Gavroche

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Personnage du tableau La Liberté guidant le peuple (peint en 1830 par Delacroix) qui a inspiré le personnage de Gavroche à Victor Hugo dans le livre Les Misérables publié en 1862
Personnage du tableau La Liberté guidant le peuple (peint en 1830 par Delacroix) qui a inspiré le personnage de Gavroche à Victor Hugo dans le livre Les Misérables publié en 1862

Gavroche est un personnage du roman Les Misérables de Victor Hugo, qui prend les traits d'un enfant parisien, fils des Thénardier.

Sommaire

[modifier] Naissance du gamin de Paris

« La gaminerie parisienne est presque une caste. On pourrait dire : n'en est pas qui veut.
Ce mot, gamin, fut imprimé pour la première fois et arriva de la langue populaire dans la langue littéraire en 1834. C'est dans un opuscule intitulé Claude Gueux que ce mot fit son apparition. Le scandale fut vif. Le mot a passé. »

Victor Hugo, Les Misérables (Tome III. Marius – Livre Premier : Paris étudié dans son atome – Chapitre 7. Le gamin aurait sa place dans les classifications de l'Inde).

[modifier] Gavroche, archétype du gamin de Paris

« Paris a un enfant et la forêt a un oiseau ; l'oiseau s'appelle le moineau ; l'enfant s'appelle le gamin.
Accouplez ces deux idées qui contiennent, l'une toute la fournaise, l'autre toute l'aurore, choquez ces étincelles, Paris, l'enfance ; il en jaillit un petit être. Homuncio, dirait Plaute.
Ce petit être est joyeux. Il ne mange pas tous les jours et il va au spectacle, si bon lui semble, tous les soirs. Il n'a pas de chemise sur le corps, pas de souliers aux pieds, pas de toit sur la tête ; il est comme les mouches du ciel qui n'ont rien de tout cela. Il a de sept à treize ans, vit par bandes, bat le pavé, loge en plein air, porte un vieux pantalon de son père qui lui descend plus bas que les talons, un vieux chapeau de quelque autre père qui lui descend plus bas que les oreilles, une seule bretelle en lisière jaune, court, guette, quête, perd le temps, culotte des pipes, jure comme un damné, hante les cabarets, connaît des voleurs, tutoie des filles, parle argot, chante des chansons obscènes, et n'a rien de mauvais dans le cœur. C'est qu'il a dans l'âme une perle, l'innocence, et les perles ne se dissolvent pas dans la boue. Tant que l'homme est enfant, Dieu veut qu'il soit innocent.
Si l'on demandait à l'énorme ville : Qu'est-ce que c'est que cela ? elle répondrait : C'est mon petit. »

Victor Hugo, Les Misérables (Tome III. Marius – Livre Premier : Paris étudié dans son atome – Chapitre 1. Parvulus).

[modifier] Biographie du personnage

Né en 1820, il est le fils des Thénardier qui ne l'aiment pas, ne veulent pas de lui et c'est pour cela qu'il vit dans la rue (il a l'habitude de dire « Je rentre dans la rue » quand il sort d'une maison). Il ne les voit que de temps à autre mais il aidera tout de même son père à s'évader de prison. Gavroche connaît ses sœurs aînées, Éponine et Azelma, mais pas ses deux frères cadets qui ont été adoptés en très bas âge suite à une sordide tractation de leurs parents. Après l'arrestation de leur mère adoptive, alors que les deux enfants se retrouvent à la rue, Gavroche les recueille sans savoir que ce sont ses frères. Mais ils s'égarent dans Paris le lendemain et on ne les revoit qu'une seule fois, cherchant à manger. Le lecteur ne sait pas ce qu'ils sont devenus.

Gavroche connaît bien la bande « Patron-Minette », des malfaiteurs que Thénardier sollicite pour ses mauvais coups.

Gavroche meurt le 6 juin 1832, peu après Éponine, près de la même barricade de la rue de la Chanvrerie, pendant l'Insurrection républicaine à Paris en juin 1832, en tentant de récupérer des cartouches non brûlées pour ses camarades insurgés et en chantant une célèbre chanson qu'il n'a pas le temps d'achever (Tome V. Jean Valjean – Livre Premier : La guerre entre quatre murs – Chapitre 15. Gavroche dehors) :

On est laid à Nanterre,
C'est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C'est la faute à Rousseau.

