Joseph Doutre

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Joseph Doutre (11 mars 1825 - 3 février 1886) est un écrivain, un journaliste, un homme politique et un avocat canadien. Directeur de l'Institut canadien de Montréal, il mena une longue lutte anticléricale contre Ignace Bourget avant de réaliser que sa cause était perdue.

Natif de Beauharnois, il fréquenta l'école paroissiale et le petit séminaire de Montréal, où il chemina avec Joseph-Alexandre Baile, Magloire Lanctôt et Toussaint-Antoine-Rodolphe Laflamme. En 1843, après avoir terminé ses études au séminaire, il se lança dans le droit, où il trouva pour maîtres Norbert Dumas, Lewis Thomas Drummond et Augustin-Norbert Morin.

Reçu au barreau du Canada-Est en 1847, il avait fait du journalisme en collaborant pour le Ménestrel, l'Aurore des Canadas et les Mélanges religieux. Influencé par Eugène Sue, il publia en 1844 un roman intitulé Les Fiancés de 1812, mais son livre fut condamné et jugé immoral. Pourtant, il écrivait deux années plus tard un récit de relation incestueuse qui s'inspirait du René de Chateaubriant.

Sans être l'un des fondateurs de l'Institut, Doutre se joint tôt au groupe et se hisse à la tête de l'organisation au mois de juillet de 1847. Collaborateur du journal L'Avenir, il affirme avoir contribué à faire élire Louis-Hippolyte Lafontaine à la tête de la colonie. George-Étienne Cartier lui reprochait toutefois de libelle contre sa personne.

Exigeant la suppression des dîmes et l'annexion du Canada aux États-Unis, Doutre fut rapidement soupçonné par les autorités d'attiser la révolution. Inquiété par la tournure des événements, Doutre s'imagina un accord secret entre James Bruce (Lord Elgin) et Ignace Bourget pour faire taire ses idées qu'il tentait de répandre. Ses écrits de l'époque, nourris d'une rage anticléricale sans précédent, témoignent de sa frustration face au rejet de ses projets idéalistes.

Doutre affirmait pouvoir réunir tous les jeunes gens de la société canadienne sous la bannière du progressisme. Il fut choqué lorsque Louis Proulx, Elzéar-Alexandre Taschereau, Jean Langevin et Joseph-Édouard Cauchon devinrent membre de l'Institut et l'obligèrent à cesser momentanément ses attaques dans les journaux. Désillusionné, il défendra par la suite l'existence d'un complot clérico-conservateur destiné à cacher la vérité aux Canadiens français.

En 1852, il constate que certains membres quittent l'Institut au profit d'une association rivale financée par l'évêché de Montréal. Auteur d'un essai qui lui valut une récompense de l'Institut, celle-ci l'élut président en novembre de la même année. L'année suivante, en 1853, Doutre fut très occupé à exiger l'abolition du système seigneurial, l'école non confessionnelle et l'éducation commerciale. Il fit aussi l'éloge du défunt libraire Édouard-Raymond Fabre avant de conclure que l'opinion publique n'avait pas envie pour le moment d'aborder de front la question de la laïcité des écoles.

Essayant de se faire élire au Conseil législatif dans Salaberry, il fut défait en 1856 par Louis Renaud. En 1863, il est de nouveau battu par Alfred Pinsonnault comme candidat à l'Assemblée législative du Canada-Uni. Il ne se représentera plus à l'Assemblée, mais il haïra et blâmera à nouveau le clergé pour son mauvais sort électoral.

Avec Charles Daoust, il fait fréquemment l'objet de critiques dans les lettres pastorales de l'évêque montréalais. En conséquence, son Institut perd 138 membres et doit bientôt rivaliser avec l'Institut canadien-français. Ayant trouvé un allié dans la personne de George Brown, il lui confie qu'il croit nécessaire de lutter diplomatiquement contre les catholiques pour établir un système de neutralité éducative.

Mgr Bourget, qui avait lu l'encyclique Mirari Vos de Grégoire XVI, s'indigna contre les avancées de Joseph Doutre et lui reprocha son mépris envers la religion catholique. Exaspéré, Doutre revint rapidement au droit et s'associa avec Joseph Lenoir, Wilfrid Laurier, Raoul Dandurand et Médéric Lanctot. Dans le gouvernement de Brown et d'Antoine-Aimé Dorion, Doutre était le premier représentant de sa profession et il occupait des tâches administratives de première importance, tels bâtonnier, conseiller de la reine et vérificateur en chef.

Auteur dans plusieurs revues juridiques, il avait plaidé en faveur des censitaires et avait pris une part active dans l'affaire Guibord, qui passionna le public canadien pendant près de deux décennies, de 1858 à 1875. Joseph Guibord ayant été finalement enterré en 1875, Doutre se félicita de ce gain obtenu tardivement.

Se sentant vieillir, il constatait dans les années 1880 que presque tous ses anciens amis libéraux avaient embrassé la foi de l'Église catholique. Toujours animé d'un radicalisme athée, il refusa à nouveau de renouer avec la foi de sa jeunesse. Dans les dernières confidences qu'il accordait à Honoré Mercier, il avouait cependant qu'un peu de conciliation lui aurait été utile au cours de sa vie. Il mourut à Montréal le 3 février 1886 et fut enterré dans le principal cimetière protestant de la ville.