Jeunes Turcs (France)

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Les Jeunes Turcs constituent une tendance[1] du parti radical qui, dans l'entre-deux-guerres a milité pour une rénovation de la doctrine de leur parti, et au-delà pour une modernisation de la société française et des institutions de la Troisième République.

L'expression « Jeunes Turcs » peut prêter à confusion dans la mesure où ceux qui s'en réclamaient n'étaient ni « jeunes », ni « turcs », mais sympathisants du mouvement réformateur Jeunes-Turcs qu'ils prenaient pour modèle. Si la génération née vers 1900 y est particulièrement bien représentée (Pierre Cot, Jean Zay, Bertrand de Jouvenel, Jacques Kayser), on y trouve des personnages plus jeunes (Pierre Mendès-France) ou plus âgés (Gaston Bergery, Albert Bayet)[2]. Il ne s'agit donc pas d'un mouvement de jeunesse du parti radical comme il existera plus tard un Mouvement des Jeunes Socialistes par exemple[3].

La plupart de ceux qui se revendiquent Jeunes Turcs se rattachent à l'aile gauche du parti[4], même si certains membres de l'aile droite peuvent se joindre à leurs voix, comme Jean Montigny ou Emile Roche[5] : Bertrand de Jouvenel et Pierre Cot par exemple sont proches de Daladier ; Jacques Kayser ou Jean Zay, militants convaincus de l'alliance avec la SFIO, « font parfois figure d'hommes liges de Léon Blum »[6].

L'émergence des Jeunes Turcs correspond à un mouvement général dans la société française de cette époque, une atmosphère de remise en question des pouvoirs établis dans un contexte de crise, y compris à l'intérieur des principaux partis de la vie politique du pays[7]. « Autour de 1930, on voit se multiplier prises de position, manifestes, plans, essais de synthèses doctrinales que caractérisent une volonté révolutionnaire, un refus de l'ordre établi, un souci explicite de réorganiser le monde et la société »[8]. Les Jeunes Turcs s'inscrivent dans cette dynamique.

Ils se caractérisent, dans le domaine économique, par un étatisme que ne renient pas les planistes de la SFIO ou de la CGT[9]. Ils remettent notamment en cause le capitalisme libéral[10], « qui aboutit à l'anarchie et à l'asservissement de la nation par les trusts »[11]. A ce titre, ils préconisent que l'État joue un rôle beaucoup plus éminent dans la conduite de l'économie : ils parlent d'économie « dirigée », « contrôlée » ou « organisée » par l'État, même si ils rejettent les dérives de l'étatisme autoritaire. Nationalisations, planification de la production, contrôle par l'État des monopoles ou des banques sont des réformes qu'ils préconisent.

La réforme de l'État est l'autre cheval de bataille des Jeunes Turcs, revendication relativement répandue dans le monde politique en ces temps de crise du parlementarisme, qui passe pour eux par un renforcement de l'exécutif et la réhabilitation du droit de dissolution pour le Président de la République. « La réforme de l'État comprend enfin une transformation en profondeur des administrations, de leur définition comme de leur organisation, conduisant à une rationalisation du fonctionnement des services publics »[12].

Enfin, sur les questions internationales, les Jeunes Turcs se différencient peu des positions de la direction du parti, si ce n'est pas leur fougue à promouvoir les procédures d'arbitrage international, la Société des Nations, le rapprochement avec l'Allemagne (jusqu'en 1933) et la Grande-Bretagne[13], le culte de la figure d'Aristide Briand et le pacifisme en général. « Leurs réticences à l'égard du nationalisme jacobin et l'acceptation du principe d'une révision des traités de paix tendent davantage à les singulariser »[14].

[modifier] Notes et références

  1. Serge Berstein parle de « mouvement multiforme ». Serge Berstein, La France des années 30, Armand Colin, 1993, p.109
  2. Gérard Baal, Histoire du radicalisme, la découverte, 1994
  3. A ce titre, le fait que les Jeunes Turcs soient également parfois appelés « Jeunes Radicaux » ne fait pas d'eux un organe de jeunesse du parti radical, comme l'est aujourd'hui le mouvement des Jeunes Radicaux.
  4. Jean Lacouture écrit dans sa biographie de Mendès-France, p. 72 : « Dans le grand débat qui se déroulait en permanence [au sein du parti radical] entre les partisans du "cartel" (l'alliance à gauche, avec les socialistes) et les tenants de la "concentration" (la coopération avec la droite, qu'on qualifia longtemps de "Bloc National"), ils sont par excellence les cartellistes. Ils ont remis à la mode le vieux cri : "pas d'ennemi à gauche !"»
  5. Baal, op.cit., p. 84
  6. Jean-Thomas Nordmann, Histoire des Radicaux, 1820-1973, éditions de la Tables Ronde, 1974, p. 237
  7. Ce qui peut entrainer, après constitution d'un courant, schismes et scissions, comme par exemple celle des néo-socialistes au sein de la SFIO.
  8. Nordmann, op.cit., p. 236
  9. Les Jeunes Turcs affichent d'ailleurs la conformité de leurs vues avec celles de la CGT. Nordmann, op. cit., p. 238
  10. et cela avant même la crise de 1929 : Bertrand de Jouvenel publie en 1928 L'Economie dirigée. Baal, op.cit, p. 84
  11. Baal, op.cit, p. 84
  12. Nordmann, op.cit., p. 238
  13. Ils adhèrent pleinement à l'idée de fédération européenne suggérée par Edouard Herriot, puis par Briand
  14. Nordmann, op.cit., p. 238

[modifier] Lien externe