Je ne suis pas notaire,
C'est la faute à Voltaire,
Je suis petit oiseau,
C'est la faute à Rousseau.
Joie est mon caractère,
C'est la faute à Voltaire,
Misère est mon trousseau,
C'est la faute à Rousseau.

Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à...

[modifier] Autres chansons de Gavroche

  • Tome III. Marius – Livre VIII : Le mauvais pauvre – Chapitre 22. Le petit qui criait au tome III :

    Le roi Coupdesabot
    S'en allait à la chasse,
    À la chasse aux corbeaux...

    Le roi Coupdesabot
    S'en allait à la chasse,
    À la chasse aux corbeaux,
    Monté sur des échasses.
    Quand on passait dessous
    On lui payait deux sous.


  • Tome IV. L’idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis – Livre XI : L’atome fraternise avec l’ouragan – Chapitre 1. Quelques éclaircissements sur les origines de la poésie de Gavroche. Influence d’un académicien sur cette poésie :

    La nuit on ne voit rien,
    Le jour on voit très bien,
    D’un écrit apocryphe
    Le bourgeois s’ébouriffe,
    Pratiquez la vertu,
    Tutu chapeau pointu !


  • Tome IV. L’idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis – Livre XI : L’atome fraternise avec l’ouragan – Chapitre 5. Le vieillard :

    Voici la lune qui paraît,
    Quand irons-nous dans la forêt ?
    Demandait Charlot à Charlotte.

    Tou tou tou
    Pour Chatou.
    Je n'ai qu'un Dieu, qu'un roi, qu'un liard et qu'une botte.

    Pour avoir bu de grand matin
    La rosée à même le thym,
    Deux moineaux étaient en ribote.

    Zi zi zi
    Pour Passy.
    Je n'ai qu'un Dieu, qu'un roi, qu'un liard et qu'une botte.

    Et ces deux pauvres petits loups
    Comme deux grives étaient soûls ;
    Un tigre en riait dans sa grotte.

    Don don don
    Pour Meudon.
    Je n'ai qu'un Dieu, qu'un roi, qu'un liard et qu'une botte.

    L'un jurait et l'autre sacrait.
    Quand irons-nous dans la forêt ?
    Demandait Charlot à Charlotte.

    Tin tin tin
    Pour Pantin.
    Je n'ai qu'un Dieu, qu'un roi, qu'un liard et qu'une botte.


  • Tome IV. L’idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis – Livre XIV : Les grandeurs du désespoir – Chapitre I. Le drapeau – Premier acte :

    Sur l'air de « Au clair de la lune. »
    Mon nez est en larme.
    Mon ami Bugeaud,
    Prêt'-moi tes gendarmes
    Pour leur dire un mot.
    En capote bleue,
    La poule au shako,
    Voici la banlieue !
    Co-cocorico !


  • Tome IV. L’idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis – Livre XV : La rue de l’Homme-Armé – Chapitre 4. Les excès de zèle de Gavroche :

    L'oiseau médit dans les charmilles
    Et prétend qu'hier Atala
    Avec un russe s'en alla.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    Mon ami Pierrot, tu babilles,
    Parce que l'autre jour Mila
    Cogna sa vitre, et m'appela.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    Les drôlesses sont fort gentilles ;
    Leur poison qui m'ensorcela
    Griserait monsieur Orfila.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    J'aime l'amour et ses bisbilles,
    J'aime Agnès, j'aime Paméla,
    Lise en m'allumant se brûla.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    Jadis, quand je vis les mantilles
    De Suzette et de Zéila,
    Mon âme à leurs plis se mêla.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    Amour, quand dans l'ombre où tu brilles,
    Tu coiffes de roses Lola
    Je me damnerais pour cela.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    Jeanne, à ton miroir tu t'habilles !
    Mon cœur un beau jour s'envola ;
    Je crois que c'est Jeanne qui l'a.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    Le soir, en sortant des quadrilles,
    Je montre aux étoiles Stella
    Et je leur dis : regardez-la.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    Mais il reste encor des bastilles,
    Et je vais mettre le holà
    Dans l'ordre public que voilà.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    Quelqu'un veut-il jouer aux quilles ?
    Tout l'ancien monde s'écroula,
    Quand la grosse boule roula.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    Vieux bon peuple, à coups de béquilles,
    Cassons ce Louvre où s'étala
    La monarchie en falbala.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

    Nous en avons forcé les grilles ;
    Le roi Charles Dix ce jour-là
    Tenait mal et décolla.

