Joseph Bara

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La mort de Joseph Bara Tableau de David.
La mort de Joseph Bara
Tableau de David.

Joseph Bara, ou Barra, né le 30 juillet 1779 à Fontainebleau[1], mort le 7 décembre 1793 (16 frimaire an II) à Jallais, près de Cholet, est un héros légendaire de la Révolution française.

Sommaire

[modifier] Naissance d’une légende

Joseph Bara est un jeune volontaire tué lors de l'attaque de Jallais par les Vendéens le 17 frimaire an II, à l'âge de 14 ans. Ayant demandé à l'automne 1792 à entrer dans la division de Bressuire, commandée par l'adjudant-général Desmares, ce dernier envoie un rapport au ministère de la guerre sur la conduite généreuse du garçon et demande à la Convention de secourir sa famille, très pauvre. Selon lui, engagé volontaire au 8e de hussards comme tambour dans les troupes républicaines combattant en Vendée, il aurait partagé toutes les fatigues et tous les dangers de la guerre. Reprenant ce rapport, Charles Mullié explique, dans Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, comment il est frappé au front d'un coup de sabre dans la mêlée, où il tombe et meurt en pressant la cocarde tricolore sur son cœur. D'après lui, cette mort paraît si héroïque, pour un enfant d'un âge ordinairement insouciant et consacré au jeu, que le général Desmares décide d'en donner avis à la Convention[2].

Pour Jean-Clément Martin, le général Desmares cherche, en mettant l'accent sur la mort de l'enfant, transformé en héros et en martyr républicain, à faire oublier la médiocrité de son commandement, ce qui ne l'empêche pas de finir à l'échafaud[3].

Mort de Joseph Bara, peinture de Charles Moreau-Vauthier
Mort de Joseph Bara, peinture de Charles Moreau-Vauthier
Jean-Joseph Weerts, La mort de Bara
Jean-Joseph Weerts, La mort de Bara

L'exemple de Bara semblant de nature à exciter le patriotisme et le civisme parmi la jeunesse, son histoire est citée dans les recueils d'actions héroïques, où il est bientôt rejoint par Joseph Agricol Viala.

Le 8 nivôse suivant (28 décembre 1793), Robespierre, désireux de tirer profit de cette histoire dans un contexte de lutte contre les Hébertistes[3], propose à la tribune de la Convention de « décerner les honneurs » du Panthéon au jeune héros. Barère surenchérit en demandant « que la gravure qui » doit représenter « l'action héroïque et la piété filiale de Joseph Barra, de Palaiseaux », soit faite « aux frais de la République, et envoyée par la Convention nationale dans toutes les écoles primaires »[4]. Le décret suivant est voté :

« La Convention nationale décerne les honneurs du Panthéon au jeune Barra. Louis David est chargé de donner ses soins à l'embellissement de cette fête nationale. La gravure qui représentera l'action héroïque de Joseph Barra sera faite aux frais de la République, d'après un tableau de David ; un exemplaire, envoyé par la Convention nationale, sera placé dans chaque école primaire. »[5]

La Convention décide que la patrie adopte la mère de Bara. Le 10 prairial an II (29 mai 1794), cette pauvre femme est admise avec deux de ses enfants dans l'enceinte de l'Assemblée et prend place quelques instants à côté du président, alors Prieur de la Côte-d'Or[6].

Impulsé par la propagande officielle, son culte se développe parmi la jeunesse, qui l'associe aux autres "martyrs" lors des fêtes civiques. Le 10 thermidor an II, une grande fête nationale organisée par David doit célébrer les figures de Bara et de Viala ; elle est empêchée par le 9-Thermidor. Pour Jean-Clément Martin, les inventions de la propagande révolutionnaires « ne sont pas à considérer seulement pour ce qu'elles sont, des manipulations grossières de l'opinion ; elles correspondent également à une demande collective d'héroïsme[7]. »

Le transfert au Panthéon n'aura jamais lieu, mais les artistes de la Révolution française ne tardent pas à exploiter l’épisode : Bara inspire à de nombreux auteurs des chansons, des poèmes, des hymnes et des pièces de théâtre. L'an II voit également une floraison d'estampes qui contribuent à propager la légende du jeune tambour. André Grétry en fait un opéra ; le Théâtre-Français donne aussi l'Apothéose du jeune Barra. La mort de Bara est immortalisée en peinture par David et dans le Chant du départ par Chénier[8]. Des décennies plus tard, David d'Angers réalise une statue de Joseph Barra pour l'exposition de 1839. En 1883, Jean-Joseph Weerts peint La Mort de Bara, tableau conservé au Musée d'Orsay[9].

