chantent la nature.

Etang et arbres à contrejourL'Isle-Adam, 1968
Etang et arbres à contrejourL'Isle-Adam, 1968
Le Hêtre rougeL'Isle-Adam, 1968
Le Hêtre rougeL'Isle-Adam, 1968
Epicéas au couchantL'Isle-Adam, 1969
Epicéas au couchantL'Isle-Adam, 1969
Autoportrait au chevalet L'Isle-Adam, 1968
Autoportrait au chevalet L'Isle-Adam, 1968
Jeune homme au manteau, Paris 1971
Jeune homme au manteau, Paris 1971
Nature-morte au Singapour, Paris 1971
Nature-morte au Singapour, Paris 1971

Au début des années 70, il revient à une série de natures-mortes où s'exprime sa science des reflets dans les verreries, et celle qui consiste à faire sentir la différence de matières entre les objets. Il peint ses derniers portraits. Dans le Jeune homme au manteau, il rend un hommage à Titien, affirmant au sein même de l'effervescence des mouvements de peinture non-figurative, son rattachement à la tradition allant des peintres de la Renaissance aux Impressionnistes.

[modifier] Ses écrits

Léon Gard prend des notes et écrit des commentaires sur l'art dés l'âge de dix-sept ans. Il donne des conférences à Paris dans les années 1930. De son propre aveu peu doué pour cet exercice, il l'abandonne bientôt et prend l'habitude d'introduire le catalogue de ses expositions par un article sur la peinture, souvent une satire contre certains mouvements de peinture, contre les salons ou contre les critiques d'art (Les Fourberies de Rapin ou Les Audacieux ridicules).

En 1943 et 1944, il écrit cinq articles pour l'hebdomadaire Panorama (Sur la nature-morte, Formes et pluralité de l'exactitude en peinture, Héritage de gauguin, Indigestion de vertèbres, Gérôme ou la bévue d'une époque).

Il fonde en 1946 le bi-mensuel Apollo dans lequel il publie plus de deux cents articles en une dizaine d'années (Les "Avancés" avancent dans le vide", Il faut décourager les Beaux-Arts, L'imitation de la nature est le seul étalon dans les arts plastiques, le "nombre d'Or" est dans la nature, L'art a déserté la France, Des Règles de l'harmonie des couleurs et des volumes, L'amour de l'art bastion contre le robot, Il faut supprimer l'éducation artistique, Nécessité des règles, Abjection de la publicité, Spéculation et Beaux-Arts, La nature ou rien, Réfutation du Cubisme, Commerce du génie, etc.) Il y expose sa position à l'égard de l'art non-figuratif, en explore les origines qu'il estime fallacieuses, et met en évidence son absence d'un critère intelligible sur lequel s'appuyer pour juger quelles sont les oeuvres qui, dans son domaine, sont valables et quelles ne le sont pas.

Sur des thèmes similaires, il écrit encore plusieurs articles pour L'Amateur d'art et , dans les années 1970, pour le journal Rivarol.

[modifier] Citations

"L'erreur de la peinture depuis plus d'un siècle est d'être cérébrale au lieu d'être picturale."

"A travers l'histoire, nous voyons parfois des génies orgueilleux; nous n'en voyons pas de compliqués : le génie est simple car il lui suffit d'être lui-même."

"La mode est la formule contraire de ce dont on est lassé. Le dégoût de certaines erreurs précipite parfois dans les erreurs opposées."

"Dans les arts, la réussite pratique du moment n'est jamais apportée par la recherche de la qualité mais par la tendance. On n'est dans le vent que si l'on est dans le sens du vent."

"Les chefs-d'oeuvre en profondeur réussissent mal dans les sociétés démocratiques. Il y faut, de préférence, des chefs-d'oeuvre en surface brillante, puisque le côté profond d'un chef-d'oeuvre échappe au nombre."

"Manet n'était pas dans la mode d'hier, il ne serait pas non plus dans celle d'aujourd'hui : trop audacieux pour son temps, pas assez pour le nôtre. Ce n'est qu'un grand peintre."

"Le génie de l'art est le génie des valeurs infinitésimales et pourtant précises."

"En art, le rien fait les chefs-d'oeuvre. Si le blanc de la pivoine de Manet était moins rosé ou plus rosé, ce ne serait plus un Manet."

[modifier] Liens et documents externes

[modifier] Notes et références de l'article

  1. extrait de L'Ecole des Beaux-Arts ou quand le "pompier" prend feu, article paru dans la revue Apollo en 1948
  2. A propos de l'exposition Claude Monet chez Durand-Ruel de janvier 1927