    Où vont les belles filles,
    Lon la.

  • Tome IV. L'idylle rue Plumet et l'Épopée rue Saint-Denis – Livre XIV : Les grandeurs du désespoir – Chapitre 6. L'agonie de la mort après l'agonie de la vie :

    En voyant Lafayette,
    Le gendarme répète :
    Sauvons-nous ! sauvons-nous ! sauvons-nous !

[modifier] Mots de Gavroche et des gamins

  • Une fillette de cinq ans, au couvent, s'écrie devant une religieuse :
    — Ma mère ! Une grande vient de me dire que je n'ai plus que neuf ans et dix mois à rester ici. Quel bonheur !

  • Une autre fillette observant une perruche en train de picorer :
    — Est-elle gentille ! Elle mange le dessus de sa tartine, comme une personne !

  • Toujours au couvent, une « pécheresse » de sept ans a écrit sa confession à l'avance pour ne pas l'oublier :
    — Mon père, je m'accuse d'avoir été avarice.
    — Mon père, je m'accuse d'avoir été adultère.
    — Mon père, je m'accuse d'avoir élevé mes regards vers les messieurs.


  • Une petite abandonnée, élevée au couvent par charité, en entendant les autres fillettes parler de leurs mères, murmure dans son coin :
    — Moi, ma mère n'était pas là que je suis née !

  • Pour prendre rang dans la procession du Saint-Sacrement, les fillettes défilaient en « Vierges » et en « Fleuristes ». On les entendait converser dans le dortoir :
    — Qui est-ce qui est vierge ?
    Une « petite » de sept ans disait à une « grande » de seize ans qui prenait part à la procession :
    — Tu es vierge, toi ; moi, je ne le suis pas.

  • Un enterrement passe. Parmi ceux qui accompagnent le mort, il y a un médecin :
    Un gamin (qui pourrait être Gavroche) — Tiens, depuis quand les médecins reportent-ils leur ouvrage ?

  • Un gamin est dans la foule. Un homme grave, orné de lunettes et de breloques, se retourne, indigné, vers lui :
    — Vaurien, tu viens de prendre « la taille » à ma femme.
    — Moi, monsieur ! Fouillez-moi.


  • Une exclamation d'un autre gamin parisien :
    — Dieu de Dieu ! J'ai-t-y [ai-je] du malheur ! Dire que je n'ai pas encore vu quelqu'un tomber d'un « cintième » [cinquième étage].

  • Pas un gamin, mais un paysan à qui on demande :
    — Père un tel, votre femme est morte de sa maladie ; pourquoi n'avez-vous pas envoyé chercher de médecin ?
    — Que voulez-vous, monsieur, nous autres pauvres gens, j'nous mourrons nous-mêmes.


  • Gavroche heurtant le dos d'une vieille femme qui fouille dans un tas d'ordures :
    Gavroche ― Tiens ! moi qui avais pris ça pour un énorme, un énorme chien !
    Vieille — Carcan de moutard ! Si je n'avais pas été penchée, je sais bien où je t'aurais flanqué mon pied !
    Gavroche — Kiss ! kiss ! Après ça, je ne me suis peut-être pas trompé.
    Gavroche, à la vieille femme décrépite qui lui fait face, indignée :
    — Madame n'a pas le genre de beauté qui me conviendrait.

  • Gavroche, dans la rue, à une vieille concierge (barbue) qui a son balai à la main :
    — Madame, vous sortez-donc avec votre cheval ?

  • Gavroche éclabousse les bottes vernies d'un passant :
    Le passant (furieux) — Drôle !
    Gavroche — Monsieur se plaint ?
    Le passant — De toi !
    Gavroche — Le bureau est fermé, je ne reçois plus de plaintes.

  • Sous l'averse qui redouble :
    — Ah ça, qu'est-ce que cela signifie ? Il repleut ! Bon Dieu, si cela continue, je me désabonne.

  • À l'un des deux enfants qu'il a recueilli (ce sont ses frères, mais il l'ignore) et à qui il donne un morceau de pain :
    — Colle-toi ça dans le fusil.

  • Gavroche, se sauvant avec le pistolet qu'il vient de voler à une marchande, lui crie :
    — Mère Chose, je vous emprunte votre machin.