La légende qui se développe alors explique que, le 7 décembre 1793, Bara est pris à partie près de Cholet par des Chouans. Contraint de crier « Vive le Roi ! ». Joseph Bara préfère mourir en criant « Vive la République ! »[10] avant de tomber sous les balles royalistes[11]. Très présente dans l'imagerie républicaine, elle reparaît dans les manuels scolaires de la Troisième République.

[modifier] Voir aussi

[modifier] À lire

  • Joseph Bara (1779-1793) : pour le deuxième centenaire de sa naissance, la Ville de Palaiseau et la Société des études robespierristes, Palaiseau, 1981, 164 pages

[modifier] Liens externes

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[modifier] Sources

  • Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Parsi, PUF, 1989 (rééd. Quadrige, 2005, p. 72-73), artcile de Raymonde Monnier
  • Annales historiques de la Révolution française, Société des études robespierristes/CNRS, n° 241, juillet-août-septembre 1980
  • « Joseph Bara », dans Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1852 [détail édition](Wikisource)

[modifier] Notes

  1. Page de Palaiseau sur le Quid : « Palaiseau fut la résidence de Joseph Bara (fausse légende de sa mort héroïque, voir à Fontainebleau où il naquit) ».
  2. Il termine ainsi son rapport : « Aussi vertueux que courageux, se bornant à sa nourriture et à son habillement, il faisait passer à sa mère tout ce qu'il pouvait se procurer ; il la laisse, avec plusieurs filles et son jeune frère infirme, sans aucune espèce de secours. Je supplie la Convention de ne pas laisser cette malheureuse mère dans l'horreur de l'indigence. » Voir « Barra Joseph », in Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1852.
  3. ab Jean-Clément Martin, Violence et Révolution. Essai sur la naissance d'un mythe national, Paris, Éditions du Seuil, collection L'univers historique, 2006, p. 181
  4. Philippe Buchez et Pierre Célestin Roux-Lavergne, Histoire parlementaire de la Révolution française, ou Journal des assemblées nationales depuis 1789 jusqu'en 1815, Paris, Pauli, 1834-1838, 40 volumes, volume 31, p. 25-26.
  5. « Barra Joseph », in Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1851
  6. Des applaudissements unanimes s'élèvent et se prolongent dans toutes les parties de la salle. Un orateur lui adresse quelques paroles de consolation : « Non, tu n'as rien perdu, lui dit-il, ton fils n'est pas mort; il a reçu une nouvelle existence, et il est né à l'immortalité. » Voir « Barra Joseph », in Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1851.
  7. Jean-Clément Martin, Violence et Révolution. Essai sur la naissance d'un mythe national, Paris, Éditions du Seuil, collection L'univers historique, 2006, p. 181
  8. Texte et écoute du Chant du départ
  9. Voir une photo du salon de 1883.
  10. Selon Gilbert Guislain, Pascal Le Pautremat, et Jean-Marie Le Tallec (500 citations de culture générale, Studyrama, 2005, p. 42), il a plus vraisemblablement dit « Va te faire foutre, brigand ! »
  11. Voir par exemple P. Bernard et F. Redon, Notre premier livre d'histoire, cours élémentaire 1re année, Paris, Fernand Nathan, 1950 :

    « Les enfants eux-mêmes donnent leur vie pour sauver la Patrie, la Liberté, la République.
    Joseph Bara, un hussard de 14 ans, est entouré par des Français révoltés : « Crie : vive le Roi ! et l'on ne te fera pas de mal. » Il crie « Vive la République ! » et tombe percé de coups. »

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