Intrigue

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L’intrigue, du latin, intricare[1], signifie « complication, embrouillement, imbroglio ». L’intrigue d’un récit est le détail de ses péripéties. Dans une pièce de théâtre, l’intrigue est l’énonciation de l’histoire qui va se dérouler. C’est la combinaison des circonstances et des incidents qui forment le nœud même de l’action, qui la suspendent et menacent de l’arrêter ou de là détourner du but marqué, jusqu’à ce que le dénouement l’y ramène d’une façon inattendue et la précipite.

Le mot a longtemps été prononcé intrique. Au XVIIe siècle, Corneille écrit :

Mais enfin ces pratiques
Vous peuvent engager en de fâcheux intriques,

dans le Menteur (I, VI).

La forme primitive du mot « intrigue » et son étymologie expliquent son sens en littérature : l’intrigue, dont le rôle est d’éveiller la curiosité du lecteur ou du spectateur et de la tenir en haleine, trompe cette curiosité, l’excite pour mieux la satisfaire en opposant et en mettant en lutte les événements, les intérêts, les situations, et en enveloppant leur mêlée d’une savante obscurité d’où se dégagera plus tard la lumière.

Il y a deux sortes d’intrigues : l’une, toute superficielle, fait venir les difficultés qui entravent l’action, d’événements fortuits accumulés à plaisir par l’imagination de l’auteur ; l’autre, plus savante, fait naître les obstacles des passions mises en jeu, du développement naturel ou des contrastes des caractères.

L’intrigue est une des parties essentielles de toute composition littéraire ayant pour objet le récit ou la mise en scène d’une action, c’est-à-dire du poème narratif et du roman, aussi bien que des ouvrages dramatiques. C’est dans ces derniers pourtant qu’on la considère volontiers. L’intrigue est si bien à sa place dans la comédie qu’elle suffit à former un de ses genres, la comédie d’intrigue. Si elle n’a pas la même importance dans les comédies de mœurs et de caractère, elle ne leur est pas moins, à un certain degré, indispensable. Sans elle, la tragédie se réduirait à la peinture d’une situation, et le drame ne serait qu’une suite de tableaux et de scènes sans intérêt dramatique, de même que, sans elle, un poème narratif ne serait qu’une suite décousue d’épisodes. En nouant toutes les parties d’un ouvrage, l’intrigue lui donne l’unité et la vie, et contribue plus peut-être que la perfection de l’exécution et du style à captiver le spectateur ou le lecteur.

L’art de préparer, de nouer et de dénouer l’intrigue, d’en mêler et démêler tous les fils est un élément important de l’art dramatique qui éclate dans l’exposition, la suite des péripéties et le dénouement. L’intrigue fait jouer des ressorts artificiels servent à préparer les revirements de l’action ; et les expliquent quand ils se produisent, plus ou moins inattendus : il ne faut pas les laisser trop apercevoir. Une lettre écrite et qui se trompe d’adresse, un gage de souvenir, une trace de passage, un détail d’une rencontre, tout objet matériel servant à une reconnaissance ou à une confusion de personne, sont des moyens banals d’intrigue dont il faut se servir avec discrétion. On les appelle, en argot de théâtre, des « ficelles », par allusion aux fils trop visibles qui font mouvoir les marionnettes.

En général, l’habileté à conduire l’intrigue n’est pas en raison directe de l’art de creuser les situations et de développer les caractères. L’une vise à l’amusement, l’autre tend aux impressions durables et profondes. Dans les spectacles grecs, l’intrigue de la tragédie et de la comédie était également simple, et les époques classiques ont suivi les mêmes traditions. La sobriété de l’action, des effets et des moyens est partout la loi de la première maturité de l’art.

Quelques auteurs ont beaucoup usé des artifices de l’intrigue, en les noyant dans des complications propres à mettre en défaut la perspicacité du spectateur. Leur œuvre est toute une énigme. La première manière de Corneille fournit des exemples de ces pièces embrouillées qui se refusent à l’analyse, sous la plume même de leur auteur. Beaumarchais s’est plu dans ces incidents savamment préparés qui mettent les personnages dans l’embarras ou les en font sortir. Le vaudeville et la comédie ont porté au dernier point, avec Scribe et Sardou, la pratique des manœuvres et artifices dramatiques.

[modifier] Note

  1. On en retrouve la trace dans « inextricable ».

[modifier] Source

  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 1070-1

[modifier] Voir aussi