  • En direction d'un groupe de riches (et gros) propriétaires :
    — Ces rentiers, comme c'est gras ! Ça se gave. Ça patauge dans les bons dîners. Demandez-leur ce qu'ils font de leur argent. Ils n'en savent rien. Ils le mangent, quoi ! Autant en emporte le ventre.

  • Dans la rue de Thorigny, à quatre vieilles commères :
    — Les vieilles, qu'est-ce que vous avez donc à parler politique ?
    En réponse à l'une des commères qui l'invective :
    — Tu renifles, mon ancienne. Mouche ton promontoire.

  • Apercevant un caniche très maigre dans la rue :
    — Mon pauvre toutou, tu as donc avalé un tonneau qu'on te voit tous les cerceaux.

  • « Navet, l'ami à Gavroche » (9 ans), répond aux insurgés qui préparent la barricade et l'invitent à déjeuner :
    — Je ne peux pas, je suis du cortège, c'est moi qui crie à bas Polignac.

  • À Javert, démasqué et fait prisonnier par les insurgés de la barricade :
    — C'est la souris qui a pris le chat.

  • Au insurgés qui refusent de lui donner un fusil après qu'il a contribué à démasquer Javert :
    — Je vous laisse le musicien, mais je veux la clarinette.

  • Après avoir brisé la vitre d'un réverbère, dans la rue qui s'assombrit:
    — C'est ça, la vieille rue, mets ton bonnet de nuit.

  • À Jean Valjean qui veut lui donner une pièce de cent sous :
    — Bourgeois, j'aime mieux casser les lanternes. Reprenez votre bête féroce. On ne me corrompt point. Ça a cinq griffes ; mais ça ne m'égratigne pas.

  • À Jean Valjean, dont il ignore le nom et à qui il remet la lettre que Marius lui a demandé d'apporter à Cosette :
    — Et dépêchez-vous, monsieur Chose, puisque Mamselle Chosette attend.

  • Gavroche « emprunte » une charrette à un ivrogne qui cuve son vin dans la rue et lui laisse un reçu :
    République française.
    « Reçu ta charrette. »
    Signé : « Gavroche. »

  • Dialogue (surréaliste) entre Gavroche et un sergent de ville qui le questionne pour savoir où il va en pleine nuit avec sa charrette :
    Gavroche (au sergent) — Bonjour, l’ordre public.
    Sergent — Où vas-tu, voyou ?
    Gavroche — Citoyen, je ne vous ai pas encore appelé bourgeois. Pourquoi m’insultez-vous ?
    Sergent — Où vas-tu, drôle ?
    Gavroche — Monsieur, vous étiez peut-être hier un homme d’esprit, mais vous avez été destitué ce matin.
    Sergent — Je te demande où tu vas, gredin ?
    Gavroche — Vous parlez gentiment. Vrai, on ne vous donnerait pas votre âge. Vous devriez vendre vos cheveux cent francs la pièce. Cela vous ferait cinq cents francs.
    Sergent — Où vas-tu ? Où vas-tu ? Où vas-tu, bandit ?
    Gavroche — Voilà de vilains mots. La première fois qu’on vous donnera à téter, il faudra qu’on vous essuie mieux la bouche.
    Sergent (qui brandit sa baïonnette) — Me diras-tu où tu vas, à la fin, misérable ?
    Gavroche ― Mon général, je vas chercher le médecin pour mon épouse qui est en couches.
    Sergent — Aux armes !

  • Aux insurgés de la barricade face au gros de l'armée :
    — Je vous autorise à leur flanquer une pile indigne.

  • Gavroche, hors de la barricade pour récupérer des cartouches sur les cadavres, devient la cible des soldats et les balles sifflent autour de lui :
    — Fichtre ! Voilà qu'on me tue mes morts.

[modifier] Chanson Gavroche, créée par Chantal Goya, Paroles : Jean-Jacques Debout, 1985

Prends garde à toi si tu ricanes
Je suis un bon citoyen
J'ai montré sur les barricades
Que j'étais républicain
Et si je n'ai pas de carrosse
Le Roi n'est pas mon cousin
Je sais ce que j'ai dans ma caboche
Et personne n'y peut rien

[modifier] Sens commun

Depuis, par antonomase, « Gavroche » se dit d'une personne ressemblant au personnage de Victor Hugo : un gamin parisien gouailleur, débrouillard, à la vulgarité attachante. La réplique d'Arletty dans le film Hôtel du Nord pourrait en être un exemple : « Atmosphère ? Atmosphère ? Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ? ».

[modifier] Lien externe